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Irrémédiables abysses du déficit extérieur et menaces sur le nucléaire

Nicole Bricq, notre ministre du Commerce Extérieur vient de passer à Pékin.

Le déficit du commerce extérieur de la France avec la Chine représente approximativement un tiers de notre déficit total soit environ 27 milliards d’euros.

A ce niveau, on peut décemment parler d’abysse plutôt que de trou.

Devant une situation à la limite du désastreux, un redressement s’impose. La ministre a, certes, utilisé un langage plus ferme où l’on sentait, au moins sur le plan rhétorique, une volonté de plus s’en laisser compter et d’avoir avec nos partenaires chinois un dialogue franc et direct. Pouvons-nous pour autant parler de changement ?

On peut en douter. Dans le même avion que la ministre, arrivait Martine Aubry, chargée de mission du gouvernement qui affiche, sans aucune coordination et sans dialogue apparent, les mêmes objectifs que la ministre. Devant les enjeux affichés, comment pouvons-nous être aussi naïfs pour croire que nos amis chinois ne vont pas profiter de cet ordre dispersé pour enfoncer des coins dans les interstices de notre fermeté de façade ?

D’autre part, le dispositif en place est toujours centré sur Ubifrance et les services économiques régionaux, avec des petits mots gentils pour les CCI et les CCE, histoire de ne pas heurter les sensibilités. Ce dispositif a pourtant largement fait les preuves de son incompétence et de son inutilité. Il serait sans doute plus utile de le repenser plutôt que de sans cesser le « re-panser ».

Les cibles restent plus ou moins les mêmes : comme les américains qui se mobilisent pour sauver le soldat Ryan au milieu d’une guerre sans pitié, nous continuons pour notre part à tout mettre en œuvre pour sauver, encore et encore - et ce depuis plus de trente ans -, le mythique concept de la PME. Une PME qui, soit dit en passant, disposerait de forts atouts sur le plan international, mais qui, chose curieuse, n’aurait pas encore découvert les avantages du marché chinois.

Seule nouveauté, la sélection de trois secteurs prioritaires : 1) mieux vivre, 2) mieux manger, 3) mieux communiquer. Si, pour cause d’embargo, on oublie les Rafales, les chars Leclerc, les AUF1, les missiles, les hélicoptères d’attaque et autres engins de dialogue musclés, il nous reste, pour combler notre déficit, les sofas de chez Roche Bobois, les parfums de Grasse et les camemberts moulés à la louche. Entreprise à peu près aussi ambitieuse que de colmater une rupture de la carotide avec un coton-tige.

Hormis le secteur aéronautique, où l’on peut considérer que nous réalisons des ventes à la hauteur de nos ambitions, qu’avons-nous à vendre à la Chine ?

La ministre a pointé le secteur nucléaire. Mais là encore nous restons embourbés dans un schéma de coopération et de transfert de technologie qui s’est transformé, au cours des 20 dernières années, en achat de quelques réacteurs et en pompage massif de technologies. Pourtant, c’est l’un des rares secteurs où nous avions quelque chose à vendre et où, au fond, nous ne sommes parvenus qu’à nous faire piller.

Soyons réalistes, pour réellement amorcer un rééquilibrage de notre commerce extérieur, compte tenu de notre savoir-faire actuel, la Chine ou les Chinois devraient nous acheter des quantités d’articles qu’ils se refusent d’acheter, ou que nous n’avons pas été capables de vendre : par exemple, 50 centrales nucléaires, 300 trains à grande vitesse, 300 000 Mégane Renault et autant de Peugeot 508. Cette liste n’étant, bien entendu, pas exhaustive.

Il ne faut pas être grands clercs pour voir que même en ne rêvant que de 10% de cette liste, on parle déjà de choses qui fâchent et qui vont à l’encontre de la sacro-sainte liberté du commerce et de la stratégie industrielle et commerciale de nos « grands amis » chinois.

La meilleure façon de réduire au plus vite le déficit de notre commerce extérieur et de nous assurer dans le futur des relations commerciales plus équilibrées serait, dans un premier temps, de réduire massivement nos importations de produits chinois.

Sommes nous vraiment prêts à franchir ce pas ? Aurons-nous le courage de les affronter et de nous donner les moyens de gagner cette bataille qui passerait nécessairement, dans un premier temps, par une dégradation massive de nos fameuses si bonnes relations bilatérales, avec à la clé une guerre commerciale ?

Ou préférons-nous continuer à nous bercer de douces illusions et attendre encore quelques années pour pouvoir chanter victoire parce que nous auront finalement réussi à vendre deux nouveaux cœurs nucléaires à nos amis chinois en échange du fait que nous leur auront vraisemblablement octroyé la permission de nous tailler des croupières, avec notre propre technologie, sur tous les autres projets nucléaires sur le marché international ?

Sans parler de l’affaiblissement de la filière nucléaire française, mise en difficulté, non seulement par l’idée d’EDF de faire construire les centrales nucléaires françaises en Chine, mais aussi par la concurrence chinoise à l’export. Celle-ci ayant, grâce à une manipulation de droit de propriété, bénéficié de nos technologies réajustées à la marge, comme celles du TGV de Kawasaki.

Un faisceau de nouvelles circonstances néfastes dont la conjonction pourrait assez vite provoquer de graves difficultés pour la cohorte de sous traitants français du secteur et une perte irrémédiable de savoir faire. C’est à dire qu’on aura atteint l’objectif très exactement inverse de celui affiché par le gouvernement, qui est, chacun l’entend et le comprend, de réindustrialiser la France.


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Par Caligula Le 14/03/2013 à 13h50

Irrémédiables abysses du déficit extérieur et menaces sur le nucléaire.

Bonjour,

Il existe un mot ; un mot qui déplait au gouvernement français-mais qui est de plus en plus utilisé par le reste des pays européens industrialisés voire même par les USA-un mot qui si il est prononcé par un ministre en charge lui vaut une remontrance rapide et sévère ; un mot qui fait dresser les cheveux (quand il leur en reste) sur la tête des patrons qui ont massivement investit en Chine en espérant des retours sur investissement qui ne viendront jamais ; enfin, un mot qui permettrait-peut-être-de relancer notre industrie, ou du moins de ralentir l’hémorragie ; ce mot est : le protectionnisme.

Certes, il ne fait pas tout, il va même à l’encontre de la politique européenne, mais il peut faire bouger les choses. Prenons le cas des moteurs d’avions, ou plutôt celui des turbo-réacteurs ; que ferait la Chine, si aucune entreprise, aucun gouvernement ne voulait jouer la carte du transfert de technologies ? Mis à part former des ingénieurs, et cela prend du temps, la seule solution c’est l’achat, ou l’espionnage. Mais ce dernier à des risques...

Il me semble qu’on prend le problème à l’envers. Qui est le demandeur ? C’est bien la Chine, non ? Qui est dans l’urgence ? La chine aussi ! Dans ce cas-là, pourquoi est-ce aux entreprises de se plier à ses volontés (au-delà des aspects purement économiques, j’entends) ? Demandez à votre plombier qui vient vous dépanner à 01h00 du matin, un dimanche, si il peut, en plus vous apporter les croissants ? Il le fera peut-être, mais à quel prix ?

Non, c’est bête à dire, mais une des rares choses que la France peut espérer vendre à la Chine, se sont des services : traitement des eaux, des déchets, recyclage etc, etc.

Salutations.

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