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›› Société

Chine de l’Est, encore un attentat au couteau

Analyse des causes.

Dans une émission débat de CCTV le professeur Miller qui eut à traiter des patients après l’attentat du 11 septembre à New-York, notait que la puissance des phénomènes migratoires, l’augmentation des écarts de niveau de vie, l’affaiblissement des traditions sont autant de facteurs pouvant perturber l’équilibre mental d’une population.

Dans la même émission, Han Buxin, chercheur à l’Institut de psychologie de l’Académie des Sciences Sociales approuvait le diagnostic de Miller ajoutant que, selon ses observations 2 à 3% des Chinois étaient atteints de désordres mentaux, ce qui, dit Han, situe le nombre de patients à traiter hors de portée du système de soins mentaux du pays.

En 2017, selon l’OMS, 54 millions de Chinois étaient atteints de dépression. (4,2% de la population). Mais en 2012, le célèbre The Lancet estimait que plus de 170 millions de Chinois souffraient de désordres mentaux dont seulement 15 millions bénéficiaient d’un traitement.

Allons plus loin sur la voie de l’explication psychologique mêlée à celle de la rancœur sociale. En 2010, face à une extraordinaire épidémie d’attaques au couteau (cf. plus haut), Wen Jiabao avait vaguement évoqué des « tensions sociales ». A l’époque celles-ci étaient assez bien documentées par des études publiées librement par l’Académie des Sciences Sociales.

Depuis 2014, elles sont sous le boisseau de la censure et seulement accessibles aux hauts responsables du Parti (lire : Feu sur les « excroissances méningées du Parti » et reprise en main idéologique.). Il reste que les inégalités persistent et s’aggravent, que les fermiers sont toujours aux prises avec des captations de terres mal dédommagées, tandis les prix de l’immobilier flambent.

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Explorant les causes psychologiques au-delà des raisons sociales, certains suggèrent que les accès de violence individuelle, dont Han Buxin dit avec raison qu’ils ne sont pas coordonnés, sont peut-être le prix à payer pour la mise aux normes répondant, non seulement au besoin de sécurité de la classe moyenne effrayée par la perspective du chaos, mais aussi à l’exigence de sérénité politique du régime tenant tous les bouts d’une situation dont il prétend contrôler le moindre aléa social.

Dans ce paysage quadrillé par les caméras de reconnaissance faciale et le redressement infligé par le « crédit social », on peut proposer l’hypothèse, mais les études sérieuses sur ce thème restent à faire, que les entraves à toute déviance même légère finiraient, comme le suggère Robert Foyle Hunwick, consultant à Pékin qui prépare un livre sur « Les vices et les crimes dans la Chine moderne », par créer de telles frustrations que la moindre étincelle, qu’il s’agisse d’un chômage soudain, d’une insulte, ou même de la crainte qu’un intrus ou un inconnu pourrait perturber son « Fengshui », suffirait à provoquer une déflagration.

De fait, il arrive souvent qu’après leur « coup de folie » meurtrier les auteurs se plaignent d’avoir été mal traités par l’administration, un voisin, le chauffeur du bus ou un « petit chef » dans leur travail.

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Mais, dans un contexte général où, ailleurs, selon l’ONU, le nombre des crimes violents y compris par arme blanche augmente, tandis qu’aux États-Unis les tueries par arme à feu se succèdent, on ne peut manquer de s’interroger sur les raisons poussant certains chinois à poignarder les enfants innocents dans les maternelles.

Pour l’heure le pouvoir se contente d’augmenter la répression et la surveillance. Installant une profusion de caméras vidéo et augmentant le nombre de vigiles dans les écoles, il censure les réseaux sociaux diffusant des témoignages précis des incidents par crainte d’une contagion mimétique.

Certains psychiatres chinois expliquent l’agression des enfants comme un acte « extrême de désespoir niant l’innocence et la promesse d’avenir de la jeunesse, pour attirer l’attention sur leur désarroi, ultime étape avant la tentation morbide du suicide ». De fait, après leur folie criminelle dont ils savent qu’elle les condamnent à mort, plusieurs agresseurs d’enfants ont mis fin à leurs jours.

Les soins psychiatriques en Chine.

La réflexion sur les causes psychiatriques conduit à examiner la situation du traitement des maladies mentales en Chine.

Selon les études récentes de l’Université de Pékin et les synthèses de China Briefing, s’il est vrai que depuis 10 ans, les pouvoirs publics ont considérablement investi dans les soins psychiatriques, la vérité confirmée par « The Lancet » cité plus haut, oblige à dire que les efforts consentis sont insuffisants.

Les difficultés restent en partie liés à la culture traditionnelle freinant les consultations par crainte de l’opprobre sociale frappant les malades. Du coup, la faiblesse de la demande induit une désaffection des médecins psychiatres qui en dépit de leurs diplômes s’orientent vers des secteurs plus lucratifs. Sur le million de psychiatres formés entre 2009 et 2017, à peine 10% exercent à temps plein dans leur spécialité.

Mais la demande varie en fonction des niveaux de vie. Dans les centres urbains de la côte Est on consulte plus facilement que dans l’arrière-pays.

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Il existe deux niveaux des soins psychiatriques qui globalement progressent lentement. Le premier pour les atteintes graves nécessitant une surveillance hospitalisée dont le fleuron, cependant hors de portée des ressources des Chinois moyens, est l’hôpital privé Kangning à Wenzhou dans le Zhejiang (温州康宁医院). Crée en 1996, et coté en bourse à New-York, il annonce 40 millions de RMB (7 millions de $) de profits nets annuels en hausse moyenne de 62%.

L’autre versant des soins psychiatriques s’adresse aux affections moins sévères accessibles dans les écoles, les entreprises, par les comités de quartiers et par des consultations privées dont le prix varie entre 50 et 100 $ que la moyenne de la population considère comme élevé.

En 2012, était promulguée la première loi chinoise sur le traitement des maladies mentales (traduction en anglais) .

Critiquée par Human Rights Watch qui décèle une insuffisance de garanties pour les malades, elle a clarifié la prise en charge des patients et établi une différence entre les conseils psychologiques et le traitement psychiatrique.

Elle stipule que seuls les patients à risques pour eux-mêmes et pour les autres sont soumis à des traitements obligatoires en milieu hospitalier, sans cependant donner le droit à un patient d’opposer une expertise contradictoire à une décision d’hospitalisation.

Mise à jour le 8 janvier 2019

Le 7 janvier les médias officiels chinois, repris par l’AFP, ont annoncé que le fermier Yan Pengan, auteur en janvier 2017 d’une attaque au couteau contre 12 jeunes enfants d’une école du Guangxi, dont 4 avaient été sérieusement blessés avait été exécuté le 4 janvier 2019.

A l’époque, évitant de plus graves conséquences, l’un des enseignants de l’école s’était interposé, provoquant la fuite du forcené qui s’était ensuite rendu à la police.


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