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›› Editorial

L’Empire est-il au seuil d’éclatement ?

Si les obsèques de Michael Jackson n’avaient pas eu lieu le 7 juillet, l’événement du jour (ou plus exactement, celui du lendemain) aurait sans doute été le départ inopiné de Hu Jintao pour Pékin, alors qu’il se trouvait dans la capitale italienne à la veille d’un sommet du G8 élargi à 13 pays (G8+BRIC+La Mexique). Par ce contretemps purement fortuit, le défunt Roi du pop a volé la vedette au Président de la République populaire en exercice. A l’antipode du Staples Center et ses tohu-bohu, le numéro un chinois rentrait au pays presque dans la discrétion. Il est vrai qu’Urumqi ne faisait pas de poids face à Los Angeles, même si elle était le théâtre depuis le 5 juillet dernier de l’un des plus graves conflits inter ethnique que l’Empire du milieu ait jamais connu.

Peu d’éléments ont filtré sur le détail des émeutes dans la capitale du Xinjiang, ses causes et ses facteurs de déclenchements. Les autorités ont reconnu 184 morts (la dernière statistiques), des automobiles incendiés et des magasins pillés et plus de mille arrestations. Sur les enregistrements videos amateurs, on entendaient distinctement des coups de fusils. La gravité d’un événement se juge aussi sur les moyens déployés : couvre-feu durant 3 jours et envoi de troupes de la Police armée populaire (PAP) depuis d’autres provinces. L’ordre semble avoir été rétabli en quelques jours si l’on en croit la presse chinoise. Seulement, au moment où j’écris ces ligne, une dépêche de l’Agence Chine nouvelle tombe à la manière d’un cinglant démenti : Deux « suspects criminels » ouïgours (sic) sont abattus (après les sommations, bien sûr) par les forces de l’ordre cet après-midi dans la rue et un autre blessé. Le trio armé de bâtons et de couteaux se livraient alors à un tabassage contre un autre ouïgours.

Que faut-il en penser alors que la confusion semble toujours régner ? Le moins que l’on puisse dire est que ce conflit révèle l’échec patent de la politique gouvernementale visant à maintenir la cohésion sociale et ethnique dans cette région du pays. Les mesures répressives telles que les autorisations des tirs à balles réelles contre les « suspects criminels » sans autres formes de procès ne peuvent que susciter des haines et aggraver les sentiments d’injustice. Les trois types de forces (islamistes intégristes, séparatistes et terroristes) venues de l’extérieurs du pays ont beau servir de boucs émissaires, Pékin refuse toujours de rechercher les causes profondes des différends entre les musulmans ouïgours (dont la région autonome porte le nom) et les Chinois han considérés comme des colons par les premiers. Selon une opinion bien répandue, le décollage de l’économie de cette région, notamment grâce au pétrole et autres ressources minières, n’a pas permis l’enrichissement de la population indigène. Certes il existe parmi les Ouïgours des partisans d’indépendance mais l’ampleur des émeutes devrait inciter les autorités à rechercher des causes plus profondes.

La première crainte du président chinois est sans doute un processus d’éclatement de l’Empire à la yougoslave. Par ailleurs, la présence de l’OTAN en Afghanistan ne peut que susciter le sentiment de méfiance. Ne nous perdons pas, cependant, dans des conjectures sans fondement. L’Occident a besoin du soutien de la Chine sur un grand nombre de dossiers : les problèmes nucléaires de l’Iran et de la Corée du nord, les mesures coordonnées de relance de l’économie mondiale et bien entendu les luttes anti-terroristes. Les démocraties de ce monde sont encore une fois devant le dilemme chinois : défendre les droits de l’homme en Chine et surtout dans ses régions périphériques (le Tibet, le Xinjiang, etc.) risquerait de se priver de la coopération de Pékin sur ces grands dossiers internationaux. Ne rien faire peut être interprété comme un aveu de faiblesse par les dirigeants chinois et une preuve de cynisme par les peuples minoritaires en Chine. Le juste milieu, à la manière de Confucius, consisterait à rappeler que le tout répressif n’empêchera la désintégration de l’Empire à long terme et qu’aucune unité nationale ne peut être assise sur la pointe d’une baïonnette.


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