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Par Jean Leclerc du Sablon
Jean Leclerc du Sablon est un grand journaliste qui s’est pris de passion pour la Chine et l’a sillonnée dans tous les sens entre 1970 et 2001. Correspondant de l’AFP à Pékin, puis de l’Express et du Figaro, il a toujours griffonné des notes sur ses carnets de route, pour fixer son souvenir et ne pas perdre les impressions du moment, trop vite remplacées par d’autres. Comme l’indique le sous-titre du livre, il vient de publier ces « Carnets de Chine », restituant souvent une ambiance aujourd’hui oubliée.
L’observation et la compréhension de la Chine réelle a toujours été frustrante. Cent barrières, linguistiques, culturelles et économiques - sans parler des blessures d’amour-propre - se dressent entre le journaliste occidental et l’appréhension de la société chinoise. Hier, un régime totalitaire y ajoutait la volonté d’enfermer et de manipuler les correspondants étrangers au service de sa politique. Leclerc du Sablon fait partie des quelques uns qui se sont battus pour franchir ces obstacles et qui y ont en partie réussi. Sa recette ? Toujours douter de ce qu’on veut vous faire croire, garder sa liberté d’esprit, chercher plus loin, observer le plus possible, aller au maximum sur le terrain,
Son ouvrage est un livre d’humeur, très personnel, avec un relent d’amertume. Sa colère est sensible, bien qu’elle diminue avec les années, au fur et à mesure que le journaliste est un peu moins ligoté. Comme un bon ouvrier, il est irrité d’avoir été si souvent stoppé dans sa quête de la réalité, si souvent aveuglé et assourdi par une propagande officielle. Ce ton donne à son livre une spontanéité, un élan, qui en facilitent la lecture.
L’auteur a certes un parti-pris : il n’attend absolument rien de bon du régime politique instauré par le parti communiste chinois. En même temps, en évoquant ses nombreux voyages à l’intérieur, il nous montre la face cachée de la réalité chinoise, tout ce que le département Propagande du parti a voulu cacher aux médias, aux hommes d’affaire et aux touristes.
Ses carnets restituent l’ambiance de la Révolution culturelle, celle de la Chine de Deng Xiaoping appartenant déjà au passé, et celle de Jiang Zemin, qui va commencer à s’effacer en 2003. Au fil de la plume, ils racontent des dizaines d’anecdotes et nous font rencontrer cent personnages de la rue et des campagnes. Coup d’œil sur les trente dernières années, ce livre donne à réfléchir à tous ceux qui abordent la Chine aujourd’hui.