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›› Taiwan

« L’incident du Vendémiaire », une fébrilité chinoise

Contrefeux européens.

Grave revers pour le régime ayant toujours considéré l’Union Européenne comme un infirme stratégique, en janvier 2019, le MAE allemand Heiko Mass abandonnait l’ancienne discrétion diplomatique de Berlin uniquement intéressé par ses affaires en Chine, pour déclarer que « quelles que soient les circonstances les menaces militaires contre Taïwan étaient inacceptables ».

Le coup de projecteur sur le chantage balistique chinois faisant voler en éclat les habituelles précautions des diplomaties européennes soucieuses de ne pas compromettre leur commerce avec la Chine, rejoignait la nouvelle position de D. Trump qui, après avoir dénoncé le traité sur les armes balistiques intermédiaires en février dernier, déclarait – ligne rouge vif pour Pékin – que toute nouvelle négociation devrait inclure les missiles chinois.

Enfin, à la mi-mars, Bruxelles dénonçait la « menace systémique » posée par Pékin, tandis que, 10 jours plus tard, sous l’égide du Président Macron, l’UE tentait à l’Élysée un exercice de cohésion européenne en réunissant dans une conférence de presse face au n°1 chinois, le Président français, J.C. Junker et la Chancelière allemande.

Tel est l’arrière-plan de « l’incident du Vendémiaire », le 6 avril dernier qui fut non pas une arrogance chinoise mais l’expression de la fébrilité du Parti.

La nervosité de l’appareil se nourrit d’abord de la querelle stratégique avec Washington qui, en phase avec la défense de la démocratie taïwanaise, a ordonné 9 transits de ses destroyers lance-missiles dans le Détroit entre l’été 2018 et le printemps 2019. L’inquiétude de Pékin est également attisée par le sentiment que Bruxelles s’aligne sur Washington pour soutenir Taïwan de manière plus démonstrative que par le passé.

Au passage, notons que l’irritation chinoise à l’égard du surgissement de l’UE dans le théâtre du Pacifique occidental s’était déjà manifestée en juin 2018, lors du dialogue de sécurité du Shangrila, à Singapour.

Réagissant aux mises en garde justifiées de la ministre française de la défense, Florence Parly sur le « fait accompli » chinois en mer de Chine du sud, le général Yao Yunzhu lui avait répondu avec colère que la France « qui n’était pas partie des négociations et – contre vérité flagrante - n’appuyait ses remarques sur aucune loi, n’avait pas son mot à dire. »

Enfin, notons que la brutalité de Pékin à l’égard de Paris alors que les nombreux transits de l’US Navy dans le Détroit n’ont jamais provoqué que des protestations diplomatiques, renvoie à la conception ancestrale des rapports de puissance que le Premier Empire (221 – 206 av JC) exprimait déjà quand le seul interlocuteur qu’il estimait de son niveau était l’Empire Romain.

Autant dire que, pour Pékin, un pays européen isolé où même l’Europe à laquelle le régime chinois n’accorde aucune pertinence stratégique, ne pèsent d’aucune influence réelle dans les rapports de forces que Xi Jinping tente de plier à l’avantage du « rêve chinois ».

*

Dans leur ouvrage « La Chine E(st) le Monde » 0dile Jacob, janvier 2019, Sophie Boisseau du Rocher et Emmanuel Dubois de Prisque (lire : Deux réflexions contraires sur le risque chinois.), reviennent clairement aux questions posées par le surgissement de la Chine et de son modèle : « Confrontation ou négociation, méfiance ou confiance ? L’Europe est-elle naïve, réaliste ou impuissante ? » (...) L’émergence du modèle chinois est une occasion parmi d’autres de réévaluer notre propre modèle et peut-être de mieux le défendre. »

NOTE de CONTEXTE

Dans une longue analyse parue en juin 2018, signée par les meilleurs experts américains de la Chine et des relations dans le Détroit, dont Michael H. Armacost, Chen-Fu, Cecilia Yen Koo et John Thornton, la Brookings, faisant le point de « la stratégie sudiste » de Tsai identifiait 5 directions d’effort :

1) les industries innovantes, 2) les technologies médicales, 3) les échanges entre jeunes, 4) l’agriculture et 5) la promotion des jeunes talents.

Ainsi des accords de coopération ont été signés dans les secteurs de l’agriculture avec l’Indonésie qui s’ajoutaient à ceux déjà conclus en septembre 2016 avec l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie, l’Australie et les Philippines.

Ce mouvement vers le sud avait commencé dès 1994, sous l’égide du Président Lee Tung-hui. Il s’est par la suite amplifié au point que les investissements à destination de l’ASEAN passèrent de 1,7 en 1994 à près de 5 Mds de $, 20 ans plus tard, tandis que les IDE vers le Continent tombèrent de 3,17 Mds de $ à 962 millions.

Sous la présidence de Chen Shui-bian, la tendance continua avec des IDE vers l’ASEAN atteignant 10,4 Mds de $ en 2008, avec cependant une hausse parallèle des IDE vers la Chine. A partir de 2009, le rapprochement avec la Chine opéré par Ma Ying-jeou freina la tendance.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Tsai en 2016, la majeure partie des exportations liées à la « stratégie sudiste » est allée vers l’ASEAN avec cependant un palmarès des pays cibles où la Chine et Hong-Kong tiennent toujours et de loin, le haut du pavé : 1) Chine – Hong-Kong : 140 Mds de $ (40%) ; 2) ASEAN : 64 Mds de $ (18,3%) ; 3) États-Unis : 42 Mds de $ (12%) ; 4) Europe : 31,5Mds de $ (9%) ; 5) Japon : 24,5 Mds de $ (7%).

De même ,s’il est vrai que l’ASEAN est la source d’un flux d’investissements en hausse et l’origine de la grande majorité de touristes qui visitent l’Île, la vérité oblige à dire que le flux des investissements taïwanais continue d’aller essentiellement vers la Chine avec en 2017 (sources taïwanaises) 44,2% du total des IDE taïwanais.

Toujours selon les statistiques taïwanaises, les autres grandes destinations des IDE de l’Île sont les paradis fiscaux des Caraïbes avec 28,43% du total. Ces réalités commerciales et financières dessinent les plus grandes vulnérabilités taïwanaises.

*

Sans surprise, à Taïwan les analystes politiques pointent du doigt les obstacles créés par la Chine dont l’objectif est d’enfermer l’Île dans le cadre du seul face-à-face avec le Continent dans le Détroit. Les contre-offensives de Pékin visent d’abord les accords d’investissement et de libre-échange conclus par l’Île (Philippines 2018, Nouvelle-Zélande, Singapour 2013). Lire : L’inconfortable danse de Formose avec les empires..

La virulence des ripostes s’est durcie dès le printemps 2014, après l’échec de l’accord-cadre de Ma Ying-jeou : Taïwan : Craquements politiques dans l’accord cadre. Les stratégies chinoises en question.. Elles ont encore gagné en agressivité 2 ans plus tard après la victoire électorale de Tsai Ing-wen à la présidence.

Pour autant, il faut rappeler que malgré ses fragilités (augmentation des coûts et des salaires, exode des talents, dégradation bureaucratique de l’environnement des affaires, forte dépendance à l’export et à l’économie chinoise), les bases de l’économie restent solides avec (chiffres FMI), une croissance à 2,6% en 2018, une inflation comprise entre 1 et 1,5% depuis 2010, un chômage à 3,8% en baisse et une dette publique limitée à 35% du PIB.


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