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›› Politique intérieure

Main basse politique sur l’information et Internet pour protéger le Parti

L’information libre régresse.

Un exemplaire du Nanfang Zhoumo publié le 3 janvier 2013 avec le titre « 追 梦 zhui meng » « à la poursuite du rêve » qui incitait le Parti à respecter la constitution. L’article fut censuré et remplacé par un éditorial faisant l’apologie des réalisations du régime. Simultanément, un éditorial du Global Times écrivait « qu’on le veuille ou non, le sens commun indique que, dans la situation sociale et politique actuelle de la Chine, l’existence de médias libres que souhaitent “ces gens“ est une chose impossible ».

Une voix originale et rétive, qui représentait une tentative chinoise pour le journalisme d’investigation s’a récemment été remise dans le rang. Le Nanfang Zhoumo 南方周末 Sud Magazine ou Southern weekly, appartenant au Southern Media group s’était, ces dernières années, taillé une réputation d’indépendance et d’audace dans les critique des abus, de l’arbitraire et des manquements au droit, non seulement de la part des pouvoirs publics, mais également dans les affaires.

Le Nanfang Zhoumo 南方周末 relégué en marge.

Le 29 janvier, paraissait dans Foreign Policy, un article rédigé conjointement par Fang Kecheng ancien journaliste de Sud magazine aujourd’hui « doctorant » à l’Institut Annenberg des communications de l’université de Pennsylvanie et Maria Repnikova, Docteur en Sciences Politiques de l’Université d’Oxford, parlant couramment le Chinois, ancienne contributrice de Sud Magazine, spécialisée dans l’étude comparée des médias chinois russes et soviétiques.

En l’absence totale d’informations dans les médias chinois eux-mêmes, l’article explique comment le journal autrefois très populaire y compris dans les rangs de l’administration, a progressivement été poussé en marge, à la fois par la pesante persistance de la censure, la lassitude des journalistes réinvestis dans des activités moins sensibles et la désaffection des lecteurs déçus par la disparition progressive de la fibre contestataire.

Le journal avait fait la une des médias internationaux en janvier 2013 quand ses journalistes étaient entrés en conflit avec la commission de la propagande de la province de Canton. Sans concertation avec la rédaction, ni préavis, son chef Tuo Zhen avait remplacé un éditorial qui appelait le pouvoir au respect de la constitution, par un éloge à la gloire des réalisations du Parti.

L’affaire avait pris une envergure nationale quand Dai Zigeng, l’éditeur du très populaire « Nouvelles de Pékin » avait joint sa voix aux protestations. Lui-même s’élevait contre une intrusion de la propagande du régime dans la liberté éditoriale de son journal, sommé de relayer un article du Global Times en faveur de la censure, stipulant que le contrôle des médias était un principe inébranlable du Parti.

Une médiation organisée par Hu Chunhua le n°1 de la province avait apaisé les discordes par la promesse de relever de ses fonctions le chef de la commission de la propagande. L’accommodement ne fut pas appliqué puisque deux ans après l’affaire, Tuo Zhen est toujours en fonction et que les ingérences de la censure n’ont pas pris fin. Peu après la reparution du journal en janvier 2013, deux reportages traitant l’un des captations de terres et l’autre des réformes politiques ont été retirés des exemplaires de Shanghai, remplacés par un article inséré sans l’autorisation de l’éditeur qui répétait la nécessité politique de la censure.

La censure éloigne les lecteurs…

Les deux années qui suivirent accentuèrent la tendance. Après les négociations, les journalistes avaient espéré que leur coopération avec le Parti leur donnerait en échange plus d’espace pour des reportages documentés sur les questions sociales et politiques. Il n’en a rien été.

Resté en fonction, Tuo Zhen le chef de la propagande a, selon les témoignages d’une dizaine de journalistes du Nanfang, durci la censure. Remis dans le rang, le journal a progressivement perdu son attrait qui se nourrissait d’articles moins convenus dénonçant, souvent vertement, les abus et l’arbitraire.

La chute de l’audience a entraîné une baisse des revenus publicitaires et la désaffection progressive des journalistes dont beaucoup ont quitté le journal ces deux dernières années. Deux postes clés qui donnaient le ton éditorial de l’ancienne formule ont été pourvus par des journalistes conservateurs venant du Nanfang Ribao aligné sur le Quotidien du Peuple et le Global Times.

…et décourage les meilleurs journalistes.

Partis ailleurs, les anciens journalistes évitent les sujets sensibles et proposent leurs talents dans des secteurs moins controversés comme l’aide aux startups du net, parfois attirés par les généreux subsides dispensés au secteur par l’État dont le total annoncé à la mi-janvier atteint 6,4 Mds de $. Deng Ke, un ancien du conseil éditorial a lui-même fondé un site de recherche qui analyse les tendances politiques et économiques du pays.

Zhao Ling, Deng Jin, Zhang Hua et Feng Duan, ses anciens collègues, ont investi le créneau très lucratif des nouvelles méthodes interactives d’éducation, avec des incursions dans les domaines des arts et de la poésie pour enfants. Dans un pays en quête de repères modernes et dans le vent en matière de pédagogie, le succès est immédiat.

Les mésaventures du Nanfang Zhoumo s’inscrivent dans une tendance de plus en plus restrictive de supervision centralisée des médias qui s’ajoute aux pressions économiques du marché et aux séductions des fonds publics dont l’attrait est parfois irrésistible pour les jeunes journalistes ambitieux. Plutôt que de végéter dans des publications claquemurées par la censure et en même temps peu désireux de risquer les représailles du système, ils désertent vers d’autres projets à la mode subventionnés par des fonds publics.


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