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Le Quotidien du Peuple met en garde contre les risques de crise financière

Le 19 février dernier le Président Xi Jinping en visite dans la salle de rédaction du Quotidien du Peuple.

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Par construction la scène politique chinoise est moins turbulente que la française, assez peu agitée par des sondages, articles polémiques, controverses ou invectives morales se réclamant de grands principes. Mais la discrétion feutrée articulée autour d’une parole publique calibrée par le Parti n’est par pour autant le signe d’une sérénité tranquille.

Les défis contradictoires qu’affronte la transition économique partagée entre l’obligation de lourdes réformes structurelles et le souci de préserver la paix sociale menacée par les fermetures d’usines ne sont, au fond, pas très éloignés de ceux de la classe politique française qui tente de se convaincre qu’elle a réussi à réformer le pays en préservant son modèle social.

En Chine, la contradiction sociale qui bride les réajustements industriels est aggravée par les tensions nées de la lutte contre la corruption tournant parfois à la guerre de clans contre les opposants aux réformes et par la quadrature du cercle d’une série d’obligations contradictoires que le régime s’est imposé.

Celles-ci vont du dégraissage des conglomérats d’industries traditionnelles à la défense de la monnaie, en passant par l’impossible promesse faite au FMI d’ouvrir le compte du capital et de réduire les dettes tout en veillant à la stabilité sociale. Les paradoxes se lisent dans les écarts entre les discours et la réalité. Ayant promis de libérer l’économie et de la rapprocher du marché, le Parti s’est cependant engagé dans une politique relance par l’investissement dont il dit qu’elle est temporaire et ciblée.

Au cœur des problèmes dont les contrecoups se perçoivent en Europe et aux États-Unis où les surplus chinois d’aluminium et d’acier aux prix cassés ont mis en branle les syndicats métallurgiques sur un mode polémique instrumentalisé par les primaires américaines : la refonte des industries lourdes traditionnelles et les dettes des entreprises qui portent en elles un potentiel de crise systémique. La machine politique du régime ayant entendu les mises en garde répétées du FMI, a réagi à sa manière ambiguë destinée à se ménager une marge de manœuvre politique au milieu des vents contraires de la rigueur et des préoccupations sociales.

Un appel à la rigueur et à la fin des relances financières.

Evolution des valeurs chinoises (A) à la bourse de Shanghai entre le 2e trimestre 2014 et mai 2016. Le graphe signale une corrélation directe entre la chute des valeurs et les articles signés par une « autorité anonyme », dont la date est signalée par un cercle. Des articles similaires à celui publié en mai anticipant un resserrement de la rigueur avaient été publiés en mai 2015 et janvier 2016. Chaque fois ils avaient entraîné une baisse des valeurs provoquée par la méfiance des investisseurs refroidis par les perspectives de recul de l’investissement public, principal carburant des affaires.

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Le 9 mai dernier, le Quotidien du Peuple publiait à la une, suivie d’une analyse couvrant toute la 2e page, un article non signé citant une « source autorisée » qui mettait en garde contre les risques de la relance en cours génératrice de dettes pouvant déraper vers une crise bancaire et une dangereuse évaporation des économies des ménages.

C’est la 3e fois en moins d’un an que le Quotidien du Peuple cite une « source autorisée anonyme » pour traiter des défis économiques. La répétition des mises en garde indique peut-être que le Bureau Politique prépare l’opinion à un resserrement de la rigueur conforme aux décisions de la conférence économique centrale de décembre 2015.

Celles-ci comprenaient notamment une série de mesures impopulaires dans la classe moyenne et chez les entrepreneurs, habituels soutiens du Parti. Elles allaient du contrôle strict de la spéculation immobilière que les récentes mesures de relance viennent cependant de doper, à la fin de l’enfant unique et du passeport intérieur vus comme un moyen de stimuler la consommation, en passant par les douloureux élagages bureaucratiques, l’élimination des surplus industriels, la réduction des coûts de production et les aides accordés aux industries innovantes.

Avis de tensions politiques.

L’alerte du Quotidien du Peuple signale aussi une tension entre, d’une part, le consensus du Politburo obtenu à la conférence économique centrale fin avril qui fut le probable prélude à l’article du QDP et, d’autre part, la nébuleuse des rebelles aux rénovations industrielles. La controverse est encore compliquée par la longue liste des condamnations pour corruption.

En dépit de son bien fondé, l’impitoyable chasse aux prévaricateurs directement menée par l’exécutif lui-même ne peut pas échapper aux accusations de partialité politique qui fondent les mises en garde contre une dangereuse résurgence des rivalités internes. Enfin, les inconfortables dissonances entre les bureaucraties locales et centrales sont encore aggravées par une nouvelle mise en garde publique du FMI aux émergents le 13 avril dernier.

Analysant les risques pour l’économie globale de l’accumulation des dettes chinoises (et des autres émergents) plusieurs fois évoquée par QC, le Fonds Monétaire International pointait du doigt l’un des talons d’Achille du système chinois, épine dorsale de la croissance chinoise depuis les années 80 : le lien direct entre les grands conglomérats nationaux mal gérés et les banques publiques.

Alors que 1300 Mds de $ de créances sont détenues par des groupes dont les profits ne couvrent même plus les intérêts de leurs dettes, le risque existe, en cas de faillites en série, d’une secousse dont l’ampleur pourrait atteindre 7% du PNB chinois, soit près de 850 Mds de $, pour la plupart concentrés dans l’immobilier, les industries minières et le secteur industriel.


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