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›› Editorial

Chine, Iran, États-Unis : Avantage Pékin. Retour sur la longue histoire entre la Perse, l’iran des Ayatollahs et la Chine

Alors que les relations entre Washington et Téhéran viennent d’être portées au rouge vif par la Maison Blanche et Mike Pompeo qui accusent vertement les Ayatollahs d’avoir diligenté par proxys yéménites Houtistes interposés, l’attaque du 14 septembre contre la raffinerie de d’Abqaïq et le champ pétrolier de Khouraïs, à 300 km à l’Est de Ryad, au bord du Golfe persique, Pékin bravant les interdits américains, augmente considérablement ses projets d’investissements en Iran.

L’opportunité stratégique de la manœuvre saute aux yeux. Tirant profit de la mauvaise presse globale de la sortie américaine de l’accord sur le nucléaire iranien en mai 2018, au milieu de la plus dangereuse escalade des tensions entre les États-Unis et l’Iran depuis l’occupation de l’ambassade américaine il y a 40 ans, la Chine défie l’Amérique.

Se plaçant en pourvoyeur potentiel de capitaux dans une économie gravement affaiblie par les sanctions privant le pétrole iranien d’une grande partie des investissements étrangers et de ses marchés divisés par 10, Pékin enfonce un coin dans le blocus de Washington, resserre ses liens avec les Ayatollahs, complique sérieusement le jeu de la Maison Blanche en Iran et confirme comme jamais son statut de rival stratégique global des États-Unis.

En même temps, chacun voit bien – c’est pour Washington et Ryad un effet pervers collatéral dont on n’a pas encore mesuré les effets - que la probable absence de réaction militaire directe contre Téhéran à ce que l’ancien patron de la CIA a tout de même qualifié « d’acte de guerre  » [1], affaiblit la portée d’une des alliances stratégiques moralement les plus controversées et les plus cyniques d’après le 2e conflit mondial, entre le « leader du monde libre  » et, à l’exact opposé des valeurs américaines, une puissance théocratique Wahabite pourvoyeuse de pétrole.

Entre sanctions et coopérations, la manne de l’énergie.

Alors que récemment encore D. Trump semblait croire que les sanctions allaient mettre l’Iran à genoux - ne disait-il pas en juillet que « leur économie était sur le point de s’effondrer  » [2] -, la manne promise par la Chine qui vient d’être portée à 400 Mds d’investissements sur 25 ans, après la visite de Javad Zarif à Pékin le 25 août dans le cadre du programme de coopération bilatéral signé en 2016, dynamite les efforts américains pour isoler l’Iran. En même temps, elle fait de Téhéran l’obligé inconditionnel de Pékin.

Selon une source proche du MAE iranien, la Chine investirait 280 Mds dans les champs de pétrole et de gaz – première intention stratégique de Pékin dont les besoins en énergie explosent - et 120 Mds de $ dans la remise à niveau des infrastructures de transport et le tissu industriel productif. En retour, et sans surprise, les compagnies chinoises bénéficieraient de la prééminence pour les investissements dans les hydrocarbures.

Dans le collimateur intéressé de Pékin en quête de sources d’énergie, le gisement de gaz géant offshore - premières réserves identifiées de la planète - situé à cheval sur les eaux territoriales de l’Iran et du Qatar.

Découvert en 1971 par l’Anglo-néerlandais Shell, le gisement qui recèlerait 32 000 milliards de m3 (source : Département américain de l’énergie) – soit plus de 1000 fois les importations annuelles de gaz russe par la Chine et 20% des réserves mondiales connues -, porte deux noms selon la position géographique considérée. Quand le Qatar baptise sa partie « North Dome » ou « North Field », l’Iran appelle la sienne « South Pars – Perse du Sud - ».

Jusqu’à présent, l’exploitation du gisement s’était faite de manière inégale.

Sur la partie qatari, étroitement contrôlée par la monarchie proche de Téhéran et en froid avec Ryad mais qui, au passage, abrite à Al Udeid, la plus grande base américaine du Moyen-Orient (QG du Central Command, 11 000 hommes, 120 avions dont des F-22 Raptor), la production dure depuis 1988 et est devenue une des sources majeures de l’approvisionnement global en énergie.

Dans cette zone où s’exacerbe la rivalité géopolitique entre l’Iran chiite et l’Arabie sunnite, le moins qu’on puisse dire est, qu’en dépit des affirmations rassurantes du Pentagone, la position de Washington férocement opposée à Téhéran pourrait devenir inconfortable.

Note(s) :

[1Le 18 septembre, le porte-parole du ministère de la Défense saoudien a dévoilé ce qui a été présenté comme des débris de « drones » et de « missiles de croisière » retrouvés après les attaques contre 2 installations pétrolières du Royaume. Pour Riyad, les attaques provenaient du « Nord » et ont été parrainées par l’Iran. Le royaume dit continuer d’enquêter sur le lieu « exact » de leur lancement. Téhéran continue de nier tout rôle dans ces attaques, mais les États-Unis ont annoncé le renforcement des sanctions à l’encontre de Téhéran.

[2L’inflation dépasse les 40%, les prévisions de croissance ont été abaissées de 6 à 3%, les exportations de pétrole se sont effondrées de 2 millions à moins de 200 000 de barils/jour, tandis que la marge financière de Téhéran pour appuyer des opérations de déstabilisation dans la région s’est réduite comme peau de chagrin. Les grandes banques internationales et même les fournisseurs de médicaments et de produits alimentaires techniquement hors du scope des sanctions, effrayées par les menaces de représailles financières américaines ont réduit la voilure en Iran.

Dès lors, s’interroge Keith Johnson dans Foreign Policy, le 18 septembre, de quelle pression maximum Trump parle-t-il quand, en succédané à une riposte militaire, il envisage des représailles économiques ?

Il reste certes encore des restrictions qui affecteraient encore plus la vie quotidienne des Iraniens, créant alors un blocus total ce qui, dans l’opinion, créerait immédiatement un mouvement de sympathie en faveur des Chinois.


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