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›› Editorial

Au royaume khmer, le prix de l’aide chinoise augmente

Vive réaction américaine. Un potentiel disruptif.

En cours en ce moment à Washington l’adoption du « Cambodia Democracy Act » voté par le Congrès le 17 juillet dernier. S’il était signé par D. Trump, le décret qui exige l’organisation d’élections libres, le respect des droits de l’homme et l’amnistie pour les prisonniers politiques dont Kem Sokha en résidence surveillée et Sam Rainsy maintes fois condamné et en fuite, permettrait d’ici la fin de l’année à l’exécutif américain de geler les avoirs en $ aux États-Unis et partout dans le monde de la famille Hun Sen et de toute l’oligarchie au pouvoir dans le Royaume.

Après les premières réactions de défi niant l’impact de la menace, l’exécutif à Phnom-Penh semble avoir compris la capacité disruptive de sanctions ne visant pas le peuple, mais l’entourage corrompu du premier ministre dont, pour beaucoup, la loyauté ne repose que sur les avantages sonnants et trébuchants dispensés par le PM et sa famille. Ayant tous mis leur fortune à l’abri en dollars hors des frontières du Royaume leur sécurité matérielle se trouve aujourd’hui sous la menace directe des représailles de Washington. Il n’est pas certain que leur allégeance intéressée résiste à cette offensive.

A Phnom-Penh, certains intellectuels, par allusion aux tensions sino-américaines, entonnent à nouveau le refrain du Cambodge victime de la rivalité des grands. Ils oublient cependant que la cohorte au pouvoir a trahi les engagements démocratiques des accords de Paris et qu’ayant brutalement éliminé l’opposition, elle a, violant les promesses de neutralité de la constitution, jeté le Royaume dans les bras de la Chine dont elle a cherché la caution politique.

Répondant aux appels renouvelés tous les 6 mois par un voyage du Premier Ministre à Pékin, la Chine devenue de loin le 1er investisseur dans le Royaume, en rivalité stratégique directe avec Washington, n’a pas mesuré ses aides budgétaires, ses projets d’infrastructures, tout en facilitant la délocalisation de ses entreprises et leurs investissements dans le bâtiment, le textile et les industries d’assemblage.

Au dernier voyage du Premier Ministre en avril 2019, Pékin a promis 89 millions de $ d’aide militaire et s’est engagé à importer 400 000 tonnes de riz. Des facilités ont été promises par Phnom-Penh à Huawei pour entamer le développement de la 5G.

Plus encore, la Chine s’est engagée à soutenir le Royaume au cas où, s’alignant sur des sanctions américaines, l’UE, en représailles de la destruction en rase-campagne de l’opposition, mettrait fin au statut commercial privilégié du schéma « Everything But Arms », initiative de Bruxelles supprimant les barrières douanières de l’UE pour 48 pays en voie de développement.

Les importations chinoises évaluées à 1 Mds de $ en 2017 pourraient cependant ne pas suffire à compenser la perte des marchés européen et américain qui comptent en moyenne pour plus de 6 Mds de $. Sans compter que la fermeture des marchés occidentaux recèlerait la menace sociale et politique d’entraîner le chômage de 700 000 ouvrières du textile ayant migré depuis les campagnes.

Pour compenser, Pékin pourrait offrir d’investir à la fois dans l’agriculture et dans des secteurs intéressant la classe moyenne chinoise tels que le tourisme et les jeux d’argent. L’espoir de Phnom-Penh est de hausser le chiffre des visiteurs chinois à 3 millions en 2020 et à 8 d’ici 2030. Mais cet afflux qui fait monter les prix comme les loyers et assèche le petit commerce cambodgien pourrait provoquer le grave revers d’un rejet de la Chine et des Chinois par l’opinion locale.

Si les sanctions américaines étaient mises en œuvre, le Royaume se trouverait à nouveau écartelé entre les influences contradictoires de Pékin et Washington. L’histoire se répète. En 1975, le Roi Sihanouk destitué par la mouvance des intellectuels et des hommes politiques pro-Washington s’était réfugié à Pékin dont l’influence nourrissait les Khmers Rouges.

Moins de quatre années plus tard, ces derniers étaient chassés du pouvoir par Hanoï, tandis que Washington, dans un pur réflexe de guerre froide dirigé contre l’URSS appui du Vietnam, apportait une aide en armes et munitions aux assassins Khmers Rouges qui, depuis la campagne cambodgienne, menaient la résistance armée contre les troupes de Hanoï.

La longue trace chinoise au Cambodge.

Occupé et exploité pendant 11 ans, le Royaume, devenu un enjeu de la guerre froide entre Hanoï, Pékin et Washington, ne retrouva un semblant d’autonomie qu’après la vaste opération des Nations-Unies baptisée UNTAC pour (United Nations Transitionnal Autorithy in Cambodia – 1992 – 1995).

Quatre années après les élections libres organisées par les NU, en 1997, à la faveur d’un premier coup d’État, l’actuel Premier Ministre se débarrassa du très incompétent Prince Ranaridh, fils de Sihanouk alors Premier Ministre. Après quoi, il s’est engagé dans une longue et obstinée campagne de suppression de la démocratie. C’est au cours de cette période que Pékin a augmenté son influence dans le Royaume, articulée aux « caractéristiques chinoises ».

En haussant l’analyse d’un étage et au-delà de l’idée du Royaume écartelé entre les « grands », la question se pose pourtant de l’irrésistible attraction exercée par l’Empire du Milieu sur ses petits voisins.

*

La perspective remonte au Ier siècle et aux présences chinoises dans le Royaume du Funan au sud du Cambodge et du Vietnam actuels ; puis, pour se limiter aux annales officielles, elle repère les contacts entre la dynastie mongole des Yuan et l’empire d’Angkor documentés par Zhou Daguan 周 达 观 (1266 - 1346).

Diplomate chinois envoyé spécial de l’empereur Témur Khan-, successeur de Kubilai Khan, ayant pris le nom dynastique de Chengzong des Yuan, Zhou est l’auteur des mémoires sur les coutumes du Cambodge impérial finissant, témoignant de contacts étroits entre la Chine et le Royaume ;

Suit l’arrivée massive dans la région de Chinois à partir du milieu du XVIIe, après que les Mandchous aient chassé les Ming dont les administrateurs et les militaires prêtèrent main forte à la dynastie vietnamienne des N’Guyen pour repousser les Khmers hors du delta du Mékong.

A la même époque, d’autres Chinois exilés remontèrent le fleuve et s’installèrent le long de ses rives pour devenir paysans, pêcheurs et commerçants.

Ces migrations dessinent le socle d’une présence chinoise irrésistible, façonnée par l’histoire et dont, après le tragique épisode de l’aide maoïste aux assassins Khmers Rouges, les actuelles évolutions invasives de Pékin ne sont que la continuation logique.


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