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›› Chronique

En Corée, la Chine inquiète des risques de guerre et excédée par Pyongyang, tente de revenir dans le jeu par Séoul

Alors que nombre d’observateurs de la péninsule coréenne expriment l’espoir d’une ouverture née, le 12 décembre dernier, d’une déclaration de Rex Tillerson au forum de la fondation sur la Corée du nord du Centre de recherche « Atlantic Council », laissant entendre que Washington pourrait accepter de négocier sans conditions préalables avec Pyongyang, Pékin dont la réaction est restée mesurée et de plus en plus inquiète d’une situation qui lui échappe, accueillait en visite d’État le président sud-coréen Moon Jae-in à l’occasion du 25 anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la Corée du sud.

Par les temps qui courent, pour Pékin, toujours formellement allié militaire de Pyongyang au nom d’un traité signé en 1961, célébrer en grande pompe l’anniversaire de la reconnaissance de la Corée du sud qui n’eut lieu qu’en 1992, 39 ans après l’armistice, est un signal politique d’autant plus fort que le chef de l’État nord-coréen, deuxième héritier de la dynastie Kim, n’a jamais été accueilli en Chine - ce qui signale pour le moins un éloignement et une méfiance -.

En invitant Moon Jae-in le président chinois tente d’abord de réparer les dégâts des tensions nées de l’installation du système THAAD en Corée du Sud.La manœuvre a aussi pour but de restaurer une influence très affaiblie sur le dilemme nord-coréen par le truchement du premier allié militaire de Washington dans la zone.

*

Alors que nombre d’indices indiquent un glissement stratégique de la Chine dont, pour la première fois de l’histoire un haut responsable de l’appareil militaire s’est rapproché de Bureau « planification de crises » des armées américaines (lire à ce sujet : Chine - Corée du Nord – Etats-Unis. Sous la surface quelques glissements tectoniques.) ;

Tandis que, sous la pression de Washington et en dépit de ses très fortes réticences, Pékin a, depuis septembre, accepté d’augmenter ses pressions sur Kin Jong-un [1], les déclarations communes de Xi Jinping et Moon Jae-in prennent un sens particulier dans le contexte de défiance et de soupçons creusant un fossé entre Pékin et Pyongyang dont le régime nord-coréen, très isolé, ne peut que mesurer l’importance.

Si le président chinois a, comme son homologue sud-coréen, rappelé l’importance du dialogue et son souci de stabilité stratégique de la péninsule, il a aussi réaffirmé sa détermination à ne pas laisser Pyongyang continuer sur la voie de la nucléarisation militaire.

Les voies divergentes de la « dénucléarisation ».

Accord sur la dénucléarisation et prévalence du dialogue tels furent, à côté des promesses de coopération bilatérale d’une relation restaurée, les maîtres mots de la visite du Président Moon à Pékin. Est-ce à dire qu’après la déclaration de Tillerson du 12, tous les acteurs stratégiques de la région sont désormais complètement alignés ? Pas tout à fait.

Mais, s’il est vrai que subsistent de graves raisons de s’inquiéter en même temps que d’importantes divergences, y compris à Washington, l’ambiance dans laquelle baigne le dilemme vieux de plus de 60 ans, est en train d’évoluer.

Après la déclaration de Tillerson, l’attaché de presse et la porte parole de la Maison Blanche Sarah Huckabee Sanders et Heather Nauert ont réaffirmé que le point de vue de Washington n’avait pas changé. Toutes deux répétèrent que la Corée du Nord était une menace, que l’objectif était la dénucléarisation et que la préférence du Département d’État allait au dialogue - ce qui au fond n’est pas très éloigné de ce que dit Pékin –.

La différence est que Washington répète toujours que les pressions sont nécessaires alors que les Chinois, suivis par Moscou, les disent inutiles.

Le 15 décembre, précisant sa boutade du 12 décembre selon laquelle Pyongyang et Washington pouvaient se rencontrer « même pour ne parler que du temps qu’il fait », Tillerson confirmait lui aussi l’objectif de dénucléarisation et la nécessité des sanctions que la Chine conteste officiellement, tout en acceptant de les augmenter. « La Corée du Nord doit gagner sa place à la table des négociations. Les pressions doivent continuer et c’est ce que nous ferons jusqu’à la dénucléarisation ».

Alors que le New-York Times présentait la mise au point du secrétaire d’État comme une « volte-face », la différence avec la Chine elle aussi opposée au nucléaire militaire et ayant accepté, en dépit de ses réticences, de peser économiquement sur Pyongyang, était en réalité plus dans le ton, l’affichage et les modalités que dans le fond.

D’accord sur l’objectif de dénucléarisation, Pékin et Washington le sont aussi sur les éventuelles conséquences des embargos sur la stabilité du régime et la situation stratégique à venir de la péninsule.

En août dernier, attentif à ménager le souci de stabilité et de statuquo, une des épines dorsales de la stratégie de Pékin, le Département d’État avait publiquement assuré que l’objectif de Washington n’était pas l’effondrement du régime ; que, même en cas d’ébranlement accidentel de la situation, les forces américaines présentes au sud ne s’installeraient pas au nord et que Washington ne chercherait pas à accélérer la réunification entre les deux Corée.

Pour autant, sur la question clé des conditions d’une reprise du dialogue, Pékin et Washington, n’ont pas réussi à trouver un terrain d’entente.

Désaccord sur les conditions du dialogue.

Alors que l’un et l’autre n’ont pas la moindre visibilité sur la possibilité que nombre d’observateurs considèrent comme improbable, d’un assouplissement de la position fermée de Pyongyang refusant de renoncer à l’arme nucléaire dont le régime dit qu’elle n’est pas négociable, Washington a, jusqu’à présent, refusé d’examiner la proposition de Pékin datant de mars 2017 d’un moratoire sur les programmes nucléaire et balistique nord-coréens en échange d’un arrêt des nombreux exercices de l’alliance conjointe dont certains sont conduits avec le Japon et l’Australie, parfois le Canada et des observateurs de l’OTAN, à un rythme qui ne faiblit pas [2].

L’exercice Vigilant Ace qui s’est déroulé du 4 au 8 décembre dernier, a même été un point d’orgue rassemblant pour 5 jours sur la péninsule 12 000 hommes sud-coréens et américains, 230 aéronefs dont 6 F-22 « Raptor », 18 F-35 de la dernière génération d’avions furtifs et des Bombardiers stratégique B-1 américains, dont McMaster, conseiller à la sécurité nationale expliquait récemment qu’ils étaient une réponse au test du missiles Hwasong-15, le 29 novembre dernier.

Note(s) :

[1Se conformant aux sanctions de l’ONU, en septembre 2017, Pékin a ordonné la fermeture dans les 4 mois de toutes les sociétés nord-coréennes opérant en Chine, imposé un embargo sur les produits dérivés du pétrole exportés par Pyongyang et interdit les exportations de textiles chinois vers la Corée du Nord. Il reste que Pékin est toujours réticent à réduire ses exportations de pétrole. A cet effet elle s’appuie sur les quotas humanitaires onusiens destinés à réduire l’impact sur les populations des embargos sur les exportations des matières premières d’énergie.

[2Echaudée par l’agression communiste de 1950 et l’attaque de commandos nord-coréens contre la « Maison Bleue », siège de l’exécutif à Séoul en 1968, l’alliance conjointe Séoul – Washington dont il faut rappeler qu’en cas de conflit elle passerait sous contrôle opérationnel américain, met en œuvre toute une panoplie d’exercices organisés chaque année au printemps et à l’été. Ils vont des exercices cadres informatisés aux déploiements de grande envergure accumulant sur la péninsule d’importantes troupes et équipements que Pyongyang dénonce comme autant d’agressivités.

On citera « Fol Eagle » qui étudie l’entraînement logistique et les procédures d’acheminement des renforts venant des États-Unis, y compris les équipements et personnels des opérations spéciales, les moyens aériens et navals, les unités amphibies du corps des « Marines » ; il est jumelé avec Key Resolve (exercice sur ordinateurs destinés à entraîner les PC) ;

Ulchi-Freedom Guardian, ancien Ulchi-Focus Lens, du nom du général Eulji, commandant les armées du royaume de Goguryeo. Rebaptisé en 2015, il est un exercice de simulation par ordinateurs d’engagement opérationnelle des forces sur la péninsule. « Vigilant Ace » dont une session vient d’avoir lieu du 4 au 8 décembre est un exercice mettant en œuvre les forces aériennes.

L’alliance conjointe est consciente des risques portés par une telle accumulation des forces sur la péninsule. Mais elle considère que les avantages stratégiques l’emportent sur les inconvénients qui portent un risque d’escalade ou même de dérapages militaires.


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