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Les longues stratégies chinoises dans l’Arctique

S’il est une région illustrant la constance des stratégies de Pékin pour rattraper son retard, surmonter ses handicaps et augmenter son influence c’est bien la zone arctique.

Géographiquement très éloignée (Le Groenland est à plus de 4000 km de la frontière nord de la Chine), n’ayant aucune histoire commune avec la région, ni stratégique, ni culturelle, la Chine fait feu de tout bois pour augmenter son impact et son rôle y compris face aux nations riveraines membres permanents du Conseil arctique créé en 1996 pour la protection de l’environnement, (Russie, Suède, Norvège, Islande, Finlande, États-Unis, Danemark, Canada.)

Alors qu’en 2013 elle a, avec l’Inde, le Japon, la Corée du sud et l’UE, obtenu le statut « d’observateur permanent » du Conseil, la Chine perçoit aujourd’hui l’urgence stratégique d’augmenter encore son influence depuis qu’en septembre 2008, pour la première fois les deux passages arctiques, canadien (Nord-Ouest) et russe (Nord-Est), reliant les océans Atlantique et Pacifique sont restés simultanément libres de glaces pendant quelques jours. (Les Echos du 28 mai 2014)

Les objectifs de Pékin sont doubles.

1) Rester dans la course de l’exploitation des ressources minières potentielles estimées (mais les chiffres restent à vérifier) à 160 milliards de barils de pétrole et 80 000 Mds de m3 de gaz, représentant près de 20% des réserves mondiales non explorées de pétrole et 1/3 des réserves de gaz. Il faut encore y ajouter d’excellentes perspectives de terres rares, d’uranium, de fer, de plomb, de zinc et de diamants, essentiellement identifiées au Groenland [1].

2) Remettre en cause avec d’autres le droit de contrôle des routes du pôle que se sont arrogé le Canada (route nord-ouest) et la Russie (route nord-est). A cet effet Pékin s’appuie sur la règle du « droit de passage innocent », établi par la Convention de Montego Bay de 1982.

On notera que, sur la liberté de navigation dans l’Arctique qu’elle revendique au nom du droit de la mer, la Chine est exactement à front renversé des controverses en mer de Chine du sud où l’US Navy se réclame elle aussi du « droit de passage innocent » dans des eaux que Pékin s’attribue autour des îlots élargis, précisément en contradiction avec la Convention de Montego Bay.

L’Arctique s’ouvre à la navigation commerciale.

Anticipant une bascule du flux des transports par le Pôle Nord, facilitée par la fonte des glaces, la manœuvre chinoise vient de loin. Renforçant sa coopération avec les pays de la zone dont l’Islande, elle s’appuie sur un discours affirmant sa légitimité d’être partie prenante par la puissance de sa démographie, tout en valorisant une fois encore la « franchise planétaire » de ses projets « Une ceinture une route » en définissant « une route de la soie arctique ».

La stratégie s’appuie également sur une « diplomatie de la recherche et des sciences » qui dit mettre à la disposition de tous les acteurs l’expérience de ses universités et organismes d’études océaniques et arctiques. Pékin y ajoute la puissance de ses constructions navales produisant à la chaîne des grands navires brise-glaces, outils de ses nombreuses missions d’exploration, tandis qu’augmente la fréquence des passages de ses bâtiments de commerce en route vers l’Europe.

Notons que, même si en sous main les rivalités sino-russes ne sont pas éteintes [2], l’actuelle proximité stratégique entre Pékin et Moscou constitue un avantage de taille pour la Chine, d’autant que la voie nord-est contrôlée par la Russie est plus dégagée et plus directe que la canadienne.

Question Chine le rappelait en 2012. En 2004, la Chine devenait le 8e pays à installer sur l’archipel norvégien des Svalbard, presque à mi-chemin entre Rotterdam et le détroit de Béring, une station de recherche scientifique baptisée « Fleuve Jaune », détachée du Centre de Recherche arctique de Shanghai.

Dans la foulée le « Dragon des Neiges - 雪龙 – Xue Long », le plus gros brise glaces non nucléaire de la planète, commençait un cycle de plusieurs expéditions arctiques dont une en Islande en 2011, tandis que l’institut océanique de Pékin 北京海洋研究院 – Beijing Haiyang Yanjiuyuan - et le Centre National de développement maritime de Qingdao 青岛中国海洋发展研究中心 s’attelaient à l’inventaire des potentiels et opportunités de la zone.

Avec la vision que l’arctique était un bien commun, en 2010, l’amiral Yin Zhuo ancien président de l’Institut de Stratégie Navale - 海洋战略研究所déclarait que « la zone arctique appartenait à tous les peuples du monde », et que « la Chine, qui abritait 20% de la population mondiale devait y jouer un rôle essentiel ».

Note(s) :

[1QC le signalait déjà dans un article en 2012, la compétition est lancée entre Exxon Mobil, Royal Dutch, Chevron, BP, GDF-Suez, Cairn Energy, Shell, BP, Maersk Oil, Vedenta (Inde), Statoil (Norvège) et Nunaoil, la compagnie locale du Groenland. En 2010, sept concessions ont été attribuées à différentes compagnies internationales (Shell, Statoil, GDF-Suez). Lire : Le « Grand Jeu » très encombré de l’Arctique. La difficulté des stratégies chinoises.

Mais l’élan est fortement contesté par les écologistes. Si le Français Total (20%), le Chinois CNPC (20%) et le Russe Novatek (50%) accélèrent leurs investissements dans le gisement russe de Yamal en bordure sud du cercle arctique (Le 8 décembre 2017, le terminal gazier est inauguré par V. Poutine et Patrick Pouyanné PDG de Total en revanche), en 2016 Shell a cédé ses droits en mer de Baffin, à un organisme de protection de l’environnement.

[2En 2010 l’amiral Vladimir Vyotsky commandant en Chef de la marine russe stigmatisait les stratégies obliques des pays non riverains, notamment de la Chine, affirmant que « la Russie n’abandonnerait pas un pouce de ses intérêts dans la zone arctique ». Sa déclaration exprimait des réticences anti-chinoises toujours actives au sein de l’appareil russe, mais aujourd’hui soigneusement mises sous le boisseau par l’obligation de connivence stratégique contre Washington.


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