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›› Editorial

Wenzhou, laboratoire financier du Parti

Le 28 mars, le Conseil des Affaires d’état a approuvé la création à Wenzhou d’une zone d’expérimentation de réformes financières, dont le but est double :

1) Tester la possibilité d’autoriser légalement les capitaux privés à créer des sociétés d’investissement - ils le font déjà massivement dans « l’économie grise », dont le flou autorise tous les abus -. Avec pour objectif d’augmenter la masse des financements disponibles pour les petites et moyennes entreprises et les coopératives rurales ;

2) Expérimenter la liberté – aujourd’hui strictement contrôlée - accordée aux particuliers d’effectuer, sous certaines conditions, des investissements directs à l’étranger, leur ouvrant ainsi la possibilité de retours plus lucratifs que ceux des banques chinoises, dont les taux d’intérêt sont presque toujours inférieurs à l’inflation.

Un contexte financier fragile et chaotique.

La manœuvre, qui contredit les critiques d’immobilisme, heurte de plein fouet les prébendes des banques d’état qui privilégient d’abord les prêts aux grands groupes publics, dans un schéma général où les exigences politiques de stabilité interne et de lutte contre le chômage prennent le pas sur les critères de rentabilité directe ou même de solvabilité des créanciers.

Elle signale que le Parti prend au sérieux les appels au réajustement du schéma de développement de la Chine lancés lors de la dernière ANP et par la Banque Mondiale, dont le rapport avait été signé conjointement par le Président R. Zoellick et le Centre de recherche du Conseil des Affaires d’État.

Dans un contexte, où les financements hors des circuits officiels, échappant aux banques publiques, sont, selon les meilleurs experts, compris entre 300 et 600 Mds de $ (Wall Street Journal du 30 mars), et peut-être bien plus selon Yao Wei, économiste à la Société Générale qui les estime à 2400 Mds de $, l’initiative pourrait également correspondre à l’urgence de replacer les masses financières grises sous contrôle.

Mais la mesure ne sera efficace que si la Banque de Chine acceptait de libéraliser les taux d’intérêt, une réforme que le gouverneur Zhou Xiaochuan serait prêt mettre en œuvre, selon un article signé de lui et publié dans le journal de la Banque de Chine, le 16 mars dernier.

Wenzhou, la cible de l’expérimentation n’a pas été choisie au hasard. La très dynamique métropole industrielle à 370 km au sud de Shanghai, dont les capitaux privés, souvent prête-noms des intérêts de l’oligarchie, sont investis dans toute la Chine et à travers la planète, dans les mines de charbon du Shanxi ou dans l’immobilier à Dubai, est en proie à une très grave crise de confiance, au point que le Premier Ministre lui-même s’y était déplacé le 4 octobre 2011.

La situation catastrophique des petites entreprises de la ville, couvertes de dettes est un des dommages collatéraux de la crise et du frein au crédit imposé par le gouvernement pour lutter contre l’inflation, obligeant les petits entrepreneurs à emprunter à des officines semi-mafieuses pratiquant des taux usuraires pouvant aller jusqu’à 7% par mois.

Cette situation est également la conséquence de l’effondrement des réseaux de financement informels, dont les capitaux se sont presqu’en totalité orientés vers les projets immobiliers plus lucratifs. Du coup, à Wenzhou, les prix immobiliers sont parmi les plus élevés de Chine. Depuis le printemps 2011, les statistiques officielles chinoises indiquent que 234 petits patrons, pris à la gorge, ont fermé boutique et quitté la ville. Au moins trois d’entre eux, incapables de rembourser leurs dettes, se sont suicidés.

La panique était quelque peu retombée après la visite de Wen Jiabao et la mise sur pied d’un fonds de secours municipal permettant de tenir les usuriers à distance. Mais la crise de Wenzhou était devenue le symptôme emblématique de l’immaturité du système financier organisé autour des banques d’État, qui dérape vite vers l’usure quand les liquidités manquent.

Elle est aussi l’effet collatéral d’un schéma de développement axé sur le crédit massif, en priorité au profit des grands groupes, délaissant les petites et moyennes entreprises qui emploient pourtant plus de 70% de la main d’œuvre du pays.


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