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L’offensive des véhicules électriques chinois

Le 2 septembre, le mensuel d’économie–finances « Capital » faisait état de l’arrivée surprise dans le « top 10 » des ventes en France de voitures entièrement électriques du SUV chinois MG ZS EV (659 unités vendues en août).

Avec un prix très agressif 29 990 € (contre plus de 37 850 € pour le SUV de Peugeot e-2008), ce pionnier de l’automobile électrique chinoise en Europe est produit par MG Motors, filiale de SAIC Motor Europe, appartenant au groupe public Shanghai Automotive Industry Corporation (SAIC).

Pour modérer l’enthousiasme des adeptes de ce véhicule carrément « low cost » qui propose cependant les dernières innovations en matière d’amortisseurs et de freinage régénératif, précisons tout de même que son autonomie n’est que 263 km contre les 320 km du SUV Peugeot et 455 km du coréen Kia-niro.

Les temps de recharge sont classiques : 40 minutes à partir d’une borne ; 12 heures à une prise 220 V ou 7h30 à partir d’une borne triphasée type Wallbox offerte par la marque.

En réalité, alors que les chiffres des exportations chinoises de véhicules électriques restent encore modestes, la percée de la marque « MG » sur le marché français est un bon indicateur des vastes ambitions des constructeurs chinois se bousculant aux portes du marché européen. A côté des États-Unis, l’appétit chinois cible principalement l’Europe, notamment les marchés allemand, britannique, belge, et norvégien. Ce dernier étant, à ce stade, le plus réceptif aux voitures électriques.

Une planification offensive à long terme.

La stratégie s’appuiera sur les centres de R&D établis par les groupes chinois en Europe [1] ; sur les réseaux de Joint-ventures déjà éprouvés ; sur la participation chinoise dans le capital de groupes comme PSA partenaire du Chinois Dongfeng et sur les marques européennes tombées dans l’escarcelle chinoise, notamment du Groupe Geely 吉利 汽车.

Ce dernier a racheté plusieurs européens comme Volvo (2010) ainsi que les Britanniques « London Electric Vehicule Company » (2013) et « Lotus Cars en 2017 ».

Il a aussi noué des coopérations industrielles ou commerciales avec l’Allemand Daimler, le Français Renault et le Suédois Polestar (racheté par Volvo et Geely qui détiennent chacun 50% du capital).

L’offensive chinoise des véhicules électriques en Europe s’articule à cinq piliers.

1) Les atouts d’implantation et de coopération évoqués plus haut dont les Chinois espèrent qu’ils favoriseront l’export, notamment en procurant les bases des réseaux de clients et d’un indispensable service après-vente ;

2) Le réseau de centres de R&D associés à des capacités de stockage capables d’adapter les produits chinois aux marchés locaux, bases d’un circuit commercial indépendant.

3) La production locale d’éléments clés comme les batteries. Outre que les usines locales de batteries que les fabricants chinois ont commencé à implanter en Allemagne, permettent d’éviter les taxes à l’importation, la délocalisation hors de Chine les rapproche du marché que constituent les groupes automobiles occidentaux.

Le schéma de délocalisation des fabricants de batterie pourrait servir de modèle pour la délocalisation d’autres équipements clés ou même la production de véhicules achevés. C’est en cours.

En Italie, par exemple, le géant automobile FAW Group est en train d’établir une usine à Reggio d’Emilie, près de Modène en JV avec l’Italien Silk-EV (ingénierie automobile et design) pour créer la première voiture de sport et de luxe électrique.

Détails édifiants, la production qui devrait débuter en 2023, accompagnée par un investissement d’un milliard d’€ sur trois ans, mettra sur le marché un véhicule portant le nom chinois de Hongqi (红旗 drapeau rouge), symbole de la plus ancienne voiture construite par la Chine communiste réservée aux hauts fonctionnaires de l’État dont la production avait cessé en 1981, avant d’être relancée en 1990.

4) Le quatrième volet est l’acquisition chaque fois que possible d’un constructeur européen. Encouragées, parfois soutenues financièrement par le gouvernement chinois, les rachats permettent de tirer profit de la renommée (Volvo par exemple) d’une marque connue, d’utiliser ses infrastructures et ses réseaux commerciaux et d’assimiler ses technologies et savoir-faire.

5) Le cinquième et dernier pilier de cette remarquable stratégie de conquête s’appuie sur la montée en gamme dans la chaîne de valeurs des constructeurs chinois, progressivement sortis de l’assemblage pour s’élever à hauteur de l’exigence d’innovation.

Ils explorent aujourd’hui les technologies des véhicules sans chauffeur et le procédé d’échange de batteries pour pallier la durée d’une recharge toujours voisine d’une demie-heure, contre seulement quelques minutes pour le plein d’une voiture classique.

En se plaçant en tête des dernières avancées technologiques ou d’utilisation pratiques des VE, les constructeurs chinois qui bénéficient au lancement de chaque innovation de la puissance sans équivalent du marché chinois, sont désormais, pour la première fois, en situation de définir des normes globales.

Alertes européennes et contre-attaque.

La bataille qui s’annonce n’a pas échappé à la Commission de Bruxelles qui considère que la compétitivité industrielle de l’Europe pourrait être menacée dans un secteur essentiel pour son équilibre socio-économique puisqu’il fournit 3,5 millions d’emplois.

Pour l’instant, le marché européen des véhicules électriques est principalement dominé par des marques européennes et l’Américain Tesla dont les prix moyens sont de l’ordre de 40 000 €. Mais la concurrence des marques chinoises encore plus subventionnées que les Européennes affiche des prix moyens à 30 000 €, dans un contexte général où les ventes chinoises sont globalement en hausse.

Lire : Prix des voitures électriques. En hausse en Europe, en baisse en Chine

Pour autant, ces prospectives optimistes articulées à une stratégie offensive soigneusement planifiée cachent quelques obstacles et lacunes qui laisseront sur le carreau une bonne partie de la longue cohorte des entreprises chinoises qui s’alignent à l’export. Seules seront en mesure de réussir leurs projets d’expansion à l’international celles qui surmonteront les difficultés et embuches des marchés occidentaux.

En tête, des lacunes, le manque d’expérience des opérateurs chinois sur les marchés occidentaux très exigeants en matière de service après-vente et de maintenance ; de plus, les groupes chinois devront consentir des investissements supplémentaires pour naviguer sans encombre ni sanctions dans la complexité accrue des règlements européens contrôlant l’automatisation numérique et la protection des données.

Viennent ensuite, dans la catégorie des représailles, les nouvelles tendances, en voie de durcissement exprimant une défiance à l’égard des méthodes commerciales asymétriques de Pékin. Les freins toujours présents à l’ouverture du marché chinois généreront en riposte des blocages et des droits de douane frappant les exportations chinoises ;

Un premier signe clair de raidissement politique du marché européen contre l’offensive chinoise fut, en avril 2021, l’opposition de l’exécutif italien à la vente au Chinois FAW du constructeur italo-américain IVECO SpA (véhicules industriels comprenant notamment les marques Iveco, Iveco Bus et Heuliez Bus.).

Enfin, après leurs premiers succès, les Chinois devront faire face au front uni des constructeurs européens regroupés en mode contre-attaque. Ainsi, en janvier 2021 est né « Stellantis », groupe automobile multinational, fusion de PSA et de Fiat Chrysler.

Avec un siège aux Pays-Bas, adoptant une stratégie de vastes regroupements, proche du style chinois privilégiant la puissance et la cohérence du nombre, le nouveau groupe européen exploite et commercialise de manière coordonnée quatorze marques automobiles dont Peugeot, Citroën, Opel, Jeep, Alfa Romeo Fiat et Maserati.

Le regroupement crée un géant de 400 000 salariés au capital de 47 milliards d’€ auquel, toujours sur le qui-vive - c’est de bonne guerre - , participe le Chinois Dongfeng à hauteur de 5,6%.

Avec un chiffre d’affaire net de 33,4 Mds d’€ en hausse de 14% au 2e trimestre 2021, le groupe qui a, à ce stade, vendu 1,5 millions de véhicules, détient déjà 23,6% du marché européen et 22,2% du marché sud-américain.

Note(s) :

[1Dans une très exhaustive analyse publiée par l’Institut Mercator, Gregor Sebastien rappelle que les groupes automobiles chinois ont établi pas moins de 15 centres de R&D en Europe.

La majorité d’entre eux se trouve au Royaume Uni (4) et en Allemagne (8), de loin la cible la plus courue de l’industrie automobile chinoise. Les trois autres sont en Autriche, en Espagne et en Italie.

Le fait qu’ils aient été ouverts par une dizaine de marques chinoises révèle à la fois une effervescence et une féroce compétition intra-chinoise. Les deux champions tenant pour l’instant le haut du pavé des R&D expatriés en Europe sont le groupe public BAIC (北京 汽车) – et le privé Geely 吉利 汽车 ayant chacun ouvert trois centres. En Allemagne et en Italie pour le premier ; en Allemagne et au Royaume Uni pour le 2e.


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