›› Editorial
Une fois de plus les relations franco-chinoises tournent à l’aigre. La Chine, sans le dire vraiment exige repentance avant d’envisager un retour à la normale. En France, dans les milieux diplomatiques, on blâme la réaction excessive de la Chine, après la rencontre de Nicolas Sarkozy avec le Dalaï Lama.
C’est bien possible. Il y a dans cette obsession tibétaine comme une paranoïa qui renvoie aux peurs ancestrales des Han et du régime, hantés par une rupture avec les peuples allogènes, possible ferment d’un éclatement de l’Empire. Peut-être les difficultés économiques, probables préludes aux tumultes sociaux, expliquent-elles aussi cette excessive nervosité.
Le China Daily publiait, le 12 décembre dernier, dans sa rubrique « opinions », un article péremptoire à l’adresse de l’Ambassadeur de France, rappelant que les Chinois avaient le pardon facile, mais étaient sensibles et très intransigeants sur les questions de souveraineté. Toujours pour tenter de minimiser l’affaire, on dit aussi que la cible de la Chine est d’abord l’Union Européenne.
On se trompe en partie. C’est bien la France, et d’abord son Président qui sont visés. La Chine sait bien qu’elle a besoin de l’UE et des Etats-Unis par les temps qui courent. Mais, touchée au vif, elle n’a pas résisté à donner une leçon à Paris et à Nicolas Sarkozy.
Son calcul est simple. A la fin 2008, l’UE changera de présidence. Un sommet pourra être organisé très vite ailleurs qu’en France, sous l’égide de la nouvelle présidence. Les Européens, qui sont rarement unis face à Pékin et se présentent en ordre dispersé sur les marché chinois, leurs intérêts économiques nationaux en bandoulière, n’auront de cesse que de renouer le cours normal des relations. La France n’aura alors qu’à ruminer l’affront - jamais la Chine n’avait en effet été aussi loin dans ses manifestations de mauvaise humeur - et venir à Canossa pour tenter, une fois encore, d’obtenir le retour des relations normales.
Mais pourquoi donc cette vindicte spécialement ciblée contre Paris, alors qu’il y a seulement trois années, lors des années croisées, la relation était au firmament, débordant de bons sentiments ? En effet pourquoi Paris, puisque d’autres chefs d’Etat, en Europe et aux Etats-Unis, avaient également reçu le Dalai Lama et d’une manière bien plus officielle que la France ?
Rien n’est simple. On peut cependant tenter d’analyser avec sérénité les causes de cette débâcle.
C’est peu dire que la relation franco-chinoise tient du fantasme ou de l’imaginaire, peuplée de dithyrambes et de faux-semblants, ponctuée de phrases creuses sur le « partenariat stratégique ». Une enflure verbale corrigée il y a quelques années, probablement parce qu’à Paris on a fini par s’apercevoir à quel point l’adjectif « stratégique » était surfait. D’autant plus qu’il s’appuyait sur l’idée vaguement arrogante et aujourd’hui dépassée, que la France, bénéficiant d’une relation historiquement privilégiée avec Pékin, pouvait faire cavalier seul en Chine.