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Le pragmatisme chinois et le bourbier afghan

Photo : Groupe de Talibans réfugiés dans les zones tribales pakistanaises. Le 6 février 2014, Islamabad a initié avec les Taliban des négociations dont les chances succès restent limitées. L’objectif de la mouvance radicale responsable de nombreux attentats suicide et cible récurrente des attaques de drones américains et des opérations de ratissage de l’armée pakistanaises, est d’installer un État islamique au Pakistan et en Afghanistan. Ses liens avec une partie des militaires pakistanais sont avérés.

NOTES de CONTEXTE.

Pékin et les Talibans. Un exemple du pragmatisme chinois.

Immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001, le ministère des Affaires étrangères chinois consacra beaucoup d’énergie à édulcorer la nature des liens que Pékin entretenait avec le régime Taliban en Afghanistan. Avant les attentats de New-York, Pékin avait noué des contacts substantiels avec le régime de Kaboul.

Ayant en tête la menace séparatiste au Xinjiang dont le régime avait compris qu’elle pouvait être attisée par les Talibans, le Bureau Politique fit, pour diminuer le risque, le choix de développer des relations discrètes, mais significatives avec les radicaux islamistes en Afghanistan.

La manœuvre fut facilitée par le Pakistan qui servit de médiateur. En février 1999, une équipe de 5 diplomates chinois de haut rang vint à Kaboul où elle rencontra le vice-premier ministre Mullah Muhammad Hassan, le ministre de l’intérieur Mullah Abdur Razzaq et le vice-ministre des Affaires étrangères Abdurrahman Zayef, à qui la Chine offrit une aide alimentaire, des équipements militaires ainsi que des pièces détachées. Elle proposa aussi d’augmenter les échanges commerciaux et d’ouvrir des vols directs Urumqi – Kaboul.

En retour les Taliban promirent que le territoire afghan ne servirait pas de base arrière contre la Chine et autorisèrent le transfert vers Pékin de 2 missiles Tomahawk américains non explosés que Pékin paya 20 millions de $ pièce.

En 2001, la Chine était devenue le 1er investisseur en Afghanistan avec un stock officiel estimé de 7 à 10 millions de $, tandis qu’à l’ONU, Pékin appuyait la position de Kaboul y compris pour mettre son veto à une résolution destinée à accroître les sanctions proposée par Moscou et Washington. Durant cette période, plusieurs chercheurs de l’Institut des relations internationales contemporaines, rattaché aux services de renseignements militaires chinois visitèrent Kandahar et Kaboul.

En 2000 les groupes Huawei et ZTE avaient signé un accord garanti par le Pakistan – ce qui causa un important retard dans la mise en œuvre - pour installer respectivement 12 000 lignes fixes de téléphone à Kandahar et 5000 autres à Kaboul. En même temps commencèrent les travaux d’infrastructure pour réparer les barrages de Kajaki (Helmand), Dahla (Kandahar) et Breshna-Kot (Nangarhar). Simultanément, le réseau de distribution d’électricité endommagé par les conflits était remis en état.

En juillet 2001, une délégation de Talibans, conduite par l’attaché commercial afghan à Islamabad effectua une tournée d’une semaine en Chine à l’invitation du gouvernement chinois. Mais après les attentats du 11 septembre, les contacts cessèrent avec les Talibans. Ils reprirent de plus belle à partir de 2007 avec le régime de Karzai.

La recrudescence des investissements était puissamment appuyée par l’État au point que les offres des groupes publics chinois dépassèrent de loin toutes les offres rivales. En 2007, par exemple, China Metallurgical Group (MCC) et Jiangxi Copper proposèrent un investissement de 3 Mds de $ pour la mine de cuivre d’Aynak située dans la province à la sécurité très volatile de Logar. Cette bourrasque d’investissements s’accompagna de critiques de plus en plus virulentes contre l’ISAF.

Mais 7 ans après la signature du contrat d’Aynak, l’exploitation de la mine est retardée par des inquiétudes pour la sécurité qui enflent à mesure que l’ISAF se retire et la découverte d’une cité enfouie vieille de 2600 ans. En 2014, alors qu’il est désormais impossible que l’exploitation de la mine soit opérationnelle avant 2016, les groupes chinois ont exprimé le souhait de renégocier le contrat avec le gouvernement afghan.

La puissance nuisible d’une partie des militaires pakistanais.

Dans sa livraison du 28 octobre, « l’International Crisis Group (ICG) » de Bruxelles, dirigé depuis juillet 2014 par le Français Jean-Marie Guéhénno qui fut jusqu’en 2008 le Secrétaire Général adjoint de l’ONU pour les opérations de maintien de la paix, décrit le pouvoir des militaires pakistanais et leurs liens avec les insurgés en Afghanistan au sein d’une mouvance proto-religieuse transnationale radicale et sectaire, active dans les zones tribales et de part et d’autre de la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan, comme le principal obstacle à la stabilisation de la région.

Au Pakistan, la faiblesse des partis politiques traditionnels attaqués d’une part par le philanthrope Imran Khan et d’autre part par Tahirul Qadri, religieux soufi qui dénonce le radicalisme religieux, laisse la voie libre à la faction des militaires qui tire son pouvoir de la persistance de l’insécurité.

Après la chute des Talibans en 2001, les commandants des principaux groupes radicaux dont le Mullah Omar et le réseau rattaché à al-Qaeda avaient trouvé refuge au Pakistan. A partir de ces bases ils ont continué à gravement gêner les efforts de l’ISAF pour stabiliser l’Afghanistan. Aujourd’hui, ils sont d’autant plus en position de compromettre les efforts de développement du nouveau pouvoir à Kaboul que les forces de sécurité afghanes ne sont qu’en partie opérationnelles.

Non seulement l’alliance entre les insurgés afghans et certaines factions militaires pakistanaises pèse lourdement sur la situation en Afghanistan, mais elle perturbe aussi le jeu politique pakistanais. Avec l’aide de leurs alliés afghans les extrémistes pakistanais affaiblissent en effet l’administration officielle des zones tribales et celle de la province de Khyber Pakhtunkhwa à l’extrême nord du Pakistan qui borde l’Afghanistan et les zones contestées du Cachemire.

A ce jour, toutes les opérations militaires menées par Islamabad pour affaiblir ces mouvances ont échoué. La raison majeure est que les extrémistes afghans réfugiés au Pakistan reçoivent le soutien d’une faction de militaires pakistanais que les pouvoirs politiques successifs n’ont jamais réussi à éliminer. Depuis 2008, quand débuta la transition démocratique au Pakistan deux gouvernements successifs ont tenté de rétablir la confiance avec l’Afghanistan. Chaque fois ils se sont heurtés à l’intransigeance des militaires.

Après 2013 qui marqua le premier transfert de pouvoir démocratique à un gouvernement élu, ces obstructions ont continué et obligé Nawaz Sharif premier ministre depuis juin 2013, à faire des concessions, notamment à propos d’un des sujets les plus sensibles de toute la zone : les relations avec l’Afghanistan.

De cette analyse, il ressort que la stabilisation de l’Afghanistan très imbriqué avec le Pakistan, dépend d’abord d’un vaste effort de reconstruction et de développement socio-économique, mais surtout de la mise sous contrôle par le pouvoir civil de la faction des militaires pakistanais alliée aux insurgés. Sans cette mise au clair, les négociations en cours avec les Talibans n’ont aucune chance de réussir. Elles pourraient même favoriser le retour des extrémistes au pouvoir à Kaboul.

Dans ce contexte également compliqué par les rivalités entre Islamabad et New-Delhi parfois attisées par le conflit latent Pékin et Washington, il n’est pas anodin de rappeler que les États-Unis et la Chine ont développé, chacun à leur manière, des liens étroits avec les militaires pakistanais. Et tous les deux ont identifié la menace terroriste comme un risque majeur. En Chine cette prise de conscience s’est récemment précisée au Xinjiang.

Prenant sans nuance le contrepied des thèses d’une fracture culturelle qui serait fomentée par les politiques de développement inégalitaires et la brutalité de la répression, Pékin a intensifié son discours anti-terroriste accusant les organisations islamistes radicales et dénonçant le durcissement de leur prosélytisme sectaire au Xinjiang.

A l’appui de cette hypothèse, le Global Times a, le 26 mai, publié un article intitulé « derrière le voile » qui spécule sur la « Talibanisation » de la province. Mais il est clair que la brutalité des répressions indiscriminées qui amalgament Islam et terrorisme continuera à faire le lit des extrémistes radicaux.

Lire aussi La thèse de la radicalisation islamiste du Xinjiang.


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