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Voyage dans le Yunnan

... et dans la Chine profonde.

L’immensité de l’espace ; le poids du nombre

C’est devenu un lieu commun que la Chine s’est ouverte au monde et qu’elle tente de s’y intégrer d’une manière qui parfois soulève des inquiétudes. Ce type de décryptage en deux points : « la Chine s’ouvre, Oui mais... » est simple. Trop simple peut-être, car il ne rend pas compte de la complexité de ce pays encore très tourné vers lui-même, à la pensée très fortement auto-centrée, marquée par l’immensité et la multitude.

Qui n’a pas voyagé dans les provinces reculées de la Chine aux paysages grandioses et encore sauvages, au milieu des hordes de touristes chinois innombrables ne peut avoir conscience de la puissance de l’espace et du poids du nombre.

Ces deux réalités façonnent une grande part de la pensée chinoise, depuis celle des dirigeants au plus haut niveau jusqu’à celle des 700 millions de paysans, en passant par celle de la classe moyenne montante des grandes métroples de la côte est, où la Chine étale avec fierté, parfois arrogance, les effets d’une modernisation à marche forcée, qui se développe de manière presque ininterrompue depuis près de 30 ans.

Puissance de l’espace et poids du nombre constituent en effet l’arrière plan invariable de cette culture. L’immensité du pays est aride et balayée par les vents de sable au nord, humide et noyée dans ses grands fleuves au sud.

Vers le Grand Ouest, elle est tourmentée par les gigantesques massifs des contreforts souvent hostiles et glacés de l’Himalaya. Sur la côte Est enfin, elle est resserrée dans les plaines côtières surpeuplées. Partout elle confère à ce peuple la sérénité et la patience d’une incomparable profondeur stratégique. Celle-ci découragea tous les envahisseurs, arrêtés par l’ampleur infinie de la tâche, à moins qu’elle ne les noyât, comme les Mongols, dans les profondeurs complexes et insondables d’une société elle-même immergée dans l’immense espace.

L’ampleur majestueuse du territoire donne aux Chinois le sentiment d’être tout à la fois partie intégrante du Cosmos, dans lequel ils ne font que se couler, et un Univers à part qui n’appartient qu’à eux et où les étrangers ne seront jamais que tolérés. L’immense Terre Chinoise - la « Grande Terre » comme disent les Taiwanais confinés dans leur île -, qu’on découvre au fil des voyages, agit ici comme un catalyseur des très puissants sentiments d’appartenance à la famille, au clan, à la race et, depuis quelques dizaines d’années, à la Nation chinoise.

Cette fierté nationale, parfois surgie au milieu d’une très nette tendance à l’auto-dénigrement qui pousse encore beaucoup de Chinois à émigrer, n’est pas sans rapport avec la croyance immémoriale des Han d’être les fondateurs d’un Empire central et d’une civilisation exemplaire.

Glorifié par les dirigeants communistes qui puisent leur légitimité dans les fiertés nouvelles de la modernisation rapide une légitimité par ailleurs mise à rude épreuve par les nombreux effets pervers de ce « grand bond en avant » économique sans précédent dans l’histoire des hommes, ce patriotisme très nationaliste constitue un nouvel arrière plan psychologique de la classe moyenne montante.

Le poids du nombre donne aux Chinois ce sentiment de puissance en même temps que la sourde inquiétude qui renvoie à l’ancestrale peur de manquer. Celle-ci n’a pas disparu avec la modernisation. On la sent toujours discrètement présente dans les bousculades des marchés ou dans l’encombrement des gares et des trains, le long des pistes qui traversent des villages reculés au creux des montagnes ou dans la plaine du Nord asséchée par le vent du Gobi.

La peur de manquer est surtout partagée par les plus hautes autorités du pays qui, comme toutes les dynasties, calculent avec angoisse la difficile équation population-dévelopement-ressources, dont la résolution, jamais complètement assurée, est pourtant la condition de la stabilité politique interne et de l’unité du pays.


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