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La guerre de tranchées sino-américaine

Incursion politique dans l’Amérique profonde.

Cette fois pourtant l’offensive de la propagande chinoise est non seulement descendue au niveau local d’un État américain, mais, ripostant aux campagnes critiques des ONG comme Freedom House, elle a aussi développé des thèmes s’immisçant clairement dans le débat politique aujourd’hui très fracturé de la démocratie américaine.

A la fin septembre, le journal « Des Moines Register  » quotidien local destiné aux lecteurs de la capitale de l’Iowa a publié 4 pages de « China Watch » payées par le China Daily, expression directe du régime politique chinois.

Au lieu des habituels thèmes faisant la promotion des «  Nouvelles routes de la soie » ou louant le climat des affaires en Chine favorable aux investissements étrangers, cette fois la publicité a focalisé sur les effets pervers de la guerre des taxes dans le secteur américain du soja.

L’encart faisait suite aux interviews sur le même sujet de l’ambassadeur de Chine retransmis par National Public radio et Fox News les 3 et 12 octobre derniers.

Les premières salves de cette campagne agricole avaient été tirées en juillet par CGTN - le surgeon international de CCTV - qui diffusa une vidéo de 2 minutes dont la conclusion était une question à caractère clairement électoral visant le scrutin de mi-mandat de novembre.

D’autant plus insolite qu’il était formulé par un régime où les élections n’ont pas cours, l’appel aux électeurs américains digne d’une estrade de campagne, se demandait s’ils allaient continuer à soutenir Trump et les Républicains, même après que leur politique les aient « touchés au portefeuille ».

Les chiffres du département de la justice qui, au titre de la loi sur les investissements étrangers « Foreign Agents Registration Act – FARA - », a enregistré les sommes déboursée par le China Daily, révèlent que, depuis 2017 le journal chinois a mis sur la table 15,7 millions de $ - soit 60% du total des sommes engagées par des annonceurs étrangers en 20 mois - pour, dit Sarah Cook, « influencer l’opinion publique américaine ».

Seulement voilà. Au lieu de l’impact politique attendu, l’intrusion directe sans précautions de la machine politique chinoise dans le processus démocratique américain a provoqué un sérieux retour de flamme dont le plus important analysé par David Shambaugh dans le South China Morning Post du 2 novembre est la naissance d’un front commun anti chinois bipartisan, semblant transcender les clivages politiques traditionnels.

Le retour de flammes d’un front anti chinois.

Ancien directeur du China Quaterly, bible de la sinologie moderne, aujourd’hui à la tête des études politiques chinoises à l’Université Georges Washington, Shambaugh analyse que, quels que soient les résultat des élections de mi-mandat, il est peu probable que le front anti chinois qui, aux États-Unis, traverse tous les partis, se désagrège dans un avenir proche.

Plus encore, l’acrimonie qui s’est récemment durcie, traverse aussi et sans référence politique, plusieurs secteurs professionnels, allant des militaires traditionnellement méfiants de la montée en puissance de la Chine, désormais présente sur des théâtres où on la voyait peu, aux ONG sérieusement bridées par les dernières lois limitant leur action, en passant par les chercheurs contraints par la censure ou les milieux d’affaires confrontés au durcissement des procédures de visas.

Synthèses de ces hostilités, les rapports de 2017 préparés par la nébuleuse de sécurité ont désigné la Chine « comme un rival stratégique » des États-Unis, initiant un raidissement anti chinois tous azimuts de l’administration Trump, mais, dit Shambaugh, qu’une majorité démocrate au Congrès plus sensible aux questions des droits de l’homme ne sera pas portée à tempérer, au contraire.

Un des meilleurs signes du « consensus anti-chinois » est l’appui des deux partis au décret sur la défense nationale relatif au budget 2019 bloquant tous les achats publics d’équipements à des groupes chinois comme comme Huawei, ZTE (télécom), Dahua Technology et Hikvision (vidéo-surveillance) ou Hytera.

A quoi s’ajoute une phobie générale contre les investissements chinois dans le « high-tech » où règne la crainte du viol du droit de propriété et l’obsession d’espionnage, aggravée par l’angoisse diffuse du rival stratégique chinoise conséquence de l’ampleur affichée des « nouvelles routes de la soie  », défi global à la prévalence américaine, tandis que, sur les campus où se développe la méfiance contre la propagande culturelle chinoise des instituts Confucius très actifs dans la communauté sino-américaine, on commence à assister à des harcèlements de citoyens chinois.

Constatant qu’aujourd’hui aux États-Unis, la voix des partisans d’un accommodement avec Pékin ne porte plus, Shambaugh, très pessimiste, conclut son analyse en revenant sur les vieux malentendus non réglés de la relation sino-américaine.

Alors que les deux partis se retrouvent autour d’une appréciation partagée de la menace chinoise, l’auteur estime que la phobie anti-chinoise « n’a aucune chance de s’estomper tant que le régime de Xi Jinping continuera ses répressions politiques internes et qu’à l’extérieur il n’abandonnera pas ses pratiques mercantiles. »

Et il ajoute que l’histoire des 50 dernières années démontre clairement qu’aux États-Unis un consensus prochinois ne peut surgir que si, à l’intérieur le régime chinois adopte des politiques libérales et si à l’extérieur il coopère aux stratégies de Washington.

Comme Xi Jinping craint que la proximité idéologique avec les mouvances libérales constitue un cheval de Troie menaçant la survie du Parti, tandis qu’à l’extérieur, il développe une influence articulée aux « caractéristiques chinoises » opposées au droit et à la démocratie, il faut s’attendre à la perpétuation des heurts dans la relation sino-américaine.


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