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L’esturgeon sauvage et l’écologie du Yangze

Le samedi 26 décembre, le Comité Permanent de l’assemblée Nationale a proposé une loi qui sera votée en mars pour protéger le bassin du Yangze et ses vallées adjacentes. Première du genre, la législation, 中华人民共和国长江保护法, traite de la pollution de l’eau et de la protection des espèces menacées. Elle envisage aussi de déplacer les usines chimiques polluantes de la vallée.

Traversant 11 provinces depuis le Qinghai jusqu’à la région de Shanghai, baignant des territoires où vivent plus de 400 millions de Chinois produisant 45% du PIB, le Fleuve, long de 6300 km, souffre depuis la montée en puissance économique du pays, il y a quarante ans, de graves pollutions déversées par les usines installées sur ses rives.

Unifiant les législations déjà existantes, la nouvelle loi interdit les usines chimiques à moins d’un km des rives et oblige à les relocaliser en amont. Elle met aussi l’embargo sur le transport des matières toxiques sur le fleuve par péniche dont les opérateurs risquent une amende de 5 millions de Yuan (765 000 $).

La conscience écologique nouvelle vise aussi à corriger les dégâts causés par la pèche extensive, qui, combinée aux barrages a conduit à la quasi extinction de certaines espèces comme l’esturgeon sauvage dont il ne reste plus que quelques centaines [1].

Cet été, la province de Shanghai a promulgué une loi – c’était aussi une première - pour protéger l’esturgeon sauvage dont certains individus peuvent mesurer 4 mètres et peser 300 kg. La législation, entrée en vigueur le 6 juin, est impitoyable. Elle interdit la production, la vente, le transport, la publicité et la consommation de l’esturgeon chinois.

Les responsables de la conservation convaincus de négligence ou d’infraction, seront sanctionnés. Bien que des milliers d’esturgeons d’élevage furent à plusieurs reprises relâchés dans le fleuve à partir de 1984, il n’est cependant pas certain que l’espèce pourra être sauvée. Il en va de même, pour le fleuve, dont la pollution est documentée par une myriade d’études.

Depuis quelques années, la bonne nouvelle est la prise de conscience écologique du pouvoir chinois. Le temps n’est plus où, au sommet sur le climat de Copenhague en 2009, la Chine s’était placée à la tête des pays en développement, réclamant le droit de polluer à leur tour.

Prise de conscience politique.

Aujourd’hui, l’évolution des mentalités est incontestable et Xi Jinping lui-même appelle, comme son prédécesseur, à la fin du « développement destructeur 破坏 发展 ». Le réveil est pressé par les risques sociaux et politiques posés par les dégâts infligés à l’environnement auxquels la population est de plus en plus sensible.

La pression de l’opinion est visible quand de temps à autre, refait surface le drame des « villages cancer -癌症 村 aizheng cun », où les riverains frappés par des affections allant des maladies de peau aux cancers de l’œsophage et du foie, à l’origine de trois fois plus de décès que la moyenne.

Les rapports citent l’histoire du village de Shenqiu, dans le Henan 200 km au sud de Zhengzhou, sur la rivière Huai et gravement pollué par les tanneries et le papeteries où la proportion des cancers, neuf fois plus importante qu’ailleurs, a produit un exode.

Mais les choses avancent. A Shenqiu, les usines mettent la main à la poche pour installer des stations d’épuration. En aval du barrage des trois gorges, la ville de Yichang donne l’exemple en fermant 134 usines chimiques. Au Hunan les autorités utilisent des drones équipés de caméras infra-rouges pour cibler les usines qui déversent des déchets dans le fleuve.

Ces initiatives publiques s’ajoutent à celles de mouvements associatifs comme celui de Huo Yalun. Artiste devenu militant de l’environnement, il a trouvé des financements pour installer des filtres à eau capables d’alimenter plus de 100 000 riverains.

Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Mais l’espoir renaît. A près quinze années d’efforts, de petits projets d’épuration de l’eau des puits filtrée par osmose inverse, et maintenant l’implication des pouvoirs publics, Huo voit que les villageois prennent l’eau filtrée qu’ils payent par leur téléphone portable, à moins d’un Yuan le litre, soit 10 fois moins cher que l’eau en bouteille. Les rives reviennent à la vie et, après trente ans, les oiseaux sont de retour.

Note(s) :

[1En cette période de fêtes, impossible de passer sous silence qu’avec l’élevage de plus de 100 000 esturgeons du lac au mille îles 千岛湖 qiandaohu -, grand comme le lac Léman, à 5 heures de route au sud-ouest de Shanghai, l’entreprise Kaluga Queen, devenue n°1 du secteur, a conquis plus 30% du marché mondial du caviar.

Il y a un an, le journal Les Echos y avait consacré un reportage.


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