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La face cachée de la dette

L’inexorable augmentation des dettes des entreprises.

L’augmentation de la dette globale de la Chine se nourrit d’abord de la dette des entreprises (50% de la dette). Source MCKinsey global institute.

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Aujourd’hui la plupart des secteurs industriels traditionnels souffrent et font état d’une augmentation de leurs dettes tandis que les prêteurs des banques publiques s’inquiètent de la santé de leurs comptes mise à mal par les créances non remboursées.

Depuis le printemps 2016, les pertes se sont accumulées dans le secteur du rail où, le 5 mai dernier, CRC annonçait une perte d’1 milliard d’€ au premier trimestre portant sa dette à 545 milliards d’€ ; en 2015 les commandes aux chantiers navals ont diminué de 50%, tandis que les géants en difficulté rentent de renégocier leurs dettes grâce à l’entremise des administrations locales et en se tournant vers les marchés financiers. En mars dernier nous avions examiné le cas de Rongsheng dont la dette, résultat de mauvais investissements, est aujourd’hui encore en cours de structuration (lire Excédent commercial, réformes et mauvaises pratiques industrielles)

Toujours en mars, le syndicat national des charbonniers annonçait que 90% des mines avaient enregistré un baisse de près de 100% de leurs profits ; la chute est encore plus sévère dans le secteur des aciéries où les pertes totales des entreprises en 2015 ont atteint 65 Mds de Yuan (8 Mds d’€).

Mêmes inquiétudes chez le pétrolier CNOOC dont les revenus on baissé de 37%, aujourd’hui engagé dans un vaste plan social, tandis que dans le secteur des panneaux solaires, les deux géants Yingli et Suntech qui enregistrent des pertes - depuis 2011 pour le premier et depuis 2013 pour le second – ne gardent la tête hors de l’eau que grâce aux subsides publics des gouvernements locaux de Baoding pour Yingli et Wuxi pour Suntech.

Enfin au printemps, les dettes cumulées des secteurs du charbon, de l’acier, du ciment, des métaux non ferreux étaient estimées à 1300 Mds d’€.

Tensions financières et lutte de chapelles.

Le 25 mai, le magazine Caixin publiait une longue analyse des tensions financières en cours, objets des mises en garde du FMI. L’article décrivait notamment le jeu des acteurs confrontés à des exigences contradictoires dans un contexte où leurs intérêts financiers, économiques, sociaux et politiques ne coïncident plus.

L’idée maîtresse était articulée autour du combat des banques pour activer le remboursement des prêts et assainir leurs comptes au milieu des vents adverses des grands groupes couverts de dettes qui, avec l’aide de la SASAC, et des administrations locales, rivalisent d’ingéniosité et parfois de mauvaise foi pour échapper aux obligations de leurs dettes.

Alors que les experts financiers chinois blâment les banques publiques d’être elles-mêmes les artisans de leurs difficultés, pour avoir, durant de longues années, distribué des prêts sans se préoccuper de leurs remboursements garantis par l’État, l’auteur énumère une série d’exemples édifiants qui décrivent par touches concrètes le paysage des finances chinoises sous tension.

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Selon les statistiques nationales, 106 groupes industriels soutenus par les pouvoirs publics avaient à la fin 2015, accumulé 11 000 Mds de Yuan de dettes (1500 Mds d’€), 800 Mds d’€ de prêts bancaires et 700 Mds d’€ d’obligations, les banques se débattent aujourd’hui avec les retards de remboursement ou l’annulation pure et simple des créances par des déclarations de faillites assez souvent conseillées par des experts de la SASAC.

Au point qu’à la fin 2015, le total des créances non remboursées aux banques avait, selon la commission de régulation bancaire, augmenté de 48% à 1200 Mds de Yuan (160 Mds d’€). S’il est vrai que le ratio des dettes toxiques qui plombent la comptabilité des banques reste faible (à moins de 2%), son augmentation rapide est d’autant plus préoccupante qu’elle est le résultat d’une politique publique.

L’État organise les faillites au détriment des banques.

Baisse régulière des profits industriels, principale cause de l’augmentation des dettes.

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En mars 2013, la société de défaisance Chengtong chargée de restructurer le groupe MCC Meili (中治美利纸业 - secteur du papier -) a, sur ordre de la SASAC, purement et simplement annulé 10 Mds de Yuan de dettes (1,3 Mds d’€) à plus de 29 banques.

En 2015, la SASAC a obligé les banques à accepter l’annulation d’une partie des dettes du fabricant chinois de matériel ferroviaire (China Railway Materials – CRM) contre des actions de la société à la valeur aléatoire. Ailleurs les banques ne reçurent qu’1/5 de la valeur des dettes après restructuration. Résultat les banques resserrent les conditions d’accès au crédit et dressent une liste noire des groupes publics qui, bénéficiant de l’appui des pouvoirs publics, n’honorent par leurs dettes à la suite de restructurations ou de faillites.

Autre conséquence qui dessine une lutte de chapelles contre la SASAC, le secteur bancaire s’organise avec l’appui de la Banque de Chine et de la Commission de régulation boursière pour créer un mécanisme destiné à sanctionner les groupes industriels cherchant à échapper à leurs créances. Signe que la situation se crispe, Chengtong [3], la société de défaisance d’État cautionnée par la SASAC a elle-même été placée sur la liste de noire des banques.

Les autres artisans de cette fronde de la dette sur le dos des banques sont les administrations provinciales en deuxième ligne derrière la SASAC. Elles aussi aident les groupes publics à se soustraire aux remboursements de leurs emprunts. Dans le Jiangsu, une municipalité a ordonné aux banques de revendre 10 Mds de Yuan (1,3 Mds d’€) de dettes toxiques non remboursées à un société de défaisance publique pour seulement 200 millions de Yuan (27 millions d’€) ; ailleurs des gouvernements locaux ont fait pression sur les tribunaux pour qu’ils abandonnent les poursuites contre les mauvais payeurs.

En août 2015, dans l’Anhui, la société Huaikuang Xiandai Logistics Co., filiale de Anhui Wanjiang Logistics, cotée à la bourse de Shanghai, a, sans consultation des créanciers, été exonérée de 60% de ses dettes à une douzaine de banques dont China Minshang et la Banque Industrielle de Chine. L’effacement des dettes bénéficie également aux sociétés privées bien en cour auprès des pouvoirs locaux. En octobre 2015 les médias du Zhejiang faisaient état de 700 entreprises privées ayant échappé au remboursement de 11 Mds de Yuan (1,5 Mds d’€) de dettes.

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Ainsi la contradiction à laquelle est confrontée la direction du régime pesant la stabilité sociale contre l’urgence d’améliorer la rentabilité du capital et la qualité de la production, se traduit aujourd’hui au sein de l’administration publique par une opposition entre d’une part la SASAC adepte de l’effacement des dettes pour sauver les groupes en difficultés et, d’autre part, la nébuleuse de la finance publique, disciple du marché et de la transparence des comptes où on retrouve les banques publiques, le ministère et la banque de Chine. La question est évidemment compliquée par le fait que, dans nombre de cas, les réticences aux réformes expriment plus la volonté de protéger des intérêts acquis que des préoccupations sociales.

Mise à jour le 3 juin. La SASAC sermonnée

Le 2 juin, la Commission de discipline du Parti a publié sur son site une critique directe de la SASAC lui reprochant de ne pas promouvoir avec suffisamment de loyauté les réformes de structures des entreprises publiques. Elle lui reprochait notamment de ne pas corriger les gaspillages luxueux, la corruption ou le népotisme.

La déclaration pourrait être le symptôme visible d’une lutte d’influence entre la nébuleuse de la finance, adepte de la rigueur des comptes et celle des grands groupes appuyés par une mouvance conservatrice motivée par le double souci de protéger les intérêts acquis et la stabilité sociale mise en danger par les perspectives de licenciements et la stagnation des salaires.

Note(s) :

[3Au cœur de ces stratégies de défaisance des dettes toxiques se trouve le groupe financier China Chengtong Holdings Group Ltd, contrôlé par le pouvoir et aux activités protéiformes. Il est notamment impliqué, par ses nombreuses filiales dans le trading des ressources minières, la gestion des actifs, les services logistiques, les transactions financières et la fabrication du papier à partir de l’exploitation forestière. Il est souvent arrivé qu’avec l’aide de Chengtong ou de la SASAC, la restructuration des groupes n’était en réalité qu’une manœuvre pour basculer des actifs vers des filiales cachées pour les mettre hors de portée des créanciers.


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