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›› Chronique

Accélération de l’immigration et retour des « cerveaux » expatriés

Les nouveaux « 海归 »

En janvier 2010, le New-York Times publiait l’histoire de deux étoiles montantes de la recherche américaine, revenues récemment en Chine. En 2008, le professeur Shi Yigong 43 ans, naturalisé américain, enseignant la biologie moléculaire à l’Université de Princeton aux États-Unis, chercheur à succès, doté d’un budget annuel de 2 millions de $, est rentré en Chine, après 18 ans passés dans le système universitaire américain, où il paraissait promis à un bel avenir.

Ses recherches sur la biologie cellulaire y faisaient autorité, notamment en matière de traitement du cancer. Il est aujourd’hui le Doyen du département de sciences de la vie à Qinghua. Ce secteur est, avec la nanotechnologie, l’un des enfants chéris de la recherche chinoise puisque plus de 5000 chercheurs y sont engagés.

Rao Yi 47 ans, chercheur à Northwestern University, revenu en 2007, dirige lui aussi un département des sciences de la vie, mais à Beida, l’autre grande université de la capitale. Sa décision de retour a été encore plus radicale que celle de Shi Yigong, puisqu’il a renoncé à la nationalité américaine pour redevenir citoyen chinois.

Les motivations de ces savants de haut vol sont complexes, mais se construisent pour l’essentiel autour de l’enthousiasme soulevé par les progrès fulgurants de leur patrie d’origine et du sentiment que leurs qualifications et leur expérience seront d’un apport décisif dans la recherche scientifique chinoise. « Aux États-Unis, tout est plus ou moins fixé d’avance. Mais ici, l’impact de mon travail peut être multiplié par dix, voire cent », dit le Professeur Shi Yingong.

Certains y voient également une conséquence de l’effritement du magistère moral des États-Unis après le 11 septembre. C’est en tous cas la raison avancée par Rao Yi pour expliquer son retour à la nationalité chinoise. Bien sûr, le Régime les courtise. En mai 2008, le professeur Shi a été invité par le Vice-président Xi Jinping à Zhongnanhai, pour exprimer ses vues sur l’avenir de la recherche scientifique en Chine. Quant à Rao, il explique que le pouvoir est « très généreux avec eux, peut-être trop ». Les deux stars des « Haigui » participèrent également à l’élaboration des programmes pour faire revenir des scientifiques de haut niveau.

Survivance des obstacles bureaucratiques.

Ce qui ne les empêche pas de critiquer les dysfonctionnements du système : « le problème est de s’assurer que les fonds soient dépensés de manière appropriée pour la recherche, et non pas attribués en fonction de critères bureaucratiques », dit Rao Yi. Dans la foulée, il recommandait l’abolition du super ministère des Sciences et des Technologies, et conseillait d’en redistribuer le budget à une « administration plus fiable ». Après avoir été censurée pendant une année, la déclaration fut reprise en octobre 2009 par le China Daily en langue anglaise.

La réaction du système contre ces critiques de fond fut sévère. En 2008, Liu Zhongwu, un professeur de Sciences de l’Ingénieur de l’Université de Technologie diffusa un mail, où il incitait la communauté scientifique chinoise à « se méfier de Shi Yingong, qui devrait être exclu des projets touchant aux intérêts stratégiques chinois », ajoutant : « n’oubliez pas qu’il est étranger ».

Shi Yingong qui avoue avoir souffert de ces attaques aux accents de révolution culturelle, reste optimiste. Mais il sait que le temps lui est compté et qu’il devra rapidement installer autour de lui des chercheurs très compétents, imperméables aux intrigues, aux querelles de clans et aux coteries. C’est ce qu’il fait. En deux ans, il a déjà recruté 18 chercheurs titulaires de doctorats, venant tous des États-Unis. Chacun d’eux a ouvert un laboratoire sous sa supervision.

Pour la Chine, qui souffre des tares bureaucratiques et des rigidités politiques qui gênent l’innovation, le défi est considérable. L’avenir dira si cette injection d’une dose de savoir et d’expérience, venue de la Mecque scientifique du monde, aura raison des blocages d’une administration pléthorique, tatillonne et jalouse, ou si, au contraire, les équipes de courageux spadassins finiront par se perdre dans les ornières des rivalités politiques et le dédale des luttes de pouvoir.


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