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Chine – Afrique. Accès de fièvre au milieu des angoisses épidémiques

Les relations entre la Chine et l’Afrique sont, QC les a souvent analysées (lire : L’Afrique, la Chine et l’Europe), marquées par des contradictions où cohabitent d’une part les bienfaits chinois, ceux de ses prêts (surtout), parfois de ses investissements, ceux encore de la coopération technique, de la formation à la création d’entreprises, de la transmission de savoir-faire, de la construction d’infrastructures ou de l’aide médicale très appréciée, notamment à l’occasion de résurgences répétées de l’épidémie d’Ebola ;

et, d’autre part, les craintes d’une invasion irrésistible par le nombre et par la manne de ses finances, d’autant plus angoissante qu’elle est soupçonnée de véhiculer un projet de prévalence stratégique globale à l’aune des « caractéristiques chinoises ».

Pékin le nie et affirme que ses stratégies sont, contrairement à celles de l’Occident toujours prosélytes de la démocratie, débarrassées de toute arrière-pensée politique. Le doute est permis.

L’épine dorsale politique du régime est en effet radicalement opposée aux principes démocratiques des sociétés occidentales articulées à des élections libres, aux droits d’expression des personnes, à l’indépendance des parlements et de la justice. A l’Ouest, la crainte justifiée est que, par ses actions, Pékin réussisse – c’est en cours - à se créer un réseau de soutien international concurrent.

Cette crainte a été exprimée au printemps 2019 par l’UE qui qualifie la Chine « de rival systémique » - signifiant que les stratégies extérieures de Pékin avaient, au-delà des contentieux commerciaux, le potentiel de bousculer le paradigme socio-politique fondant l’épine dorsale de la marche des sociétés démocratiques de la planète.

La crainte existe aussi en Afrique sur les traces mêmes de la Chine. Parfois les Africains se plaignent de l’invasion des produits chinois, des bénéfices engrangés par les groupes de constructions employant une majorité de chinois détachés et sous-payés, du non-respect du droit du travail dans certaines régions minières comme la Zambie, en même temps qu’ils dénoncent l’accumulation des prêts dangereux pour l’équilibre budgétaire de pays insolvables, principal levier de la stratégie d’influence de Pékin.

Depuis le début de la pandémie, plusieurs pays africains dont le Ghana et l’Afrique du Sud ont demandé à Pékin d’éponger leurs dettes.

C’est dans ce contexte que récemment de brutales tensions ont éclaté avec plusieurs pays africains.

Coup de tabac à Canton.

Depuis le jeudi 9 avril, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux chinois, vites effacées par la censure, mais relayées sur Youtube, montrant des razzias effectuées par des hommes de main et des policiers dans les quartiers de Canton occupés par une importante communauté noire immigrée d’Afrique.

Accusés de ne pas respecter les règles du confinement, des jeunes hommes noirs sont harcelés, chassés de chez eux, privés de leurs passeports, parfois traînés et maltraités. Résultat de l’ubiquité instantanée d’internet, transmettant en direct les images filmées par les téléphones portables, la réaction outrée des capitales africaines fut immédiate. Les ambassadeurs de Chine dans plusieurs pays d’Afrique, ainsi que celui auprès de l’OUA furent convoqués sur le champ.

Puis chose inouïe en diplomatie depuis le traité de Westphalie en 1648, les usagers des réseaux sociaux de la planète ont pu voir l’Ambassadeur de Chine au Nigeria Zhou Pingjian, se faire vertement admonester en direct par le Président du parlement nigérian Femi Gbajabiamila.

*

Alors que commençaient à circuler des accusations sur le racisme culturel des Chinois qui, depuis des lustres traiteraient très mal les Noirs, les autorités de Canton ont réagi après un premier moment de stupeur.

Les perquisitions dans les quartiers de Canton occupés par la communauté noire – la plus nombreuse d’Asie – sont, c’est le discours officiel comportant une part certaine de vérité, menées après des plaintes de résidents chinois accusant la communauté africaine de ne pas respecter les règles du confinement.

Des ressortissants africains infectés refusent - disent les témoins - de se laisser placer en quarantaine, certains ont même attaqué une infirmière, rejetant les traitements qui leur était proposés, d’autres s’enfuient pour échapper aux tests ou au confinement.

Tous ces manquements aux règles de santé publique ajoutés aux comportements désinvoltes, parfois violents ont fini par excéder les Chinois.

Ils ont conduit les propriétaires à exiger le départ de leurs locataires africains et, quand ils refusaient, à les faire expulser de force par des hommes de main spécialement recrutés. C’est là qu’interviennent les réseaux sociaux ayant conduit, première historique mondiale, à l’algarade publique de l’ambassadeur de Chine au Nigeria.

Le moins qu’on puisse dire est que les « torts sont partagés ». La xénophobie chinoise n’est pas un vain mot. La vieille culture autocentrée et normative des Han s’accommode mal des différences. Les histoires d’Africains maltraités à Canton sont légion. Elles traduisent assurément un malaise. Selon des témoins des répliques de ces incidents, à une échelle moindre, souvent limitée à des contrôles, ont également eu lieu à Pékin, dans le Fujian et à Chengdu.

Pour autant, les accusations de racisme proférées contre les Chinois sont aussi les échappatoires récurrentes de ceux de la communauté noire qui, vivant en marge, souvent sans visa ou permis de séjour, se livrant à des trafics, sont réprimés par les forces de l’ordre. Jusque-là tolérés par les voisins et la police qui fermait souvent les yeux, ils sont aujourd’hui plus spécialement ciblés du fait des tensions et des angoisses de l’épidémie.

La peur rejoint la xénophobie latente pour désigner ceux qui, du fait de leur comportement irrespectueux des règles du confinement sont perçus comme une menace pour la santé des autres. De l’avis même d’un homme d’affaires africain noir vivant à Canton, ceux qui respectent les lois n’ont pas de problèmes en Chine.


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