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›› Chronique

Hong Kong, rappels historiques et essai de perspective

Le week-end dernier a eu lieu la 3e manifestation dépassant le million de personnes depuis le début du mouvement, il y a 12 semaines. Estimée à 1,7 million de personnes rassemblées dans le parc Victoria, sous une forêt de parapluies, la manifestation a signalé à la fois un changement de tactique et un remarquable sens de la cohésion et de la discipline, suivant à la lettre les consignes pacifiques du « Front pour les droits civiques », principal moteur des protestations.

Cette fois, le 18 août, la manifestation a commencé par un rassemblement approuvé par la police à Victoria Park. Elle s’est ensuite rendue à pied à Central, bravant les interdictions. L’absence de violence a contrasté avec les week-ends précédents quand des affrontements sanglants entre manifestants et policiers se sont multipliés à travers la ville, obligeant les autorités à fermer l’aéroport le 12 août dernier.

Comme l’écrit le WSJ, loin de se déliter, l’ampleur du mouvement exerce une forte pression sur les responsables locaux et sur Pékin.

Les manifestations expriment 5 revendications : 1) Retirer définitivement la loi sur l’extradition ; 2) Cesser d’utiliser le mot « émeute » pour caractériser le mouvement ; 3) Relâcher sans condition les manifestants arrêtés ; 4) Ordonner une enquête sur le comportement de la police ; 5) Enfin, la plus inacceptable pour Pékin qui entend vérifier l’allégeance des candidats avant de les autoriser à faire compagne : mettre en œuvre un authentique suffrage universel pour l’élection du gouverneur.

La suite de cette note qui revient sur l’histoire depuis les guerres de l’opium jusqu’à la rétrocession, analyse l’attitude de Pékin et propose une perspective.

Histoire des humiliations et de la rétrocession.

La question de Hong Kong, comme d’ailleurs celle de Taïwan, est l’angle mort de la politique intérieure chinoise. Celle de l’expression populaire occultée par un nationalisme de plus en plus affirmé qui tient lieu de légitimité au Parti.

Pour l’heure, en Chine, les émotions à propos de Hong-Kong et Taïwan fermentent clairement et sans équivoque en faveur du régime. Elles renvoient en effet aux douloureuses et humiliantes réminiscences de la fin du système dynastique. Ce puissant craquement de l’histoire chinoise (1911) fut précédé par les guerres de l’opium (la 1re de 1839 – 1842) par lesquelles l’arrogance commerciale britannique qui n’avait pas de limites, imposa militairement à la Chine le plus vaste trafic de drogue de tous les temps.

*

Le problème de Hong Kong date de cette époque, quand, au traité de Nankin (1842), l’empire finissant accepta de céder définitivement l’Île au Royaume Uni. A ce moment la Chine comptait déjà plus de 300 millions d’habitants, tandis que l’Île de Hong Kong, petit port de pêche, n’abritait que 8000 âmes, dont le nombre enfla très vite, conséquence de l’instabilité de l’Empire ayant provoqué un afflux de réfugiés.

En 1860, la Chine continuait de sombrer inexorablement. Les Occidentaux se partageaient l’Est de l’Empire. La France à Zhanjiang près de Canton, Londres, le Nord du Shandong, la Russie l’actuelle province du Liaoning avec Port-Arthur. A cette occasion, les possessions anglaises de la région de Hong Kong s’agrandirent de la péninsule de Kowloon (« Neuf dragons » en cantonais). 1860 fut aussi l’année du sac du palais d’été détruit par les troupes franco-anglaises dont Pékin conserve scrupuleusement les ruines.

Près de 40 ans plus tard, à moins de 15 ans de l’effondrement du système dynastique chinois, l’époque était celle de l’impératrice douairière Cixi, de la guerre des Boxers et de la défaite de la Chine vaincue par les « 8 Nations » dont tous les lycéens chinois connaissent la liste enseignée à l’école : les empires austro-hongrois et allemand, la France, le Royaume d’Italie, les empires japonais et russe, le Royaume-Uni et les États-Unis.

Ces réminiscences nourrissent une rancœur contre l’Occident qu’on aurait tort de négliger.

Alors que le Japon, l’ennemi héréditaire réussissait sa modernisation par la marche forcée de l’ère du « Meiji  » et infligeait au vieil empire la cuisante défaite militaire de 1895 dont la conséquence fut l’occupation de Taïwan par le Soleil Levant jusqu’en 1945, la Chine manquait une nouvelle fois la marche du progrès et dut en 1898, céder à bail « Les nouveaux territoires » pour une durée emphytéotique de 99 ans.

C’est cet ensemble qui forme aujourd’hui la Région Administrative Spéciale (R.A.S) de Hong Kong. L’Île de Hong Kong (香港, port aux parfums, 80 km2, objet du traité de Nankin ) cédé en 1848 ; La péninsule de Kowloon (九龙半岛- 9 dragons) au nord de l’Île séparée d’elle par un canal de 900 m formant Victoria Harbor (abandonné par la Chine à la convention de Pékin en 1860), et les « Nouveaux Territoires » (950 km2) jouxtant la province de Canton au nord (convention à bail de 1898).

Le tout est revenu à la Chine le 1er juillet 1997 - au bout des 99 ans du bail des Nouveaux Territoires et 156 ans de règle britannique -, lors d’une cérémonie à laquelle assistait le Prince Charles où fut définitivement amené « l’Union Jack » remplacé par l’Orchidée Blanche de Hong Kong et le drapeau rouge à 5 étoiles.

On notera au passage que seuls les « Nouveaux Territoires – 新界 » faisaient l’objet du bail obligeant juridiquement une restitution à terme, tandis que l’Île et la péninsule de Kowloon en étaient exclus. Londres céda cependant aux pressions chinoises faisant valoir que le retour de la péninsule de Kowloon et de l’Île elle-même ne serait pas négociable.

L’accord Sino-Britannique fut rendu public aux NU le 12 juin 1985, par une déclaration conjointe qui stipulait, entre autres et, pour nous limiter à ce qui est le plus important dans la crise présente, que la R.A.S serait régie durant 50 ans par le schéma « Un pays deux systèmes », imaginé par l’esprit infiniment pragmatique et souple de Deng Xiaoping, dont la cruauté du destin a fait qu’il est décédé en février 1997 à 92 ans, 4 mois avant la rétrocession.

L’homme était un nationaliste pur et dur trempé dans le marxisme, Commissaire politique de la 2e armée de marche, compagnon de Mao, mais vertement critique de ses dérapages idéologiques radicaux, qui précipitèrent la Chine au fond d’un abîme de désordres durant la révolution culturelle.

Ouvert aux investissements étrangers, il ferma cependant le pays à toute réforme politique, le 4 juin 1989, quand il ordonna à l’armée de réprimer les manifestations étudiantes de Tian An Men élargies aux intellectuels et aux ouvriers qui protestaient contre la corruption et réclamaient la démocratie.

Personne n’en parle, mais il faut rappeler que l’arrangement « un pays deux systèmes  » fut aussi imaginé par Deng à une époque où Hong Kong, certes non démocratique et régie par un Gouverneur nommé par Londres, était infiniment plus développée que la Chine. Dans l’esprit de Deng, il s’agissait aussi d’empêcher l’humiliation publique pour le régime, que les masses chinoises déferlent vers le sud en désordre.


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