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›› Editorial

Bataille contre la corruption. « Stupeur et tremblements »

Après plus d’un an d’une campagne anti-corruption qui dépasse en ampleur et en férocité toutes celles qui avaient été conduites depuis la mort de Mao, ciblant directement ou indirectement des personnalités de la haute direction du régime jusque là protégées par le tabou de l’immunité dont jouissaient les retraités du Bureau Politique y compris ceux de l’APL, le moment est venu de s’interroger si, à l’instar des nettoyages tentés par les équipes précédentes, celle conduite par l’actuel pouvoir avec une inflexibilité impressionnante, ne sera pas elle aussi handicapée par des obstacles enkystés dans la nature même du régime que nombre d’observateurs mentionnent.

Parmi eux, l’un des plus stérilisants est d’abord le caractère omniprésent des attitudes vénales, des malversations et des trafics divers, consubstantiels du régime où les ramifications des manquements au droit et à la probité renvoient systématiquement aux chapelles des étages supérieurs qui les cautionnent. Une réalité hautement sensible qui, de proche en proche, risque même de transformer les redresseurs de tort en victimes de « l’épuration » qu’ils ont eux-mêmes mise en branle.

L’embarras crée aussi des hésitations à mesure que la campagne s’approche du sommet de l’appareil et que la justice inféodée au Parti et préoccupée de la sécurité du régime veille, in fine, à protéger le système des embardées éthiques qui pourraient le mettre en danger. A quoi s’ajoute l’obstacle de la perplexité de l’opinion qui continue à penser que la « purification » en cours est avant tout une lutte de factions qui cessera quand l’une des parties aura été défaite et que ses adeptes seront rentrés dans le rang ou mis en prison.

Enfin, par les temps qui courent où le Parti est confronté à de formidables défis socio-économiques, dont certains renvoient à sa crédibilité, tandis que les solutions pour les affronter divergent parfois radicalement, on ne peut manquer de poser la question de la cohésion politique de l’équipe dirigeante, dont les positions discordantes renvoient aussi aux luttes de clans. Depuis des lustres en effet les antagonismes qui menacent l’unité du Parti recoupent ceux accrochés aux prébendes et à l’ancien schéma de croissance, adeptes d’une voie politique purement chinoise qui s’opposent à ceux favorables aux reformes structurelles et au progrès du droit.

De ce côté, des controverses continuent à rythmer de temps à autre le jeu des luttes de pouvoir, y compris à l’Ecole du Parti et dans les grandes académies, creusets idéologiques et politiques du régime, sur les rôles de la constitution, de la justice, de la société civile, ainsi que sur le contrôle des politiques publiques par les assemblées. Alors que la presse se fait l’écho d’une vague de suicides de cadres confrontés à la très lourde pression morale exercée par la Commission de discipline du Parti chargée du grand nettoyage éthique tandis que les effets des querelles ont à plusieurs reprises déjà percé la surface arrangée des narrations officielles, cette note rappelle les enjeux et analyse les lignes de fracture possibles.

Il est certain que le rythme et l’ampleur de l’actuelle campagne anti corruption recèle un potentiel de risque politique, essentiellement parce qu’elle menace les tabous des corporatismes et des positions acquises par les grands anciens du Parti. Si elle devait se produire, la fracture viendrait du raidissement d’une partie de l’appareil qui, retranché dans ses prébendes, agiterait les leviers de la survie du régime et du nationalisme chinois. Une hypothèse extrême évoquée par des sources proches du régime, verrait l’actuel premier ministre Li Keqiang servir de fusible politique.

Photo Lors de la 9e assemblée populaire en mars 1999 Wang Qishan, alors vice-gouverneur de la province de Canton, s’exprimait avec vigueur pour dénoncer les conformismes. Le 25 décembre 2013, Xinhua publiait un article dans lequel le principal maître d’œuvre de la lutte anti-corruption était décrit comme un homme « inébranlable, tenace et confiant face aux difficultés ». Aujourd’hui Wang lui-même considère que « l’éthique au sein du Parti constitue la clé de sa survie ».


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