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Centrales nucléaires en mer de Chine. Pékin s’installe, les voisins s’inquiètent

Résistances de Hanoi.

Début août, lors de la réunion de l’ASEAN à Manille, les tensions entre Hanoi et Pékin ont percé la surface des mises en scène diplomatiques quand, le 7 août, une réunion bilatérale entre Wang Yi et son homologue vietnamien Pham Binh Minh fut soudain annulée par Pékin agacé par l’insistance du Vietnam pour qu’on insère dans le communiqué conjoint des 10, une référence à la poursuite par la Chine de l’extension artificielle des îlots et la recommandation que le « code de conduite » en mer de Chine du sud en cours de négociation soit juridiquement contraignant. C’est finalement le refus de Pékin qui l’a emporté.

Le communiqué conjoint ne comportait aucune des mentions proposées par les diplomates vietnamiens, tandis qu’à Pékin, Xu Liping, chercheur à l’Académie des Sciences sociales, soulignait la fureur de Pékin contre Hanoi, considérant que le Bureau Politique voyait l’annulation impromptue de la réunion comme « une mise en garde ». Dans un commentaire, Xinhua se faisait l’écho de la rancœur chinoise, accusant Hanoi « d’empoisonner » la situation en mer de Chine du sud par ses insistances à durcir le communiqué de l’ASEAN.

Mais les tensions couvent depuis longtemps (lire notre article Querelles sino-vietnamiennes. Rivalités des frères ennemis et enjeu global.) Elles avaient explosé au printemps 2014 au Vietnam où les intérêts chinois furent pris à partie de manière violente et débridée, mettant dans le même sac toutes les enseignes en caractères chinois, y compris les taïwanaises, japonaises, malaisiennes et singapouriennes (lire Explosion de violences anti-chinoises au Vietnam.).

Toujours à fleur de peau, les discordes fusent régulièrement, s’étalant brutalement sur la place publique. En juin dernier le Général Fan Changlong, premier militaire du pays, vice-président de la Commission Militaire Centrale et membre du Bureau Politique écourta sa visite à Hanoi quand le Vietnam décida d’explorer un gisement de gaz du « Block 136-03 - Wanan Bei-21 pour les Chinois » dans une zone contestée située à 250 nautiques des côtes du Vietnam et, provocation très irritante pour Pékin, se lança dans une séries d’exercices navals simulant une réaction conjointe de Tokyo et Hanoi contre la pêche illégale chinoise.

Les tensions s’apaisèrent provisoirement suite à la décision de Hanoi, le 24 juillet, de mettre fin à l’exploration après que Pékin ait menacé le Vietnam d’attaquer une de ses positions dans les Spratly, attitude qui, quel que soit l’angle de vue, constitue une escalade majeure de l’agressivité de Pékin dans la zone, contredisant son discours pacifiste.

Mais, avec Hanoi la Chine n’est pas au bout de ses peines. Son renoncement du 24 juillet faisait en effet suite à l’attribution, début juillet d’une extension d’exploration de 2 ans à l’Inde, rival de la Chine, dans le cadre d’une coopération entre ONGC Videsh déjà investi au large du Vietnam [2] et Petrovietnam dans le Block 128, une autre zone contestée par Pékin située à la fois dans la ZEE vietnamienne et à l’intérieur de la ligne en 9 traits chinoise.

Rapprochement Hanoi – Washington.

Les évolutions logiques en riposte à cette stratégie du plus fort sont le renforcement de la marine vietnamienne et le rapprochement de plus en plus net entre Hanoi, Tokyo et Washington. Le 8 août au Pentagone, les ministres de la défense Ngo Xuan Lich et James Mattis décidèrent officiellement de renforcer leur coopération militaire sur la question de la liberté de navigation, tout juste 6 semaines après la mission de contestation de la souveraineté chinoise par le destroyer Stephen autour de l’îlot Triton dans les Paracel (cf. note n°1).

A cette occasion un pas dans la démonstration de force de Washington en appui de Hanoi a été franchi puisque la décision a été prise que pour la première fois depuis la fin de la guerre un porte-avions américain ferait escale au Vietnam en 2018.

En réalité, en dépit des prudences vietnamiennes à l’égard de Pékin, son premier partenaire commercial avec des échanges annuels évalués à 60 Mds de $ en augmentation rapide – comparables à la valeur des relations entre les États-Unis et la Russie, la Chine achetant plus de 70% des exportations vietnamiennes de fruits et légumes -, le rapprochement Hanoi – Washington se précise inexorablement depuis plus de dix ans, attisé par l’agressivité chinoise et l’inflexibilité nationaliste du Vietnam.

En 2004, 9 années après la normalisation des relations, eut lieu une première escale de navire de guerre américain à Danang et la visite du Commandant en Chef du Pacifique à Cam Ranh qui répondait à la venue à Washington du ministre de la défense vietnamien, le General Pham Van Tra en novembre 2003. Pour la suite du rapprochement ponctué par le « forcing » américain, les prudences vietnamiennes et les agacements de Pékin, lire nos articles Le « grand jeu » du Pacifique occidental. et Dialogue de Shangrila. La Chine défie l’Amérique.

Un premier point d’orgue du rapprochement eut lieu le 23 mai 2016, quand Obama en visite à Hanoi (3e visite d’un président américain après celles de Bill Clinton en 1995 et de Georges W. Bush en 2006) décida de lever définitivement l’embargo sur les ventes d’armes en vigueur depuis 1975.

La décision d’envoyer un porte-avions constitue une nouvelle étape soulignant la proximité croissante des intérêts stratégiques américains et vietnamiens en Asie du sud-est. Le prochain épisode à suivre de prés sera le sommet de l’APEC à Hanoi en novembre auquel participeront D. Trump et Xi Jinping.

Jakarta se rebiffe.

L’autre pôle de résistance aux annexions chinoises exprimant lui aussi un durcissement en dépit de ses intérêts commerciaux en Chine est Jakarta. Le 14 juillet dernier le ministère des affaires maritime indonésien annonçait, carte à l’appui, le changement de nom d’une portion de la mer de Chine du sud située à l’intérieur de la ZEE indonésienne mais coupée par la « ligne en 9 traits chinoise ». Rebaptisée « Mer de Natuna septentrionale – North Natuna Sea - ».

L’initiative faisait suite à une longue montée des tensions entre Pékin et Jakarta ponctuée par de brutales réactions de la marine indonésienne contre des incursions de pêcheurs chinois.

Mais la véritable raison était la persistance de l’ambiguïté de Pékin autour du tracé de sa ligne de base située à 1500 nautiques de ses côtes et empiétant sur les eaux contiguës situées au nord du gisement d’hydrocarbures des Natuna, vaste archipel indonésien de 272 îles peuplé de 100 000 habitants, à l’extrême sud de la mer de Chine, à équidistance entre la péninsule malaise et Bornéo à 140 nautiques de la partie indonésienne de Bornéo.

A ce jour, Pékin a toujours refusé de répondre aux demandes de clarification de Jakarta sur le sens réel de sa ligne en 9 traits. A l’annonce du changement de nom, le porte-parole du Waijiaobu a demandé que Jakarta se rétracte. Mais l’Indonésie ne le fera pas. Elle aussi se considère comme un empire commercial dont la souveraineté s’étend sur quelques uns des plus importants détroits de la planète contrôlant les routes entre l’océan indien et la mer de Chine et vers le Pacifique.

Depuis son élection en 2014, note Philip Bowring dans la New-York Review of Books, « le président Joko Widodo a placé les questions maritimes au centre de la politique étrangère de Jakarta, renforçant sa marine de guerre et ses garde-côtes, arraisonnant des dizaines de chalutiers en infraction et affirmant fermement la souveraineté et les droits maritimes de l’Indonésie. »

Ces derniers furent confirmés par la Convention de Montego Bay en 1982 qui accepta son statut « d’État archipélagique ». De ce fait et par le jeu de ses eaux territoriales et de sa ZEE, l’Indonésie qui compte plusieurs milliers d’îles, contrôle une immense zone marine fermant la mer de Chine au sud.

C’est bien cette affirmation de souveraineté que clame le changement de nom annoncé par l’Indonésie face à la Chine qu’elle soupçonne d’intentions cachées autour de l’archipel des Natuna.

Bien que toujours resté à l’écart des querelles de souveraineté avec Pékin, Djakarta dont les garde-côtes se sont fréquemment heurtés aux pêcheurs illégaux chinois, vient d’entrer dans le jeu des rivalités régionales sur un mode qui ne peut qu’indisposer Pékin.

Plus encore, le raidissement nationaliste de Jakarta résonne comme une puissante dissonance dans le discours chinois articulé autour de l’apaisement régional par le commerce. Il est de nature à encourager le réveil des voisins de la Chine hésitant à affirmer leurs droits.

Après avoir cédé aux pressions chinoises sur le récif de Reed situé à 85 nautiques de côtes philippines, contesté par Pékin (lire à ce sujet : Mer de Chine du sud. La carte sauvage des hydrocarbures. Le dilemme de Duterte.), Ismael Campo, Directeur du bureau philippin de l’énergie, encouragé par la réaction indonésienne a annoncé que l’embargo imposé en 2014 sur les explorations philippines du récif de Reed serait levé en décembre.

A cette occasion, défiant les revendications chinoises, plus de deux douzaines de concessions d’exploration d’hydrocarbures et de charbon seront mises sur le marché.

Note(s) :

[2Les activités d’exploration de ONGC Videsh.ltd (OVL) ont commencé en 1988 avec l’acquisition des droits sur le Block 6.1 où elle détient 50% des droits, puis en 2006 sur les Bocks 127 et 128, dont seul le 2e s’avéra profitable. Après l’exigence chinoise que les droits fassent l’objet d’un appel d’offre, en riposte Hanoi accorda une première extension des droits à OVL et un augmentation des droits d’OVL à 50% ce qui entraîna une mise en garde de Pékin à la société indienne. OVL possède également 40% des parts dans le Block 102/10 et 50% dans le 106/10 tous deux situés hors des zones réclamées par la Chine.


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