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Schizophrénie maoïste

La vie de Mao qui se lit comme un précis de cynisme politique racontant l’histoire d’un « suprême despote totalitaire » [1], est une longue suite de transgressions de toutes les valeurs personnelles, familiales, révolutionnaires, communistes, éthiques et mêmes patriotiques. Une seule obsession : le pouvoir. En Chine d’abord ; sur la scène mondiale ensuite.

Tous les moyens sont bons : trahisons en séries, mensonges, manipulations, maquillages, terreur, meurtres, massacres à grand échelle dans les bases du Jiangxi et pendant de la longue marche, puis à Yanan et tout au long de son règne peuplé de cauchemars. Nous en connaissions une partie, mais les révélations innombrables qui couvrent les 700 pages de ce récit hallucinant semblent paver le chemin de l’enfer.

Elles jalonnent la vie d’un démiurge halluciné et solitaire, qui rêvait de dominer le monde, protégé par une armée de gardes du corps, habité par la manie des passages secrets et des portes dérobées, obsédé par le pouvoir, reniant ses amis et sa famille, souvent ses plus intimes professions de foi, pour conquérir et conserver sa place au sommet.

Haï et craint, même par les siens, il n’a réussi à s’imposer que par la terreur la plus noire, dont il n’a cessé de harceler ses partisans et ses proches. On ne peut s’empêcher de ressentir un très lourd malaise à la pensée que la Chine et le PCC continuent à se réclamer de cette mémoire, oblitérant les responsabilités, officiellement rejetées sur d’autres, perpétuant un mythe dont le gigantesque portrait contemple toujours placidement la place Tian An Men.

En 1978, certains historiens avaient cru pouvoir parler de « démaoïsation » quand Deng Xiao Ping faisait accomplir à la Chine un tête à queue idéologique et économique, abandonnant définitivement les stériles solutions collectivistes et les marches forcées et illusoires vers la puissance mondiale.

En 2006 pourtant, le mythe est encore bien vivant dans l’esprit de beaucoup de Chinois, non seulement dans les campagnes, mais également dans des zones de développement modernes. Dans ces temples du marché capitaliste et de la high-tech, suréquipés de matériel vidéos dernier cri, construits en verre et en matériaux innovants, c’est souvent le portrait de Mao retouché et jovial qui préside aux réunions d’affaires, parfois accompagné de ceux de Marx et Engels.

Télescopage historique insolite et profession de foi des cadres locaux qui font allégeance à l’idéologie officielle du pays et aux rémanences communistes que le régime a pourtant abandonné depuis longtemps.

Au passage, les discours stéréotypés flattent les populations locales, toujours bercées par l’histoire manipulée d’un Mao bénévolent et servant le peuple. La résurgence du mythe dans les campagnes n’est pas neutre. Elle se nourrit en effet des innombrables frustrations, effets pervers du capitalisme sauvage accablant les paysans, dont certains se prennent à regretter les « temps heureux » de l’égalitarisme forcené, où le Parti donnait l’illusion de redistribuer à chacun selon ses besoins.

Du mythe à la déification il n’y a qu’un pas qui a été franchi à Shaoshan, village natal du Grand Timonier dans le Hunan où la statue de Mao est vénérée par les touristes comme celle du Bouddha : foules agenouillées, prosternées front contre terre, prières et bâtonnets d’encens, dont la fumée monte doucement vers la silhouette de « Mao le père ».

Note(s) :

[1L’expression est de Simon Leys.


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