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Pékin, Washington, Pyongyang. Du tambour de guerre aux conflits commerciaux

Après les diatribes menaçantes échangées entre Donald Trump et Kim Jong-un, sous l’œil inquiet de Pékin qui craint un dérapage, voilà que la véhémence du discours s’est insinuée dans la relation sino-américaine sur les thèmes de la disparité des relations commerciales, de l’absence de réciprocité et du viol de la propriété intellectuelle.

Suite à la signature, le 14 août, par la Maison Blanche d’une directive enjoignant au représentant au commerce extérieur Lighthizer d’enquêter sur les discriminations infligées aux intérêts américains en Chine, Pékin a réagi avec d’autant plus de véhémence que les discours accompagnant la feuille de route reprenaient les thèmes antichinois de la campagne électorale de D. Trump.

Complètement à contre courant de l’apaisement mis en scène à Mar-a-Lago en avril dernier, les déclarations du Président, largement reprises par la presse, affirmaient que « l’Amérique se dresserait contre tous les pays qui, contre le droit commercial, obligeaient les compagnies américaines à transférer leurs technologies en échange de l’accès à leur marché » ; ajoutant que « Washington ne fermerait plus les yeux face aux piratages et aux contrefaçons qui détruisent les emplois aux États-Unis et menacent la prospérité et la sécurité du pays ».

Dans un article paru dans le Financial Times, Wilbur Ross, le secrétaire d’État au commerce enfonçait le clou en accusant Pékin d’être un des principaux auteurs des piratages, des vols de secrets industriels et de l’espionnage dont sont victimes les industriels américains.

Abandonnant lui aussi le style diplomatique, il pointait du doigt la Chine qui, dit-il, harcelait directement les groupes américains détenteurs de technologies dont l’industrie chinoise avait besoin pour mener à bien son programme « Made in China 2025 -中国制造2025 » (Cf l’annexe). Il a ajouté que « Donald Trump était le premier président à prendre des mesures significatives pour traiter ce problème de la plus haute importance ».

Au passage rappelons qu’en matière d’espionnage la Chine n’a rien à envier aux États-Unis et que, dans ce domaine au moins l’équilibre de la relation est respecté. Lire à ce sujet [Chine – Etats-Unis. Espionnage et guerre secrète. Mythes et réalités.

La véhémence des critiques renvoyait directement à la bataille pour les hautes technologies et au sort réservé aux groupes privés américains dans leur approche du marché chinois que QC a traité dans plusieurs notes. Lire à ce sujet la dernière en date : L’impitoyable guerre des microprocesseurs. (Suite).

Vive réaction chinoise.

Le 15 août, le ministère du commerce chinois a vivement réagi en « exprimant sa sérieuse préoccupation 严重关切 ». « Il espère », dit le communiqué, que l’enquête diligentée par Lightizer (dont il faut préciser que l’homme est connu pour son action en faveur de la sidérurgie au cœur des controverses commerciales entre la Chine, l’Europe et les États-Unis) considérera les faits de manière objective et agira avec prudence « 尊重客观事实, 慎重行事 »

Puis vient une menace. En substance, « si la partie américaine ignoraient la réalité des faits et les principes du commerce multilatéral, allant jusqu’à altérer les relations économiques et commerciales, la Chine ne restera certainement pas inerte 中方绝不会坐视 (…) Elle sera contrainte de prendre toutes les mesures appropriées 必将采取所有适当措施 pour protéger ses intérêts légitimes 捍卫中方合法权益 ».

Une fois posés les termes, on l’a vu, très acerbes et les enjeux de la bataille connus depuis longtemps, il faut tenter de relier ces échauffements à la situation générale et d’en prévoir les développements, en gardant en tête que les interactions économiques et commerciales entre les deux sont telles que ni Pékin ni Washington ne sortirait indemne d’une guerre commerciale ouverte.

L’imbrication de la stratégie et du commerce…

Bien que la Maison Blanche s’en défende, le style de l’action internationale de Donald Trump articulé à des manœuvres diplomatiques rappelant les marchandages commerciaux, plaçant la barre très haut pour en rabattre après avoir obtenu des concessions de la partie adverse, laisse supposer que la soudaine agressivité commerciale de la Maison Blanche est liée à la question nord-coréenne.

Ainsi, après avoir porté au rouge la situation militaire autour de la péninsule en menaçant Pyongyang « du feu et de la fureur » dans un discours dont chacun a compris qu’il était aussi adressé à Pékin pour contraindre la Chine à faire pression sur Kim Jong-un, la Maison Blanche prolonge la charge en rallumant les vieilles controverses commerciales que la rencontre au sommet de Floride avait semblé mettre sous le boisseau.

La stratégie du tambour de guerre semble porter ses fruits puisqu’après l’arrêt des importations de charbon au printemps dernier, Pékin a, le 14 août, annoncé l’interruption de ses achats de minerai de fer et de plomb à la Corée du Nord.

En revanche, Il n’est pas certain que les dénonciations publiques de la Chine accusée de mettre en œuvre sans trop de scrupules un nationalisme économique nuisible à l’Amérique, soit une stratégie avisée pour encourager Pékin à s’impliquer encore plus contre Pyongyang. Le risque existe en effet que, poussées à leurs limites, les tactiques commerciales appliquées à la stratégie finissent par affaiblir la position des États-Unis sur les deux tableaux. Celui des relations économiques avec la Chine, celui de la question nucléaire et balistique coréenne.

…Rejetée par Pékin.

Le 14 août, lors d’une conférence de routine, la porte-parole du Waijiaobu mettait en garde contre le mélange des genres : « il est évidemment abusif d’utiliser un sujet pour faire pression à propos d’un autre (…) La relation entre la Chine et les États-Unis est à ce point imbriquée qu’une guerre commerciale n’aurait aucun avenir. Tout le monde y perdrait 打贸易战没有前途, 没有赢家, 只会双输 ».

Le même jour, un éditorial en Anglais du China Daily, destiné à l’audience internationale, titrait que, sur la question nord-coréenne Trump exigeait beaucoup trop de la Chine. « Si son passé d’homme d’affaires explique ses tendances au marchandage commercial, la transaction qu’il espère conclure avec Pékin est impossible ». « Il n’est pas juste de reporter tout le poids de la question nord-coréenne sur la Chine et de considérer qu’elle en fait trop peu ».

Plus loin, l’article citait Christopher Hill, le meilleur connaisseur américain de la question coréenne, ancien ambassadeur en Corée du Sud et représentant de Washington au « dialogue à six », « Trump ne devrait pas détourner vers la Chine les problèmes de l’Amérique ».

Le dernier point de l’analyse interroge la faisabilité réelle d’une guerre commerciale contre la Chine.

Les limites d’une guerre commerciale.

Dans les tiroirs depuis la fin juillet, l’intention initiale de D. Trump était d’activer l’article 301 du « Pacte sur le commerce » qui donne liberté à la Maison Blanche de négocier des accords commerciaux que le Congrès peut rejeter mais ne peut pas amender. Par l’article 301 du pacte, le président peut interdire aux États-Unis des pratiques commerciales étrangères jugées déloyales sous réserve de les avoir dûment prouvées. A cet effet le département du Commerce met à jour chaque année une liste d’États dont les lois sur la propriété intellectuelle ne sont pas jugées efficaces.

Après enquête sur les pratiques commerciales chinoises le département du commerce pourrait imposer des taxes et annuler les autorisations de certaines compagnies opérant aux États-Unis. La carte est lourde et les enjeux sont importants quoique pas tout à fait aussi décisifs que le disent certains commentaires.


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