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Le monde vu par Xi Jinping. Elan global normatif et contrefeux

Le Parti, l’Unité du pays, l’atout économique.

La centralité du Parti élément clé du régime depuis sa fondation en 1949, s’est considérablement renforcée depuis l’avènement de Xi Jinping, d’abord en 2007 comme vice-président, puis en 2012, date de sa promotion au poste de secrétaire général, au 18e Congrès. Contredisant l’idée de nombre d’observateurs anticipant à tort que le développement économique ferait le lit d’une ouverture politique, la puissance renforcée du Parti unique mûrit depuis la fin des années 90, avec l’idée sans cesse diffusée par la propagande que lui seul est capable de moderniser le pays sans que resurgisse le chaos, ancestrale bête noire des élites chinoises.

La stabilité sociale obtenue par un encadrement strict du peuple est le corollaire du projet politique du Parti conscient que l’élévation du niveau de vie coïncide avec l’exigence de plus de libertés individuelles et de droits.

Percevant une évolution néfaste des revendications sociales pouvant menacer le magistère du Parti, Xi a, sans faiblir, replacé l’appareil au cœur du pouvoir, accompagnant le recentrage par un renouveau des études marxistes tout en réaffirmant l’étroite fusion entre le Parti et la Nation. En même temps, il a engagé une implacable lutte contre la corruption devenue à l’occasion un instrument d’élimination des opposants.

Kevin Rudd note à ce sujet que le n°1 chinois fermement décidé à préserver le magistère du seul parti communiste, s’inscrit en faux contre l’idée de Francis Fukuyama considérant la démocratie à l’occidentale comme la forme ultime et aboutie de gouvernement.

Il précise que nombre de Chinois, eux-mêmes effrayés par la peur du chaos adhèrent à l’alchimie Parti – Nation- stabilité sociale – lutte contre la corruption et parient d’autant plus sur son succès que le régime met en place un système inédit de surveillance assorti d’un vaste réseau de caméras dotées d’une capacité de reconnaissance faciale.

Relié aux fichiers centralisés dont l’efficacité instantanée est décuplée par les progrès informatiques, surveillé par une force de police pléthorique plus nombreuse que l’APL, le réseau de caméras est, avec l’appel à la délation, la clé de voute d’un système imaginant désormais régir la vaste population chinoise par un système de crédit social mesurant et sanctionnant par des avantages ou des pénalités, le degré de civisme de chacun et, partant, sa docilité politique.

Sévèrement critiqué par nombre d’observateurs occidentaux,en Chine où l’on minimise les risques de violation de la vie privée, le crédit social est présenté sous l’aspect vertueux de contrôle des abus, tels par exemple la mise à jour des malversations, des pollutions atmosphériques par les entreprises, la régulation d’internet et la lutte contre le « hacking » etc.

Avec le magistère absolu du Parti garant de la stabilité sociale du régime, figure également au cœur de ses intérêts vitaux, condition ultime de la légitimité du pouvoir, l’unité géographique du pays dont l’exigence se focalise sur les territoires aux limites de l’Empire que sont le Tibet, le Xinjiang, la Mongolie intérieure et Taïwan. Chacun d’eux est au cœur de l’histoire du Parti et au confluent d’impératifs symboliques et stratégiques de première grandeur.

*

Le Tibet, le Xinjiang la Mongolie, Taïwan. Intérêts vitaux non négociables.

Au cœur des relations de la Chine avec l’Inde où s’est réfugié le Dalai Lama, creuset d’une culture religieuse allogène dont les plus radicaux prônent le séparatisme, promontoire riche en ressources, abritant un arsenal de missiles et une série de bases aériennes stratégiques, le Tibet est un espace essentiel sur lequel la culture farouchement centralisatrice du régime ne peut envisager de laisser peser les aléas de l’autonomie réclamée par le Dalai Lama.

Le Xinjiang peuplé de Ouïghour musulmans d’origine turque, est le point de contact de la Chine avec ce que le régime perçoit comme une double menace portée par un mouvement séparatiste et l’hostilité de l’Islam radical. La conjonction des deux pouvant, selon la sécurité d’État, générer un risque terroriste interne dont les actions pourraient se dilater hors de la province.

La Mongolie intérieure, porte en elle en dépit des accords de frontière de 1989, la mémoire des tensions stratégiques entre Moscou et Pékin où se mêlent le souvenir de la rivalité pour le magistère communiste mondial et les angoisses des Russes et des Mongols face à la pression économique et démographique chinoise.

Quant à Taïwan, toujours vue comme un porte-avions américain face au Continent, elle est le concentré symbolique d’une guerre civile inachevée, l’irritant miroir démocratique du parti unique et le principal avatar d’un rêve chinois inachevé sans le retour de l’île dans le giron de la mère-patrie.

Ces sensibilités toujours à fleur de peau ont récemment été sérieusement enflammées par le « Taïwan Travel Act » par lequel Washington autorise désormais les fonctionnaires américains de niveau élevé à reprendre leurs visites dans l’Île et les contacts avec leurs homologues taïwanais.

Au cœur de ses intérêts vitaux que le Parti relie à sa propre sécurité autant qu’à celle de la Nation, se trouve aussi l’économie. Devenue puissante, tentaculaire et de plus en plus imbriquée dans le vaste monde, à une échelle inédite, elle est à la fois un formidable atout et un des talons d’Achille du régime.

L’Économie, force de frappe et talon d’Achille.

Développée à marche forcée, aux graves dépens de l’équilibre écologique du pays que le Parti tente aujourd’hui de résorber sans y parvenir, certaines régions comme celles de l’exploitation effrénée des terres rares ayant été irrémédiablement rendues impropres à l’agriculture, l’économie très dépendante des importations d’énergie, peine à se restructurer en dehors de la rigidité des grands groupes publics.

S’il est vrai que ces derniers promus à la pointe du rattrapage technologique par le biais du programme China 2025 sont aussi les fers de lance de la stratégie extérieure des Nouvelles Routes de la soie, la vérité oblige à dire que 5 années après la publication du plan de réformes de mars 2013, les progrès restent fragiles.

Le système financier, les procédures commerciales, la gouvernance des groupes publics et la propriété foncière restent empreints d’une grande rigidité, tandis que la crainte du chômage induit des relances financières répétées, expédients générateurs de dettes et retardant les réformes de structures.

Au lieu de réduire la puissance des féodalités industrielles, Xi Jinping lancé dans la création de champions nationaux, les a renforcées, augmentant ainsi la force de résistance interne aux réformes.

L’augmentation, également voulue par Xi Jinping du rôle des commissaires politiques au sein des entreprises publiques et privées aggrave encore la raideur de la machine économique, tandis que l’absence d’indépendance des tribunaux d’arbitrage commercial entretient la vieille méfiance des investisseurs étrangers.

Pour autant, l’organisation verticale capable de concentrer efficacement les moyens et les crédits dont bénéficie la recherche publique commence à porter des fruits spectaculaires, y compris dans la réduction de la pollution atmosphérique.

Ingrédients incontestables de la légitimité du Parti qui peut également se prévaloir d’un bon niveau d’éducation moyen de la population, de progrès significatifs dans la santé publique et d’un impressionnant aménagement du territoire, clé du développement des provinces du centre et de l’ouest, les récentes percées de la Chine dans l’intelligence artificielle, les expériences de mécanique quantique, l’exploration spatiale et lunaire et la biochimie médicale sont un adjuvant de la pérennité du régime.


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