›› Editorial
Il y a un peu moins d’une semaine, le Landernau des « China watchers » a été secoué par un événement inhabituel. Pour la toute première fois depuis 1987 un dignitaire du Parti encore en fonction et non des moindres, a publiquement fait l’éloge de Hu Yaobang, le Secrétaire Général du Parti aux idées libérales et au franc parler. Fidèle de Deng Xiaoping, auquel il n’hésitait pas à dire son fait, il fut pourtant limogé par lui, deux années avant la catastrophique répression de Tian An Men.
Un pavé dans la mare.
Le 15 avril, jour du 21e anniversaire de la mort de Hu Yaobang, le Premier Ministre Wen Jiabao a signé, dans le Quotidien du Peuple, un long article nostalgique et sentimental, célébrant les qualités humaines, morales et professionnelles de l’ancien secrétaire général.
Ce n’est certes pas la première fois depuis l’avènement du couple Hu Jintao-Wen Jiabao qu’on honore la mémoire de Hu Yaobang. Le 18 novembre 2005, une cérémonie avait déjà été organisée au Palais du Peuple, pour célébrer le 90e anniversaire de sa naissance. Mais elle était restée discrète, avec à peine plus de 300 invités triés sur le volet. En l’absence du Président Hu Jintao, opportunément en voyage, le discours, très convenu et soigneusement calibré pour ne heurter personne, avait été prononcé par le vice-président d’alors, Zeng Qinghong. (cf. « Hommage à l’ancien N°1 « libéral » du parti, Hu Yaobang » du 21 novembre 2005).
Cette fois l’éloge est public et très appuyé. A bien des égards, il constitue un défi lancé dans l’arène politique chinoise. Le texte lui-même de l’article, qui exprime l’admiration affectueuse de Wen Jiabao pour son mentor, sur fond de voyage d’inspection dans une province reculée et pauvre, n’a rien de révolutionnaire. Il n’empêche qu’un tabou a été brisé, qui renvoie d’abord à l’aversion frileuse du système pour l’ouverture politique.
Hu Yaobang symbolise en effet un style de pouvoir pragmatique, non seulement proche du peuple et de ses réalités, mais également capable de dialogue politique. C’est d’ailleurs cette qualité d’ouverture et d’écoute, qui prônait plus de liberté d’expression, et dont il fit preuve lors des manifestations d’étudiants en 1986, qui lui coûta son poste de Secrétaire Général, un an plus tard. En 1989, sa mort fut le prétexte des rassemblements étudiants à Tian An Men, qui protestaient tout à la fois contre son éviction injuste et les tares du Régime telles que la corruption et le népotisme rampants.