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L’insistante tension entre la Chine et l’Inde. Une fragilité des BRICS

Li Shangfu, le nouveau ministre de la défense ne chôme pas. Le 27 avril, onze jours après sa visite à Vladimir Poutine à Moscou, où les deux ont souligné l’excellence de la coopération militaire dont les exercices conjoints se déploient à la fois en Méditerranée et en Extrême-Orient, sous le nez du Japon qui réarme, Li était à New-Delhi.

Au cours de la première visite en Inde d’un ministre de la défense chinois après la tuerie nocturne de la vallée de Galwan, le 15 juin 2020 (lire : Chine - Inde, l’improbable réconciliation), Li qui participait à la réunion des ministres de la défense de l’Organisation de Coopération de Shanghai, a rencontré son homologue indien Rajnah Singh.

Le moins qu’on puisse dire est que la rencontre fut moins conviviale qu’avec Vladimir Poutine.

Après l’incident meurtrier de Galwan, les tensions ne s’étaient pas complètement calmées. Le 9 décembre 2022, de nouvelles crispations avaient surgi dans le secteur de Tawang, 2000 km plus à l’est dans la province himalayenne de l’Arunachal Pradesh.

La presse chinoise étant restée muette sur le sujet, les seules informations viennent du ministre de la défense indien. « Les troupes de l’APL ont tenté de modifier unilatéralement le statu quo en empiétant sur la ligne de contrôle réel, dans le secteur de Tawang  ». (...)

« Notre armée a fait face avec fermeté et a courageusement empêché l’APL d’empiéter sur notre territoire, l’obligeant à se retirer sur ses positions. Certains soldats des deux camps ont été blessés dans l’escarmouche. ».

Pourtant, lors de la rencontre du 27 avril, Li a, selon la presse chinoise, estimé que la situation sur la frontière « était généralement stable et traduisit les efforts des deux armées pour renforcer leur confiance mutuelle en vue d’une gestion normalisée du secteur ».

Mais l’optimisme chinois a assez sèchement été démenti par son homologue.

L’indispensable préalable de la question des frontières.

Selon la télévision indienne, le ton ferme et sans équivoque a placé le préalable de la question des frontières au cœur d’une normalisation des relations bilatérales dont elle est une des conditions.

Contrairement à Pékin qui tente de séparer les deux sujets, Singh a sans ambages répété que « le développement des relation bilatérales dépendra du maintien de la paix et de la stabilité aux frontières. » Pour lui, à ce stade, la situation était que « les violations répétées des accords avait érodé la base même des relations bilatérales  ».

Les commentaires de Palki Sharma, journaliste de la télévision indienne analysant sans concession la manœuvre chinoise, ont remis le sujet à hauteur des ambitions stratégiques de Pékin et des contradictions de sa relation avec l’Inde. « Il est trop facile », dit-elle « d’inviter votre voisin à bâtir un ordre contestant celui construit par l’Occident après s’être introduit chez lui pour y construire un mur qui empiète sur son territoire. »

L’arrière-plan de tensions jamais apaisées que Pékin, responsable des tentatives d’intrusion, affecte de nier, explique la défiance stratégique qui, entre autres, a poussé New-Delhi à s’agréger au « Dialogue Quadrilatéral de Sécurité ou QUAD  » dont le but est d’affirmer une présence militaire capable de freiner l’élargissement de la trace chinoise en Asie-Pacifique.

Pour préciser le déséquilibre de la relation, radicalement en faveur de la Chine, Palki Sharma a rajouté que sur les 135 Mds de $ d’échanges commerciaux en 2022, le déficit de l’Inde est de 100 Mds de $.

Les grands déséquilibres de la relation.

Selon le site de l’ambassade de l’Inde à Pékin, le commerce entre les deux a continué de prospérer malgré les tensions frontalières et le bras de fer militaire meurtrier dans l’est du Ladakh en juin 2020. « L’expansion rapide du commerce bilatéral depuis le début de ce siècle a propulsé la Chine au rang de plus grand partenaire commercial de marchandises dès 2008  ». (…) « Entre 2015 et 2021, les échanges ont augmenté de plus de 75%.  »

L’épisode de la réunion des ministres de la défense à New-Delhi et les commentaires indiens qui l’entourent renvoient à une des fragilités des BRICS au sein desquels l’Inde dont le PIB est plus de cinq fois inférieur à celui de la Chine, ne se sent pas toujours à l’aise.

Certes, ensemble les cinq (41,44% de la population mondiale) commencent à constituer une impressionnante force d’équilibre. En 2020, la somme de leurs PNB a dépassé l’agrégat économique du G7 avec 31,4% de la production globale, contre seulement 30% pour le G7.

Dans l’actuelle ambiance de remise en question des institutions internationales, y compris du FMI, marquée par la création d’une banque dédiée, se préparant à utiliser une monnaie spécifique et à accorder des prêts, sa force d’attraction est considérable.

Une vingtaine de pays dont la Turquie, les Émirats, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, l’Argentine, le Mexique, le Nigéria, le Soudan, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Pakistan, l’Iran, le Venezuela, le Zimbabwe, Bahreïn, le Bangladesh et la Syrie ont manifesté leur intention de rejoindre le groupe.

Il reste que l’ensemble des « Cinq » est un attelage déséquilibré où l’économie chinoise domine le groupe sans partage, au point que son PIB (19,7 Mds de $) est égal à 2,5 fois la somme des quatre autres réunies (7,3 Mds de $).

*

Le déséquilibre de puissance en faveur de la Chine a, dans un passé, récent créé quelques aigreurs au sein du groupe.

En 2013, lors du lancement des négociations pour l’établissement de la « New Development Bank », aujourd’hui devenue une réalité, la Chine, déjà agacée par la domination américaine au sein du FMI, de la Banque Mondiale et de la Banque Asiatique de développement et acceptant mal l’égale répartition des droits de vote au sein du projet de Banque des BRICS, a, de son côté, créé la Banque Asiatique des investissements d’infrastructure (AIIB) dont le siège est à Pékin. Lire : L’élan global de la monnaie chinoise, craintes américaines et perspectives.

Sans y avoir un droit de véto, la Chine y détient 26,61% de droits de vote, devant l’Inde (7,6%) et la Russie (6,01%). Commencée avec 57 membres, la Banque a eu un succès considérable et compte aujourd’hui 105 membres.

Autre exemple de crispations entre la Chine et l’Inde dont l’origine est en partie le déséquilibre de puissance, quand Pékin a cherché à combiner les stratégies des BRICS à celles de ses Nouvelles Routes de la Soie, New-Delhi qui n’y participe pas, avait jugé l’initiative cavalière et l’avait fait savoir en ne répondant pas l’invitation formelle du premier forum des Nouvelles Routes de la Soie organisé à Pékin en mai 2017.

Le refus avait été justifié par un message critique sans ambiguïté de New-Delhi signé du Ministre des Affaires étrangères. Il laissait entendre sans trop de nuances que le fonctionnement des Nouvelles Routes de la soie était à la fois opaque et pas conforme au droit international : « Nous sommes fermement convaincus que les initiatives de connectivité économique doivent être mises en œuvre en respectant les normes internationales reconnues de transparence, de bonne gouvernance, d’égalité et d’obédience au droit  ».

Depuis cette époque, les tensions rémanentes sont toujours là. Elles s’expriment quand bien même Narendra Modi et Xi jinping avaient d’abord tenté de les mettre sous le boisseau en 2015 explorant le sillon affectif des relations personnelles. Lire : Pékin, Moscou, New-Delhi : Grandes querelles et rapprochements. Le poids de l’Amérique.


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