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« Kan Bing Nan, Kan Bing Gui ». Malaise dans les hôpitaux chinois

Décidément Chen Zhu, le ministre de la santé a fort à faire pour résoudre les contradictions nées de trop faibles investissements publics dans le secteur de la santé, qu’il dénonce depuis longtemps. Le 23 mars, un grave incident à l’hôpital provincial de Harbin a jeté un froid dans la santé publique chinoise, qui signale un fort mécontentement des patients, en dépit des réformes en cours.

Incident à Harbin.

Bien qu’en hausse rapide depuis 2008, les salaires des docteurs débutants sont toujours inférieurs à 400 € par mois. Une situation difficilement supportable en Chine, où nombre de projets d’affaires connectés avec l’oligarchie produisent des revenus au moins 10 à 20 fois supérieurs, parfois bien plus, et en général dans des proportions sans commune mesure avec les revenus de la classe moyenne.

Dans ce contexte, les médecins mal payés font feu de tous bois pour rehausser leurs salaires et se donner de la « face », dans une société où le statut et l’influence - shili 实力 - sont en partie tributaires des revenus. Sur-médication, pots de vins, commissions, trafics d’informations sur les mourants à destination des entreprises de pompes funèbres, prescriptions et examens inutiles, sont des pratiques courantes, connues de tous. Elles provoquent la colère des patients, déjà excédés par les longues heures d’attente.

Le malaise a pris une tournure dramatique quand, le 23 mars dernier, à l’hôpital provincial de Harbin, Wang Hao, un interne âgé de 28 ans a été assassiné à coups de couteau par un jeune patient de 17 ans atteint d’une maladie inflammatoire de la colonne vertébrale, qui, par la suite, a tenté de se suicider. Maîtrisé par le personnel de l’hôpital, le jeune désespéré qui a également blessé deux auxiliaires de santé, a expliqué son acte en évoquant les difficiles relations avec les médecins qui, a-t-il dit, ne « voulaient pas le soigner ».

Le 24 mars, une circulaire provinciale imposait l’installation de systèmes d’alarme et de surveillance ainsi que des procédures de contrôles, destinés à renforcer la sécurité des personnels médicaux. Le ministère y ajoutait une directive recommandant d’améliorer la communication entre les équipes soignantes et les malades.

L’incident qui a choqué les personnels de santé dans toute la Chine n’est pas isolé. Le 29 mars, le China Daily publiait un article expliquant qu’en 2010, 17 000 incidents violents avaient affecté 70% des établissements de santé. La même semaine, le ministère de la santé révélait qu’en 2011 plus de 5000 personnels de santé avaient été blessés au cours d’altercations avec des malades. Internet et Sina Weibo aidant, la nouvelle de l’agression s’est propagée comme une trainée de poudre, révélant la vindicte des patients et jetant le désarroi au sein des professions médicales.

Répondant à une enquête mise en ligne par le Quotidien du Peuple qui ne s’attendait pas à autant de rage, 65% des internautes avouaient que l’agression ayant provoqué le décès du jeune docteur les avait réjouis. Seuls 14% étaient en colère contre l’agresseur et moins de 7% exprimaient de la tristesse. Effacés du site par un responsable inquiet des conséquences de son initiative, les résultats ont cependant été rapidement transmis à des dizaines de milliers de destinataires par les réseaux sociaux.

Après quoi, les commentaires explosèrent sur le manque d’éthique des médecins, les défauts de l’organisation, articulée autour des impératifs de profits plutôt que des critères d’un service public, le coût des traitements et des médicaments, l’attente interminable et la difficulté d’accès aux spécialistes.

Mais, conscient que le net et les réseaux sociaux véhiculent aussi des réactions épidermiques, dont il faut se méfier, le China Daily publia un contrefeu. Il s’agissait du plaidoyer pro domo d’un gynécologue connu à Pékin, expliquant qu’il avait choisi la profession médicale, dont les avantages matériels étaient en effet inexistants, essentiellement avec le souci d’alléger les souffrances de ses semblables. Il ajoutait que les réactions publiques au drame de Harbin l’avaient profondément blessé et désorienté.

Mis en ligne sur Sina Weibo, le cri du cœur du professeur lui valut des milliers de réponses encourageantes qui mirent un peu de baume au cœur des médecins chinois. Il s’avérait que la majorité des patients respectait les docteurs, tandis que la volée de critiques vilipendait surtout l’organisation mercantile de la santé publique.


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