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Chine – États-Unis. Entre vindicte nationaliste et volonté d’apaisement, la persistance des rancœurs

Récemment nombre de commentaires ont spéculé sur l’attention que Pékin portait aux réactions internationales et notamment américaines à l’offensive russe contre l’Ukraine, avec en tête l’hypothèse d’une attaque de Taiwan.

La Direction chinoise a déjà plusieurs fois exprimé son irritation de ce qu’elle considère comme un amalgame sans objet. L’Île n’est pas un pays souverain et la communauté internationale n’a pas en se mêler de ce que Pékin considère comme une affaire intérieure chinoise.

La nervosité est à fleur de peau, des deux côtés du Détroit. Lors du point de presse du 11 mai, le ministère de la défense taïwanais rendait compte que, la veille, un hélicoptère d’attaque de type WZ-10 [1] avait franchi la ligne médiane du Détroit d’une distance de 0,5 nautiques (926 mètres). La dimension de l’alerte au regard de l’infime distance de la transgression donne la mesure de l’alarmisme.

En même temps, le porte-parole du ministère déclarait avoir également détecté deux sorties au sud-ouest de l’île d’un hélicoptère Ka-28 chasseur de sous-marin de fabrication soviétique, réputé capable de détecter et de détruire un submersible en plongée jusqu’à 500 m.

Source d’un extrême agacement chinois qui accuse les États-Unis d’entretenir les tensions dans le Détroit, le porte-parole a aussi confirmé que le 10 mai, le croiseur lance-missiles USS Port Royal jaugeant 9600 tonnes, lourdement armé de 122 cellules lance-missiles verticaux de type MK 41 multi rôles - anti-aériens, anti-sous-marins et sol-sol - , de missiles de croisière Harpoon anti-navires trans-horizon et de lance-torpilles de type MK-32) avait transité dans le Détroit, « pour une mission de routine » dans les eaux internationales.

Menaces du vice-ministre des AE.

Ces séquences d’étalage de la force militaire eurent lieu quatre jours après une déclaration très agressive de Le Yucheng, le vice-ministre des Affaires étrangères. Sur un forum de sécurité en ligne organisé par l’Université du Peuple, adoptant le même ton que Vladimir Poutine, il menaça les États-Unis de « représailles inimaginables » s’ils « jouaient la carte taïwanaise ».

La diatribe indiquait que Pékin ne dévierait pas de son intention de réunifier l’Île, y compris par une action de force, quand bien même Washington appliquerait à la Chine les mêmes sanctions qu’à la Russie. « La Chine doit être réunifiée, les sanctions et l’isolement ne nous dissuaderont pas ».

Évoquant « l’isolement », Le Yucheng sous entendait aussi que Pékin ne serait pas non plus impressionné par un ralliement occidental contre la Chine en cas d’invasion de l’Île. Au passage, il dénonça aussi la réplique asiatique de l’Alliance Atlantique construite autour du dialogue quadrilatéral « Quad », avec le Japon, l’Australie, l’Inde et les États-Unis, établi pour faire pièce à l’expansion de la Chine en Asie (lire à ce sujet : Aux Îles Salomon, Pékin perturbe la prévalence anglo-saxonne).

Pour marquer la détermination de l’appareil, il rappela brièvement qu’au cours des soixante-dix ans de règne du Parti en Chine, le pays n’avait pas été brisé. Il avait, au contraire, surmonté de nombreux orages, y compris récemment les harcèlements de Washington par l’augmentation des droits de douane, la réduction des coopérations bilatérales et l’arrestation de ressortissants chinois pour espionnage.

L’accès de fièvre suivait de 48 heures une déclaration de William Burns, le Directeur de la CIA, estimant « qu’observant la guerre en Ukraine, la Direction chinoise mesurait soigneusement les avantages et les inconvénients d’une opération de force contre Taïwan, mais ne renoncerait jamais à son projet de réunification, quelles que soient les circonstances. »

Il ajoutait cependant la nuance irritante pour Pékin, que les calculs chinois sur la manière et le calendrier d’une opération contre l’Île avaient été affectés par le conflit en Ukraine. Enfin, revenant sur la proximité « sans limites » de Pékin avec Moscou, Burns laissa planer le doute sur le malaise au sein du Parti choqué par la brutalité de l’agression russe en dépit des déclarations de solidarité.

Les affres de la proximité entre Xi Jinping et Vladimir Poutine.

Dans sa réponse Le Yucheng est lui aussi revenu sur la question en rappelant que Pékin, qui n’avait pas été informé avant l’attaque, n’avait rien à voir avec l’agression russe et que la coopération avec Moscou était d’une autre nature.

Il n’empêche, aujourd’hui, alors que l’appareil est aussi sous tensions à la suite du confinement total ou partiel de 46 villes chinoises représentant 25% de la population et 35% du PIB (informations du 5 mai 2022), nombre d’indices confirment que de sérieux doutes traversent la machine politique à propos du bien-fondé de la solidarité entre Xi Jiping et Vladimir Poutine.

Depuis la fin février des cadres de l’appareil ont pris le risque de poster leurs critiques vite effacées sur les médias sociaux. Surtout, le 30 avril, Xinhua publiait avec retard une interview de Dmytro Kuleba, le ministre des AE de l’Ukraine dont il faut rappeler que les relations avec la Chine avaient atteint le niveau d’un partenariat stratégique, signé en 2011, une année avant l’accession de Xi Jinping à la tête du Parti.

On y lisait que Kiev demandait à Pékin de faire pression sur Moscou pour mettre fin à l’escalade militaire en Ukraine et proposait un plan à long terme de stabilité du pays garanti par les membres permanents auquel Pékin n’a pas donné officiellement suite.

Surtout, Kuleba affirmait que la guerre n’était pas dans l’intérêt de la Chine, évoquant à la fois le parasitage des « Nouvelles routes de la soie » par les effets internationaux de l’action militaire en Ukraine et les risques pour l’économie chinoise d’éventuelles sanctions infligées à Pékin par les pays occidentaux solidaires.

Lire à ce sujet le contexte des menaces américaines contre la Chine pour la dissuader de contourner les sanctions infligées à Moscou : La proximité sino-russe à l’épreuve de la guerre.

Le fait que le jugement du ministre ukrainien sur la fausse manœuvre russe dangereuse pour la Chine recoupait l’essentiel des critiques internes à l’appareil adressées à Xi Jinping, explique le long délai avant la diffusion de l’interview par l’agence nationale chinoise.

Note(s) :

[1L’hélicoptère d’attaque WZ-10 (pour Wuzhuang Zhisheng 武装 直升– 10) est produit par la CAIC. En gestation depuis le début des années 90, son premier vol d’essai avait eu lieu en 2003, mais n’avait été présenté pour la première fois qu’à l’automne 2012 au salon de Zhuhai.

Longtemps Pékin qui cherchait à bénéficier des transferts de technologies avait laissé croire qu’il s’agissait d’un hélicoptère civil, baptisé hélicoptère de 5,5 tonnes. La propagande à l’intention de l’audience domestique entretenait aussi la fiction que l’appareil était entièrement chinois ou presque (lire à ce sujet la longue saga du WZ-10. p.3 : Le nouvel Hélicoptère d’attaque WZ-10).

Depuis cette date, la CAIC a équipé l’appareil d’un moteur réputé entièrement chinois : le WZ-9 (WZ = Wo Zhou, 涡轴 - 9), développé par l’Institut de Recherche 602 de Xian.


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