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Mise en scène stratégique sino-russe dans le cadre gandiose des JO

Aux JO d’hiver, après les raidissements politiques du « Buffle », trois jours après le début de l’année « du Tigre » cruciale pour Xi Jinping en quête du consensus inédit pour un troisième mandat où il transgressera la jurisprudence de la limite d’âge de 68 ans [1], le Parti, a, avec un talent scénographique confirmé, mis en scène un spectaculaire rapprochement avec Vladimir Poutine. La prestation ostensiblement théâtrale cachant cependant une collection de non-dits, eut lieu au milieu d’une double tension.

D’abord celle attisée par l’appel de Washington à boycotter la cérémonie d’ouverture suivi par les officiels de quelques pays, la plupart occidentaux qui protestaient contre la férocité du traitement que le dogme de l’assimilation ethno-culturelle forcée inflige sans nuance aux Ouïghour au Xinjiang.

Parmi eux, la Suisse et quelques proches alliés de Washington, dont l’Australie, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, l’Allemagne, le Danemark, et des Pays Bas [2]. A la dernière minute, ils furent rejoints par l’Inde, quand il est apparu que, le 3 février, le Parti avait confié un des relais de la torche olympique à un officier de l’APL ayant participé aux récents accrochages sanglants de la frontière du Ladakh.

D’une extrême férocité, la bataille qui eut lieu au cours de la nuit du 15 au 16 juin 2020, couta la vie à 20 militaires indiens, la plupart tués à l’arme blanche, alors que le bilan des victimes chinoises, dont les chiffres sont bloqués par la bureau de la propagande, reste inconnu (lire : Chine - Inde, l’improbable réconciliation).

L’autre tension, ayant entouré l’ouverture des jeux a été créée par la « nervosité épidémique de l’appareil ». Elle remonte aux ratés du déclenchement de la pandémie de Covid-19 à Wuhan, fin 2019 – début 2020, dont Xi Jinping n’a pas oublié qu’ils avaient déclenché une vaste défiance envers la Chine.

Au moment où resurgissait la hantise d’un nouveau variant, pourtant moins dangereux que les précédents, soucieux de redorer son image globale, Pékin qui depuis 2020 adopte la stratégie stricte de « zéro Covid » ponctuée de confinements partiels, a placé les jeux – sites sportifs et villages olympiques - sous une bulle sanitaire étanche dont le but est d’empêcher que les athlètes étrangers et leurs équipes contaminent la vingtaine de millions d’habitants de Pékin.

Avant d’être transportés sur les trois zones olympiques (Pékin, Yanqing, 80 km au nord, et Zhangjiakou 150 km au nord-ouest sur la route de la Mongolie intérieure), où les températures descendent à moins 15°, mais où presque partout la neige est artificielle, les athlètes sont testés par des équipes en scaphandres étanches. A la date du 8 février et depuis le début de l’arrivée des athlètes dans la capitale, 30 d’entre eux ont été placés en isolement pour une moyenne de sept jours.

Les cités olympiques sont des bulles d’où la communication vers l’extérieur est presqu’impossible et où, souvent, dans les restaurants officiels, les repas sont servis par des robots, avec cependant, un accès libre à internet, contrastant avec le reste de la Chine protégée par un mur de censure.

L’organisation exemplaire à l’esthétique spectaculaire, fierté de Xi Jinping.

Superbement organisés en dépit des alertes épidémiques et des tensions stratégiques auxquelles Pékin a riposté en désignant une jeune athlète Ouïghour [3] pour allumer la flamme, la cérémonie d’ouverture, suivie par 45 000 spectateurs tous invités, était plus modeste qu’en 2008. Mise en scène, cette fois encore, par Zhang Yimou, le cinéaste fétiche du régime assigné aux grands spectacles, elle n’avait pas la magnificence emphatique du nombre qui avait étonné le monde il y a quatorze ans.

Ayant réduit la voilure des présentations de masse qui, en 2008, diffusaient l’image d’une puissance irrésistible, le spectacle qui présenta des tableaux de la culture chinoise, mêlée à celle de l’ouest, le plus souvent avec de jeunes enfants ou des jeunes filles, fut surtout spectaculaire par ses extraordinaires effets de lumière et de pyrotechnie.

Depuis les danseurs agitant des bâtons lumineux verts figurant d’immenses brins d’herbe fraîchement poussée, rappels des engagements écologiques du Parti et les six joueurs de hockey sur glace aux tenues éclatantes et multicolores frappant leurs palets vers les anneaux olympiques géants dans le ciel, jusqu’à l’immense flocon de neige formé par les 91 panneaux des nations participantes, portant dans un élan de solidarité, la torche olympique allumée, tous les tableaux qui se terminèrent par l’envol de la nuée de pigeons lancés par des milliers de jeunes enfants, suggéraient une volonté d’apaisement des relations de la Chine avec le monde.

Elle contrastait avec le grandiose affichage d’assurance et de force de la cérémonie de 2008. Seule exception, les nombreux athlètes chinois vêtus de rouge entrés les derniers sur le stade olympique contribuèrent, en dépit de leur défilé désordonné et bon enfant, à faire resurgir l’impression de puissance des jeux de 2008. Enfin, les très longs applaudissements adressés à l’arrivée de Xi Jinping rappelèrent à quel point l’événement est son projet personnel.

Malgré la terrible fausse note des critiques sur le Xinjiang, ayant conduit le journal « The Guardian » à qualifier ces 24e Olympiades d’hiver de « jeux du génocide », accusation dont la violence laisse cependant en apparence du moins, l’appareil de marbre, l’impressionnante organisation et le succès d’image attisé par le pouvoir d’attraction commerciale de la Chine et des jeux où se pressent les grands sponsors de la planète, paraissent cette fois encore irrésistibles.

Alors même que le style et l’action de Xi Jinping, mêlant la remise en ordre [4] et la mise au pas politique des contestataires, bousculent nombre d’intérêts particuliers enkystés dans le système économique, le succès de l’organisation et le miroitement des images consolident le pouvoir sans partage de l’actuel Président sur la Chine et son avenir direct à un niveau d’évidence politique dont aucun n°1 chinois n’avait plus bénéficié depuis Deng Xiaoping.

Avec cependant, ce très flagrant contraste entre la modestie du « petit timonier » et le retour tapageur du culte de la personnalité auquel Xi jinping semble prendre un plaisir chaque fois renouvelé.

Note(s) :

[1L’age limite des cadres de l’appareil qui, contrairement à la fonction de chef de l’Etat, n’impose pas de limitation du nombre de mandats, est une règle de jurispridence sans fondement légal. Appliquée à la fois pour rajeunir l’exécutif du Parti et, si nécéssaire, pour tenir à distance les opposants, elle stipule que tous les membres du Comité central et du bureau politique devraient quitter leur fonction dès qu’ils dépassent 67 ans. La règle se résume par la formule imagée « 七上八下 – qi shang ba xia - à 7 (67 ans) on reste, à 8 (68 ans) on quitte ».

Il est facile d’imaginer qu’en dehors de toute rêgle légale cette pratique n’a pas toujours été suivie ; et même qu’elle fut parfois mise œuvre de manière arbitraire pour expulser des gêneurs ou, au contraire, conforter des appuis ayant dépassé l’âge limite. En même temps, l’abus autocratique qui se rapproche du « bon plaisir », provoque des tensions au sein de l’appareil quand les plus jeunes sont privés de promotion alors que se multiplient les passe-droits au-delà de 68 ans.

[2Paris, qui selon les termes de l’ambassadeur de Chine à Paris Lu Shaye lui-même cherche « à ménager la chèvre et le chou », a choisi la position intermédiaire de se faire représenter par la ministre des sports, Roxana Maracineanu qui n’a cependant pas assisté à la cérémonie d’ouverture.

[3Il s’agit de la skieuse de fond Dinigeer Yilamujiang, 20 ans, née dans l’Altaï, 600 km au nord d’Urumqi, d’une mère institutrice et d’Ilhamjan Miraji, son père entraîneur des skieurs de fond chinois.

[4Xi jinping s’est radicalement engagé dans une vaste remise en ordre du pays laissant peu de place à la nuance et au dialogue critique. Tout en mettant brutalement au pas les contestations politiques, il cible avec férocité les particularismes ethniques, spirituels et politiques au Tibet, au Xinjiang, à Hong-Kong et à Taïwan.

Porté par une vision à l’allure messianique, il avance sans vaciller, l’œil fixé sur son rêve de puissance globale dont il a fixé à 2049 l’avènement normalisé à l’idéal marxiste de société sans classe dont le dernier slogan de « prospérité commune – 共同富裕 - » suggère un avant-goût.

Ecoutant peu les critiques et les mises en garde de l’appareil et des intellectuels réduits au silence, il s’est attaqué à la corruption, aux orgies financières des groupes numériques, à la manipulation commerciale sans contrôle des données privées, à l’hypertrophie de l’immobilier et à la réduction de l’empreinte carbone du pays.


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