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Au-delà des indices, les grands soucis économiques du régime

Les intérêts chinois avant le marché.

Au milieu de l’avalanche des indices, rares sont les analyses rappelant les indispensables prémisses que nous sommes en face d’une économie strictement contrôlée par le pouvoir dont les réformes n’ont pas pour but premier de se conformer au marché.

Sans cesse répétée par le Bureau Politique, l’intention est d’inscrire le pays dans une spirale vertueuse de puissance en réduisant les gaspillages dont les moindres ne sont pas ceux liés à la corruption, en corrigeant les dysfonctionnements bureaucratiques, en éradiquant les lourdeurs, les surproductions et les entreprises récemment qualifiées de « zombies », gouffres financiers inutiles dont la seule vertu fut, dans le meilleur des cas, de préserver l’emploi.

S’il est vrai que certains de ces objectifs qualitatifs comme la meilleure gestion des groupes publics, leur mise en concurrence ou la transparence de leurs finances, rejoignent les critères de la libre compétition économique dans le jeu de l’offre et de la demande où la disponibilité des biens et services et leur prix sont librement régulés, il n’en est pas moins exact que l’obédience à l’inflexible règle du marché s’arrête logiquement dès lors que les intérêts politiques ou ceux des clans sont menacés, que les réformes de l’industrie impactent la stabilité sociale ou que la liberté d’entreprendre favorise le sur-engagement financier des groupes chinois à l’international, facilitant la fuite des capitaux.

Le despotisme du capitalisme d’État et ses ratés.

Ainsi le capitalisme d’État chinois intervient – et il est illusoire de croire qu’il cessera ses interférences – chaque fois qu’il le juge nécessaire pour réduire les surproductions, freiner les investissements à l’étranger, redresser sa monnaie, réduire la circulation monétaire, imposer des freins à l’immobilier, réprimer sévèrement la fuite des capitaux, réduire l’endettement des groupes publics, abaisser l’impact social des réformes et contrôler les prix.

Parmi les récents indices que le bureau politique n’a pas l’intention de desserrer son contrôle sur le marché, signalons les règles publiées le 18 août dernier sur les investissements à l’étranger divisés en trois catégories :

1) Les investissements interdits (liés à l’armée, aux jeux et à l’industrie du sexe) ; 2) Ceux contrôlés et limités (immobilier, hôtels, cinéma, loisirs, sports, ayant un impact sur l’environnement) ; 3) Ceux autorisés et encouragés (s’inscrivant dans le cadre des projets des nouvelles routes de la soie, ceux qui permettent des transferts de technologies et une amélioration de la qualité de la R&D chinoise, et ceux liés au pétrole, aux ressources minières, à l’agriculture et aux ressources halieutiques).

Il serait cependant erroné de croire que, dans une économie aujourd’hui étroitement connectée au marché international et soumise à la concurrence globale, ce pilotage est aisé.

Les objectifs de la puissance économique et de la stabilité sociale, surpassant toujours ceux de la prévalence du marché, il arrive que le pouvoir se mette en porte à faux avec les règles de l’OMC en prenant des libertés avec le droit de propriété intellectuelle ou avec les critères de la libre concurrence. Parfois, comme ce fut le cas au printemps 2017, les mécanismes de l’offre et de la demande obligent les régulateurs à faire marche arrière. Ainsi les quotas imposés aux producteurs de charbon ont-ils été en partie annulés quand la pénurie provoqua une hausse des prix de l’énergie impactant le budget des ménages.

De même, le contrôle des prix de l’immobilier, nécessaire pour garantir à la classe moyenne l’accès à leur premier appartement, produit-il l’effet indésirable de freiner l’activité d’un secteur moteur des industries du ciment, de l’acier et du verre qui compte encore pour plus de 7% du PIB et pour 35% du revenu fiscal des administrations locales.

Plus encore, les mesures drastiques imposées par la Commission de Réforme et développement et les régulateurs financiers pour freiner la spéculation immobilière (durcissement des conditions d’acquisition et de crédits, limitations des achats multiples, contrôle stricts des emprunts à l’étranger) ont paradoxalement augmenté les prix du foncier, fait flamber le coût de fonctionnement des sociétés immobilières dont la charge des emprunts a augmenté de plus de 2% (Xinhua finance) et fait peser des risques de faillite sur 25% d’entre elles.

Résultat, confrontés aux difficultés du marché intérieur, ces dernières envisagent d’exporter leurs affaires à l’international, ce que le pouvoir tente précisément de limiter.

La difficile réforme du secteur de l’énergie.

Justifiant son label de « capitalisme d’État », utilisant l’économie comme un puissant levier politique à l’intérieur et à l’étranger, - une notion assez proche des traditions colbertistes françaises avec cependant la sérieuse différence que Paris a perdu le contrôle de sa monnaie – Pékin pilote, grâce à son outil chargé des actifs publics (SASAC) et administre de manière très serré le paysage industriel pour réduire le nombre de ses grands groupes publics et les placer sous son contrôle.

A la fin août on apprenait la concrétisation d’un projet de fusion déjà évoquée depuis le printemps entre deux groupes publics, l’un Shenhua 神华, n°1 du secteur du charbon et l’autre Guodian, 国电 l’un des 5 géants producteurs d’électricité. Formant un nouveau pôle chinois de l’énergie dont la valeur est estimée à 230 Mds d’€, portant le nom (provisoire) de China Energy Investment Corp. Ltd, l’association devient le premier groupe mondial du secteur de l’énergie.

Après le regroupement du secteur du rail en 2015 entre China National Railway 中国铁路 et China South Locomotive Rolling Stock (CSR 中国南车), ce deuxième regroupement d’envergure qui suit celui de China National Nuclear Power Co. Ltd (中核集团) avec China Power International (中国电力国际发展), indique la volonté du pouvoir de remettre en ordre et de contrôler le secteur de l’énergie dans un contexte où la hausse de la consommation d’énergie constitue une des grandes vulnérabilités du pays.

Entre 2006 et 2017, la consommation d’énergie a augmenté de 56%, passant de 1947 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) à 3053 TEP. Cette hausse de la consommation a entraîné une augmentation préoccupante des importations de pétrole et de gaz, respectivement passées de 5 à 12 barils/jour entre 1994 et 2016 et de 18 Mds de m3/an à 120 Mds de m3 en 2016.

Enfin, le chemin de la rationalisation de la production de charbon qui prévoit de créer par regroupements 10 grands groupes à partir de l’actuel foisonnement de producteurs, est encore long. Il en va de même de la transition énergétique. A titre d’exemple, alors que la part du charbon dans la production d’électricité nationale est tombée à 65%, dans le nouveau groupe qui vient d’être créé elle est encore à 77%, avec 14% à l’éolien, 8% à l’hydraulique et 1% au solaire.


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