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La Gambie et la Chine rétablissent leurs relations diplomatiques. 1er coup de semonce de Pékin

Le 17 mars à Pékin La Chine et la République islamiste de Gambie ont rétabli leurs relations diplomatiques. A gauche Neneh MacDouall-Gaye, ministre des Affaires étrangère de Gambie ; à droite Wang Yi son homologue chinois. (Photo Xinhua).

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Le 17 mars, le Bureau des Affaires Taïwanaises à Pékin annonçait que la Chine renouait ses relations diplomatiques avec la Gambie. Signe supplémentaire d’un refroidissement des relations dans le Détroit après le succès de Tsai Ing-wen aux élections présidentielles : Pékin avait au préalable informé par SMS son correspondant politique à Taipei du Bureau des Affaires Continentales, mais avait refusé d’activer la ligne rouge établie le 30 décembre 2014 qui aurait permis à Andrew Hsia (夏 立 言), le ministre KMT des Affaires continentales, de s’entretenir directement avec Zhang Zhijun, son homologue du Continent.

L’initiative de Pékin traduit la détermination du Politburo de faire pression sur Tsai Ing-wen pour obtenir qu’elle se range à sa vision des relations dans le Détroit conforme au consensus de 1992 et qu’elle abandonne formellement le projet d’indépendance de l’Île. Quel que soit l’angle de vue, cette inflexibilité s’exprimant en dépit de la souplesse de Tsai Ing-wen qui tranche avec le radicalisme de Chen Shui-bian, porte en elle le potentiel de futures tensions dans le Détroit.

Pékin appuie sur une plaie sensible

Il aura fallu à peine trois mois après l’élection de Tsai Ing-wen pour que Pékin commence à exercer des pressions sur l’Île en pesant sur un des domaines psychologiquement les plus sensibles pour la classe politique taïwanaise et l’opinion : les relations diplomatiques de l’Île avec 21 petits pays d’Océanie (6 États), d’Amérique Centrale (6 États), d’Afrique (3 États), des Caraïbes (5 États) et d’Amérique latine (1 pays) auxquels il faut ajouter le Vatican [1].

Le réseau qui se double de 41 pays ayant gardé des bureaux commerciaux et culturels à Taipei, entretient la fiction d’une autonomie des relations extérieures de l’Île en dépit du fait que les Nations Unies ne reconnaissent pas à Taïwan la qualité d’État souverain.

Dans l’Île, tout le monde sait bien que les 21 petits pays (le Saint Siège étant un cas à part) ont conservé leurs relations avec Taipei, non comme le feraient de véritables alliés par adhésion idéologique et fraternelle à une vision séparée du Continent, mais pour les intérêts sonnants et trébuchants mis en avant par les diplomates taïwanais qui, au demeurant, ont toutes les peines du monde à concurrencer la puissance des finances chinoises.

Il reste qu’avec la cohorte des bureaux de représentation commerciale et culturelle qui tiennent lieu d’ambassades à 41 États, parmi lesquels figurent tous les grands pays dont les 5 membres permanents du Conseil de sécurité, l’Allemagne, le Japon et l’Union Européenne, le réseau permet à Taïwan d’afficher une situation différente de celle de Hong Kong à laquelle le régime chinois fait mine d’assimiler l’Île. C’est dire l’importance symbolique de ces liens diplomatiques.

Elle explique l’insistance des dirigeants taïwanais quels qu’ils soient pour préserver coûte que coûte la marge de manoeuvre internationale de l’Île. Pékin qui connaît cette sensibilité, en joue en augmentant ou en relâchant la pression sur le sujet, au gré des relations dans le Détroit. Ainsi, le cas de la Gambie illustre le lien direct entre le niveau de confiance que le régime chinois accorde à Taïwan et sa disponibilité ou non à accorder à l’Île un espace diplomatique.

Après s’être rapprochés de Pékin en 1974, les dirigeants gambiens avaient reconnu Taïwan en 1995. Mais en 2013, faisant volte face, Banjul avait rompu avec l’Île dans l’espoir de renouer avec la Chine continentale. Pourtant, Pékin, soucieux de ménager la susceptibilité diplomatique de l’Île pour ne pas gêner le réchauffement des relations commerciales initié par Ma Yong-jeou en 2008, n’avait pas donné suite.

Fin de l’armistice.

Aujourd’hui la trêve diplomatique est terminée et la manœuvre chinoise a un objectif précis : en amont de la prise de fonctions de Tsai Ing-wen, le 20 mai prochain, faire pression pour que le nouveau chef de l’exécutif taïwanais reconnaisse « la politique d’une seule Chine. »

La classe politique de l’Île ne s’y est pas trompée. Quel que soit leur bord politique, les députés du Yuan Législatif ont durement ressenti la menace tout en reprochant à Pékin de ne pas respecter le statuquo que la future présidente a dit vouloir préserver lors de son discours du 16 janvier, après son élection.

Alors que la nouvelle du rétablissement des liens de Pékin avec la Gambie coïncidait avec un voyage officiel de Ma Ying-jeou au Guatemala et à Belize, le ministère des Affaires étrangères taïwanais regrettait la décision de Banjul et promettait, sans cependant préciser comment, de se prémunir contre les pressions internationales de Pékin. Quant au Minjindang, il a espéré que la Chine et Taïwan ne s’engagent pas dans une compétition hostile dont la relation internationale de l’Île serait l’otage.

Tsai Ing-wen qui, dans ses discours électoraux, promettait d’augmenter l’espace diplomatique de l’Île, a bien mesuré les enjeux et la faiblesse de sa marge de manœuvre, alors même que Pékin s’applique depuis de longues années à limiter le profil de Taïwan dans de nombreuses enceintes internationales. Le 18 mars, exprimant son pessimisme sur l’état et les perspectives des relations diplomatiques de Taïwan, elle appelait à la solidarité de tous pour « protéger » le profil international de l’Île.

Note(s) :

[1Liste de États ayant des relations diplomatiques officielles avec Taïwan : 1) Océanie : Kiribati, îles Marshall, Nauru, Palu, Salomon, Tuvalu ; 2) Amérique Centrale : Belize, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama ; 3) Caraïbes : République Dominicaine, Haïti, Saint Kitts & Nevis, Sainte Lucie, Saint Vincent & Grenadines ; 4) Amérique du Sud : Paraguay ; 5) Asie : Corée du nord ; 6) Afrique : Burkina Faso, Sao Tomé et Principe, Swaziland, Gambie (depuis le 17 mars 2016) ; 7) Europe : Vatican.


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