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« Histoire de Shanghai »

Par Marie-Claire Bergère

La renaissance actuelle de Shanghai, qui émerveille Chinois et Occidentaux, a ses racines dans l’histoire. L’explosion économique et culturelle d’aujourd’hui ne date pourtant que de la fin des années 1980. Auparavant, la ville avait été bridée, exploitée et politisée depuis 1950 : Mao Zedong considérait en effet avec méfiance cette métropole sino-occidentale très en avance sur le reste de la Chine, lieu de naissance de la bourgeoisie capitaliste comme d’un communisme trop orthodoxe à son goût.

Peu de grandes cités du monde ont connu un sort aussi contrasté en un siècle et demi. L’auteur décrit en traits précis les quatre étapes qui ont précédé l’essor des quinze dernières années. La première, jusqu’à la chute de l’empire (1911) voit un chef-lieu moyen et ses abords marécageux le long de la rivière Huangpu se transformer en « établissement » étranger et en modèle des cinq ports ouverts par le traité de Nankin de 1842. Bientôt les « settlements » anglais, français et américains, deviennent des concessions, l’une « internationale », l’autre française, et les concessions de véritables enclaves sino-étrangères échappant à l’empire décadent. Après les affres de la révolte Taiping (1853-1863), un capitalisme et une société shanghaiens se développent, irrigués par un arrière-pays sans égal.

La deuxième étape voit leur âge d’or avec le boom des années vingt, alors que le reste de la Chine éclate sous les « Seigneurs de la guerre », puis commence à renaître avec Ch’iang Kai-Shek et le Kuomintang (de 1927 à 1937). Shanghai devient alors le centre de la modernisation chinoise, mais aussi dans le même temps la base de la révolution (le parti communiste chinois est créé en 1921 dans la concession française), des services d’espionnage et des mafias (comme la « Bande verte »), de la prostitution et de la drogue. Méprisés des anciens, mode, littérature et cinéma embryonnaires donnent naissance à un « style shanghaien », le « Haipai ».

L’agression japonaise va mettre un terme à cet essor à partir de 1937. Les années qui suivent sont celles de la guerre, de l’occupation nippone et de la fin du statut international. Après le dernier sursaut, de 1945 à 1948, c’est l’exode des étrangers et des riches chinois, la désillusion rapide pour la minorité qui tente de rester et l’industrialisation systématique de la ville.

Aujourd’hui, la modernisation de Shanghai est spectaculaire. Depuis 1990, une nouvelle ville - Pudong à l’est du Huangpu et Puxi à l’ouest - est sortie de terre. Déjà les traces de l’ancienne Shanghai s’effacent du paysage urbain. Le passé n’est pourtant pas occulté comme il l’a été pendant 40 ans. Il est au contraire invoqué et mythifié pour légitimer le rôle que les dirigeants chinois actuels veulent donner à la ville : celui d’une des plus grandes métropoles mondiale du XXIè siècle.

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Marie-Claire Bergère, professeur émérite des universités, historienne et sinologue, a dirigé avec Lucien Bianco et Jürgen Domes un ouvrage de référence, LA CHINE AU XXè SIECLE (Fayard, 2 volumes, 1989 et 1990). Elle est également l’auteur de L’AGE D’OR DE LA BOURGEOISIE CHINOISE (Flammarion, 1986) et de SUN YAT-SEN (Fayard, 1994).


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