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Dans l’œil du cyclone, veillée d’armes électorale

2 frégates taïwanaises de la classe « Cheng Kung » ou « Oliver Hazard, Perry » dont Taïwan possède déjà 8 unités auxquelles s’ajouteront 2 nouveaux exemplaires, construits sous licence à Taïwan.

A la mi-décembre, l’exécutif américain a donné son feu vert à un projet de ventes d’équipements militaires à Taïwan en 2016, d’une valeur totale de 1,83 Mds de $ dont l’essentiel est composé de 2 frégates lance-missiles de la classe Perry (premières mises en service il y plus de 40 ans), d’un système de gestion rapide de données informatiques, de missiles anti-chars, de véhicules d’assaut amphibies et de canons anti-aériens à tir rapide, adaptables sur des navires de combat.

Pour autant, en l’absence de chasseurs de combat modernes tels que les F-16 C/D et de toute promesse d’assistance à la construction de sous-marins, la vente décidée par la Maison Blanche ne modifie en rien l’équilibre des forces entre l’Île et le Continent dont le rapport des budgets de défense est de 1 à 13.

Une aggravation de la situation suite à cette livraison est donc improbable, en dépit des réactions irritées de la Chine. Dans l’attente de l’élection présidentielle du 16 janvier, Pékin Washington et Taipei s’observent et tentent de mesurer l’impact stratégique provoqué par la probable victoire de l’indépendantiste Tsai Ing-wen qui, il est vrai a mis beaucoup d’eau dans son vin pour tenter d’infléchir la détestation et la méfiance du Parti Communiste à son égard.

*

Prudence américaine et livraison d’armes soigneusement calculée.

Dans un contexte où Washington calcule au plus juste son jeu entre la Chine et Taïwan en évitant de mettre de l’huile sur le feu – la vente d’avions de chasse modernes étant une ligne rouge que la Maison Blanche semble décidée à ne plus franchir -, la fonction essentielle des livraisons d’armes est d’ordre symbolique. Elle vise à rassurer les Taïwanais sur l’état de la relation et la pérénnité des promesses d’assistance du Taïwan Relations Act (TRA), obligation de droit interne voté par le Congrès en 1979. Ce dernier, adopté en même temps que Washington reconnaissait la Chine Populaire, était destiné à apaiser les craintes taïwanaises après la bascule stratégique américaine.

Il envoyait un signal à Pékin en stipulant explicitement que l’avenir de Taïwan devrait être réglé de manière pacifique, que les États-Unis se donneraient les moyens de riposter à tout usage de la force contre l’Île et s’autorisaient à lui vendre des armes de nature défensive. Mais l’apaisement des craintes taïwanaises était d’autant plus nécessaire que, dans le point n°6 du communiqué conjoint de 1982 entre Pékin et Washington, la Maison Blanche avait concédé que la politique de vente d’armes à Taïwan n’était pas appelée à durer et que la quantité d’équipements livrés serait progressivement réduite.

Surtout, pour la première fois depuis 1979, le délai entre deux livraisons d’armes avait dépassé 3 ans (la dernière ayant eu lieu en 2011), nourrissant des spéculations alarmistes sur un glissement de la stratégie américaine en faveur de Pékin. Dans l’Île, en dépit de l’absence d’équipements de premier rang, l’annonce a tout de même rempli sa fonction de réconfort stratégique, au milieu de doutes sur les objectifs ultérieurs de Washington. Le président Ma Ying-jeou a applaudi la décision, suivi par Eric Chu et Tsai Ing-wen, les deux candidats KMT et DPP aux prochaines élections présidentielles du 16 janvier.

Une réaction chinoise mesurée.

A Pékin, la riposte a été soigneusement calibrée selon un modèle bien rodé qui recelait également une fonction symbolique : convocation d’un diplomate américain de second rang par un des vice-ministres des Affaires étrangères (alors que lors des deux dernières ventes d’armes en 2010 et 2011, le Waijiaobu avait directement convoqué les Ambassadeurs John Huntsman et Gary Locke), menaces de représailles économiques contre les sociétés américaines [1], et rappel par le porte parole du ministère de la défense que les relations militaires bilatérales entre l’APL et le Pentagone pourraient êtres perturbées.

Pour autant, au total, et en dépit des acrimonies de façade, tout indique que, cette fois encore, le sujet des ventes d’armes marqué par la prudence de Washington et le double soulagement de Pékin et de Taipei, restera confiné dans un jeu de rôles où après une effervescence plus ou moins longue, la relation sino-américaine reprendra son cours chaotique normal où alternent fortes tensions et efforts réciproques d’apaisement.

Note(s) :

[1Les mesures auraient un effet réduit, les groupes de l’industrie de défense étant, soit frappés par l’embargo américain en Chine, soit à ce point impliqués dans les projets aéronautiques civils de Pékin que des sanctions heurteraient d’abord les intérêts chinois.

C’est le cas de Lockheed Martin et de Raytheon, les principales sociétés impliquées dans les dernières ventes d’armes. Par le biais de sa filiale Sirkoski récemment acquise, le premier vend des hélicoptères et procède à des transferts de technologies auxquels AVIC tient beaucoup. Le deuxième procure une expertise technique en parallèle des ses ventes d’équipements de contrôle aérien.

Selon Zhou Jisheng, un ingénieur en retraite du secteur de l’aérospatiale et un des concepteurs de l’ARJ-21, il est peu probable que la Chine applique des sanctions à des sociétés dont les transferts de technologies dans les domaines des sytèmes électroniques et des moteurs sont essentiels pour le développement de l’aéronautique chinoise.

(voir notre article La coopération internationale, condition du succès à venir du C 919).


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