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L’Afrique, la Chine et l’Europe

Le Sénégal en phase avec le « rêve chinois ».

Au Sénégal, le Président Macky Sall, arrivé aux affaires en 2012 en même temps que Xi Jinping, favorise d’autant plus les projets de la Chine devenue le 2e partenaire commercial derrière la France, qu’il est lui-même comme Xi Jinping animé d’une vision de renouveau national.

Articulé au « Plan Sénégal Emergent » dont l’épine dorsale réformatrice vise à régénérer le tissu industriel productif, l’infrastructure de transport, l’éducation, le système de santé, l’agriculture et le marché de l’emploi, le projet du Président Sall croise l’intention géopolitique chinoise.

« Les crédits chinois sont souples et pratiques » note Ba Demba Diallo, chercheur et conseiller du gouvernement qui considère que les mises en garde du FMI pointant l’accumulation des dettes sont alarmistes compte tenu de la bonne santé de l’économie.

Il est un fait que dans ce pays ayant basculé son allégeance politique de Taipei à Pékin en 2005, une appréciation exhaustive des créances chinoises est difficile compte tenu de l’opacité des comptes, écrit de Hong Kong, l’Italienne Ilaria Maria Sala ancienne étudiante à l’Institut des Etudes africaines et à l’Ecole Normale de Pékin.

Mises en garde du FMI.

Mais Dakar dont Pékin espère qu’il sera le moteur des projets des nouvelles routes de la soie en Afrique de l’Ouest, n’est pas le seul pays africain entré dans les radars de l’investigation financière du FMI. Au Kenya où 70% des créances sont chinoises, s’ajoutent le Tchad, le Sud Soudan, le Mozambique, la Zambie, l’Ethiopie, le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire dont beaucoup sont touchés par la baisse du prix des matières premières.

Nombre d’entre eux tournent leurs regards vers les finances et l’aide chinoises pour une aide que les institutions financières ne leur accordent qu’à la condition de réduire leur déficit budgétaire par l’augmentation d’impôts, politiquement difficile.

Kigali et Pretoria « sous le charme ».

Au Rwanda dont le président Kagame, président en exercice de l’Union Africaine accuse la France d’avoir prêté main forte aux Hutus pour massacrer les Tutsis et où Xi Jinping est arrivé le 22 juillet, l’enthousiasme pour l’aide chinoise est la même. 14 ans après le génocide, le pays, dont Pékin est le premier partenaire commercial et où 70% des routes ont été construites par China State Construction Engineering Corporation, bénéficie de 400 millions d’aide chinoise finançant plus de 60 projets de développement.

A son passage, le président chinois a signé une quinzaine d’accords portant sur l’infrastructure, le commerce en ligne, l’éducation et la formation, les sciences et technologies, les mines, le droit, et - promesse importante dans le nouveau concept de l’aide chinoise destiné à démentir les accusations d’exploitation -, l’extension de l’hôpital du district de Masaka construit par la Chine à Kigali, ainsi que les concessions pour la construction d’une route de 66 km au sud du pays et du réseau de routes d’accès à l’aéroport internationale de Kigali.

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A Johannesburg, où le Président Cyril Ramaphosa a été élu en février dernier à la suite de la démission de Jacob Zuma accusé de corruption et d’agressions sexuelles, l’ambiance prochinoise est également favorisée par la quête financière de l’exécutif engagé dans un programme d’investissements de 100 Mds de $ pour les 5 ans à venir.

Dans ce contexte, Xi Jinping a à la fois promis 14,7 Mds d’investissements et l’augmentation des importations chinoises pour diminuer le déficit commercial de l’Afrique du sud, où le stock des investissements chinois n’est que de 11 Mds de $, alors que les entreprises sud-africaines ont nettement plus investi en Chine.

La remarque vient du ministre de l’Industrie Robert Haydn Davies, 70 ans, docteur en sciences politiques de l’Université du Sussex, dans sa jeunesse, membre du Parti communiste anti-apartheid et exilé pendant 11 ans en Grande Bretagne et au Mozambique. Pour lui qui se félicite de la fiabilité des promesses chinoises, l’aide de Pékin au développement du secteur productif sud-africain participe à la réduction du déficit commercial.

Parmi les accords passés, notons deux prêts directs dans deux secteurs stratégiques en difficulté. Le premier, par la Banque Nationale chinoise de développement à hauteur de 2,5 Mds de $ à la société de production d’énergie Eskom menacée de faillite pour mener à bien la construction d’une centrale thermique à Mpumalanga dans le nord du pays ; le 2e, par la Banque du Commerce et de l’industrie (ICBC) de 300 millions de $ à la société de logistique Transnet (transports ferrés, gestion portuaire, gestion de d’oléoducs et gazoduc).

Enfin à son passage, Xi Jinping a assisté par vidéo à la cérémonie d’inauguration de l’usine d’automobile BAIC [3] installée dans la zone économique de Port Elisabeth qu’il avait lui-même initiée lors de son passage en 2015.

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Le 28 juillet Xi Jinping était à l’île Maurice, archipel du sud de l’océan indien où l’influence de l’Inde reste forte. Rival de la Chine et critique des routes de la soie dont la branche pakistanaise empiète sur un territoire contesté par l’Inde, New-Delhi verrait d’un mauvais œil que l’île se rapproche de Pékin au point d’endosser les projets chinois. C’est peut-être ce qui explique qu’au delà des discours d’amitié, aucun accord n’a été signé, en dehors de la confirmation des négociations commencées en mai dernier pour un accord de libre-échange.

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Au total, ce 3e périple africain de Xi Jinping s’est déroulé sous les visions contraires des Africains en quête des finances chinoises indispensables au développement de leurs infrastructures et plus généralement de leurs économies, et celles des experts du FMI dont les critiques relayées par nombre d’Occidentaux mettent en garde contre le risque d’une accumulation toxique des créances chinoises – évaluées à plus ou moins 100 Mds de $ -, principal adjuvant du projet d’influence géopolitique de Pékin dans une Afrique en mal de cash et de développement.

Prenant soin de mettre en œuvre des projets humanitaires en parallèle de ses projets d’infrastructures, compensant les importations toujours majoritaires de ressources primaires, la Direction chinoise repousse aujourd’hui les critiques qui l’accusent de reproduire les politiques coloniales exploiteuses.

En revanche, réussissant à polir son image de puissance ouverte œuvrant dans l’intérêt de tous, elle ne récuse plus les accusations de recherche d’influence qu’au contraire elle revendique, dans un contexte où les États-Unis, auteurs d’une féroce guerre douanière principalement dirigée contre la Chine, se rétractent dans une posture inverse.

A ce stade, connaissant la situation du Continent européen dont les aides à l’Afrique ont largement échoué - qui plus est placé dans la perspective inquiétante d’un mouvement migratoire déclenché par l’explosition démographique et le chaos économique et politique du Continent africain -, il faut s’interroger sur la pertinence réelle de l’aide chinoise – au-delà des critiques budgétaires récurrentes et des soupçons de recherche d’influence qu’au demeurant Pékin reconnaît -.

Note(s) :

[34e constructeur de Chine BAIC (北京汽车工业) a décidé en février dernier de monter une usine avec Daimler-Benz dont le location n’avait pas été rendue publique à la rédaction de cette note, pour un investissement conjoint de 1,9 Mds de $. En même temps, on apprenait que le constructeur chinois Geely avait acheté 9,7% des parts de Daimler, ce qui en fait l’investisseur majoritaire dans le groupe dont fait partie Mercedes-Benz.


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