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›› Editorial

A l’orée de l’année du cochon, bilan discordant de l’année du chien

Laissant la place à l’année du « cochon de terre », l’année du chien a pris fin le 4 février. Elle avait commencé en fanfare par la suppression en mars 2018, lors de la réunion annuelle de l’ANP, de la limitation constitutionnelle du nombre de mandats présidentiels. La décision faisait suite à l’affirmation culturelle et politique démarquée de l’Occident des « caractéristiques chinoises », exprimée lors du 19e Congrès en octobre 2017.

A cette occasion, Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères avait lancé avec emphase que « les “nouvelles routes de la soie“ étaient la force la plus active pour l’instauration d’une gouvernance globale propre à résoudre les défis de la planète ». Dans la foulée, il ajoutait que la Chine avait « augmenté son droit de poser les règles du fonctionnement des Affaires du monde », (…) et était désormais « capable de proposer un modèle de modernisation efficace aux pays en développement ».

En d’autres termes, la déclaration, coup de cymbale géopolitique, signifiait que l’année du Chien serait celle de la fin des illusions occidentales. Depuis les années 70, l’Ouest démocratique spéculait, en dépit des signes contraires, qu’à la faveur de son ouverture économique, la Chine s’intégrerait progressivement dans le mouvement du Monde tel qu’il avait été organisé après le 2e guerre mondiale autour de l’ONU.

Appuyée par ses agences politiques, économiques et juridiques, l’Organisation des Nations Unies avait en effet élaboré un droit international issu de « l’extension à partir du XIXe siècle des conceptions ré-élaborées du droit romain et canonique applicable aux relations politiques et étendu aux sociétés extra-européennes ». (Robert Kolb, Mondialisation et droit international, dans « Relations Internationales », 2005/3.)

Il n’est pas anodin de rappeler que, quand la Chine de la fin des Qing avait, pour la première fois accepté d’intégrer un système juridique issu de l’Europe, elle l’avait fait contrainte et forcée par le truchement du traité de Nanjing (1843), après la 1re guerre de l’opium, restée comme une humiliation dans la mémoire historique chinoise.

174 ans plus tard, sortant officiellement de ce carcan culturel et juridique qui n’était pas le sien, l’Empire du Milieu affirmait son intention, non seulement de cheminer dans le monde selon ses propres règles et traditions, mais aussi de les proposer au reste du monde, en commençant par les pays en développement en Asie du sud-est, en Afrique et en Amérique Latine, devenus des enjeux d’une rivalité culturelle et stratégique globale.

Le mythe de la solidarité internationale.

Trois mois après la réunion de l’ANP et cette rupture totale, la solidarité internationale déjà bien mal en point vola en éclats à l’occasion des sommets du G7 et de l’Organisation de Coopération de Shanghai tenus simultanément du 8 au 10 juin au Québec et à Qingdao.

Bousculée par le raidissement nationaliste sans concession de Washington – qui, infligeant une gifle à ses alliés, refusa de cautionner le communiqué final du G.7 –, encore mise à mal par la montée de la contestation de l’ordre occidental par la Chine, 2e économie de la planète depuis 2011, opportunément rejointe par la Russie ostracisée du G.7 en 2014, l’utopie d’une cohésion des puissances pour une solution cohérente des grands problèmes du monde apparaît plus que jamais improbable.

Deux mois plus tôt, poussant les feux de ses projets d’hégémonie culturelle globale, négligeant le vaste fossé entre les civilisations indienne et chinoise, Xi Jinping tirant profit des désinvoltures diplomatiques de D. Trump à l’égard de l’Inde, avait même proposé à Narendra Modi lors du sommet informel de Wuhan le 27 avril, « d’œuvrer ensemble à la renaissance de la la civilisation orientale 共同 努力 于 东方文明复兴 Gongtong nuli yu dongfang wenming Fuxing ».

Cette occurrence qui prétend placer le « rêve chinois » au centre de la « renaissance de l’Orient » avec l’Inde, son principal rival culturel et stratégique de la zone, trace à elle seule les limites des ambitions de Xi Jinping.

C’est à ce moment de la fin du printemps, alors que les « Nouvelles routes de la soie » relancées avec emphase en mai 2017 à Pékin gagnaient en ampleur et que Tokyo et New-Delhi échaudés par le « vandalisme diplomatique » de D. Trump cherchaient un accommodement avec Pékin, que Washington augmenta de manière radicale la force de ses attaques tarifaires contre la Chine dont les premières salves avaient été tirés en janvier 2018. La charge américaine contre la Chine fut un brutal contrepied.

La guerre des taxes, dilatée en rivalité globale.

Contredisant un accord conclu 5 jours auparavant avec l’émissaire spécial de Xi Jinping, le Vice-Ministre Liu He, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il fut désarçonné, la Maison Blanche décida le 20 mai d’augmenter à 50 Mds de $ la valeur de l’éventail des produits « high-tech » chinois frappés de 25% de droits de douane à l’entrée aux États-Unis.

L’offensive projetait aussi – ce qui fut mis en œuvre les mois suivants - de restreindre les autorisations d’investissements de groupes technologiques chinois et de resserrer le contrôle des exportations d’équipements de haute technologie.

Début décembre au G.20 de Buenos-Aires quand les deux conclurent un armistice douanier arrivant à échéance à la fin mars, la querelle s’était déjà dilatée en une rivalité stratégique globale.

A l’origine, les controverses portaient sur l’obligation imposée par Pékin de stocker des données en Chine, le dumping, les barrières non tarifaires freinant l’accès au marché, le viol de la propriété intellectuelle et de secrets technologiques soit par intrusions informatiques, soit par les transferts forcés au travers des coentreprises obligatoires.

Aux tensions commerciales s’ajoutent aujourd’hui celles qui s’exacerbent dans le détroit de Taïwan objet d’un harcèlement inédit et, en mer de Chine du sud (voir la Note de Contexte) où en réponse à l’US navy qui conteste les réclamations chinoises et dénonce la militarisation des îlots, Pékin a laissé planer une riposte balistique par missiles anti-navires de portée intermédiaire DF-26. (Voir la note de contexte).

*

Enfin, dans le sillage du discours très agressif de Mike Pence qui, le 4 octobre, énuméra une douzaine de griefs politiques, y compris le traitement réservé aux Ouïghour, massivement « rééduqués » dans des camps au Xinjiang et la surveillance de la population chinoise par une nuée de caméras connectée à des fichiers (lire : 1er octobre, une fête nationale sous forte tension stratégique.), toute la classe politique américaine accuse la Chine de promouvoir un projet géopolitique global au travers de ses « nouvelles routes de la soie ».

Alors qu’à Pékin, la pensée dominante soupçonne Washington de vouloir freiner la montée en puissance de la Chine, aux États-Unis, les élites politiques tous partis confondus ont tourné le dos à la stratégie d’ouverture à la Chine prônée par Kissinger dans les années 70.

Depuis, le 1er décembre, date de l’arrestation de Meng Wanzhou à Vancouver à laquelle Pékin a riposté en condamnant à mort un Canadien accusé de trafic de drogue, l’affaire Huawei est une synthèse des rivalités sino-américaines où se croisent la guerre technologique, les accusations d’espionnage, le vol de secrets industriels, l’impérialisme juridico-industriel américain et le contraste des systèmes judiciaires aux ordres du pouvoir en Chine et indépendant de l’exécutif aux États-Unis.


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