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Pressions américaines et résilience chinoise

L’administration américaine n’en finit pas de pousser Pékin dans ses retranchements sur le mode ambigu du contrepied systématique à propos de la Corée du Nord et des relations bilatérales sino-américaines. Les pressions américaines tempérées par la conscience stratégique que le compromis est obligatoire, viennent de s’exprimer lors des visites successives de Wilbur Ross et Rex Tillerson à Pékin.

Ayant envoyé des signaux apaisants sur la pérennité des bonnes relations entre Washington et Pékin en prévision de la visite officielle de Trump en novembre, Washington n’en a cependant pas moins durement critiqué les manquements chinois au droit commercial.

Tout en répétant sa préférence pour une solution négociée en Corée du Nord, renouvelant sa promesse des quatre « Non » [1] pour satisfaire aux anciennes exigences de chinoises, Washington n’en continue pas moins à prôner le durcissement des sanctions incitant la Chine à réduire ses exportations de pétrole, tout en laissant planer le spectre d’un changement de régime visant directement le petit-fils de Kim Il-song.

La dernière menace très précise sur ce sujet fut un « tweet » de Donald Trump envoyé après son discours iconoclaste à New-York, dans lequel il prédisait que la présence au pouvoir de Kim Jong-un et de son ministre des Affaires étrangères Ri Yong Ho qui relaya sa pensée à l’assemblée générale des Nations Unies, pourrait tirer à sa fin : « Just heard Foreign Minister of North Korea speak at U.N. If he echoes thoughts of Little Rocket Man, they won’t be around much longer ».

Le plus récent avatar de la stratégie de la volte-face eut lieu immédiatement après la visite de Rex Tillerson à Pékin. Alors que ce dernier s’était évertué à expliquer aux journalistes et aux officiels chinois que Washington avait, envers et contre tout, maintenu des canaux de contact avec Pyongyang, Trump jeta le 1er octobre un nouveau message incendiaire dans le brasier d’une situation déjà explosive.

Complètement à contre courant du discours chinois, il révéla publiquement qu’il considérait le dialogue avec Pyongyang comme une perte de temps. « I told Rex Tillerson, our wonderful Secretary of State, that he is wasting his time trying to negotiate with Little Rocket Man », puis, une minute plus tard : « Save your energy Rex, we’ll do what has to be done ».

En interne, aux États-Unis l’incident donna lieu à des nombreux commentaires préoccupés sur le systématique parasitage par le Président des efforts de dialogue, à quoi s’ajoutèrent des rumeurs de la démission de Rex Tillerson au milieu de bruits sur un conflit direct avec le chef de l’État. Même si tous les ouï-dire furent démentis lors d’une conférence de presse, y compris ceux qui accusaient le secrétaire d’État d’avoir traité Trump de « crétin », le moins qu’on puisse dire est que ce fonctionnement public de l’administration américaine en prise directe et permanente avec l’opinion laisse perplexe le régime de Pékin.

Il tranche en effet avec l’habitude chinoise de calibrer son discours au millimètre, toujours sur le mode le plus positif et le plus édifiant, évitant soigneusement de laisser transparaître le plus infime désaccord au sein de la direction.

L’offensive de Wilbur Ross.

Il y a une semaine, Wilbur Ross, le secrétaire d’État au commerce américain était à Hong Kong où il n’a pas ménagé ses critiques des pratiques commerciales chinoises après avoir rencontré à Pékin Li Keqiang et plusieurs fonctionnaires des secteurs financiers et économiques. Reprenant parfois le ton du candidat D. Trump durant sa campagne, il a appelé à un changement radical des conditions de la relation commerciale sino-américaine qu’il considérait par trop « “lopsided“ - asymétrique », pêchant par un important déficit de réciprocité, source selon Ross du déficit commercial américain [2].

Un symptôme des crispations latentes apparut quand, à la mi-septembre, sur fond de critiques américaines contre le laxisme chinois à l’égard de Pyongyang et, continuant, une politique de protection de ses technologies sensibles, la Maison Blanche a bloqué le rachat de la société californienne Lattice Semiconductor par un fond d’investissement lié au gouvernement chinois. Sur le fond de tableau de la guerre des micro-processeurs lire notre article : L’impitoyable guerre des microprocesseurs. (Suite)

En substance, les reproches adressées par Wilbur Ross à la Chine touchent à une série de sujets déjà anciens qui, depuis des lustres, constituent l’arrière plan de la relation de la Chine avec les pays développés : le non respect du droit commercial, le viol de la propriété intellectuelle et l’absence de réciprocité dans l’accès au marché.

Wilbur Ross les a rappelés avec force, fustigeant notamment l’obligation faite aux investisseurs étrangers de s’associer à un groupe chinois, créant une plateforme de transferts de technologies, condition impérative de l’accès au marché chinois.

« Nous comprenons le désir des Chinois d’autosuffisance. Si leur manière d’y parvenir passe par une compétition libre, ouverte et loyale, nous n’y voyons aucun inconvénient. Mais la Maison Blanche s’opposera à ce que l’accès au marché chinois soit tributaire d’un transfert obligatoire de technologies ».

Selon des proches de l’ambassade américaine à Pékin, la mise en garde inquiète les Chinois qui, en privé, redoutent les conséquences de la commission d’enquête promise en novembre par Donald Trump sur les pratiques commerciales chinoises et le viol de la propriété intellectuelle.

Note(s) :

[1Non au « regime change » ; Non aux pressions visant à l’effondrement du régime ; Non à l’accélération de la réunification ; Non au déploiement militaire américain au nord du 38e parallèle.

[2En 2016, le déficit commercial américain avec la Chine était de 347 Mds de $. L’ampleur de ce déficit doit cependant être tempérée par le fait qu’une partie des importations américaines (électronique, vêtements de marques, machineries) sont en réalité issues de productions américaines délocalisées en Chine.

Par ailleurs, s’il est vrai que la relation est déséquilibrée, la raison fondamentale en sont les contrastes de développement et l’écart du PNB par habitant (8132 $/hab – 15 400 $ en valeur corrigée - contre 57 746 $ en 2016 - chiffres Banque Mondiale -). De plus, l’interdépendance des deux économies est telle que les mesures correctives radicales portent le risque d’une remise en cause d’équilibres fragiles.

Les bonds du trésor américain détenus par la Chine représentaient 1166 Mds de $ en juillet 2017 (en baisse de 12% depuis juillet 2016). Ils comptent toujours pour 29% de la dette extérieure américaine et constituent une aide directe à la consommation des ménages américains, moteur des exportations et de la croissance chinoises.

Si la Chine réduisait massivement ses achats de bonds de trésor, elle provoquerait une crise aux États-Unis et en Chine même. Enfin il est faux de dire que Pékin manipule sa monnaie à la baisse pour augmenter ses avantages commerciaux. La réalité est qu’au contraire la Banque de Chine tire la valeur du Yuan vers le haut. Entre 2000 et 2013 la valeur du Yuan au Dollar a augmenté en moyenne de 2 à 3% par an.


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