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›› Editorial

L’ UKRAINE, la CHINE, ses « initiatives globales » et la paix du monde

L’Amérique hésite.

Mais alors que la perspective de reconquête territoriale jusqu’en Crimée menace de prolonger indéfiniment le conflit, aux États-Unis, dont le puissant soutien logistique à l’Ukraine est la principale clé de la poursuite des combats, depuis le début de l’année 2023, plusieurs analyses opposées aux jusqu’au-boutisme des va-t-en-guerre suggèrent d’envisager rapidement une sortie négociée du conflit.

En janvier 2023, dans une note intitulée « Éviter une guerre longue  », la RAND CORPORATION, estimait que le prolongement du conflit portant le risque d’une conflagration générale et celui cataclysmique de l’emploi de l’arme nucléaire, n’était pas dans l’intérêt stratégique de Washington. Elle suggérait un plan de paix en quatre points destiné à inverser la spirale d’affrontement.

Chose étonnante, comme Pékin, elle ne faisait pas mention des questions territoriales et n’envisageait qu’un cessez-le-feu : 1) Clarifier les conditions futures du soutien américain à Ukraine ; 2) Prendre des engagements pour sa sécurité ; 3) En liaison avec Kiev, émettre des assurances concernant sa neutralité ; 4) Définir les conditions de levée des sanctions à l’encontre de la Russie.

Les propositions axées sur l’urgence de faire la paix faisant l’impasse sur la question du Donbass et de la Crimée, rencontrèrent l’hostilité de l’administration. Le 23 mars dans une audition budgétaire à la Chambre des Représentants, Antony Blinken qui répondait à une question de Chris Stewart représentant républicain de l’Utah doutant de la pertinence d’un soutien sans réserve à Kiev, rejeta l’idée d’un plan de paix à court terme.

Précisant qu’un armistice serait un piège que Moscou mettrait à profit pour reconstituer ses forces, il laissa cependant ouverte l’hypothèse d’une négociation à moyen terme. Autrement dit, Washington était prêt à soutenir l’Ukraine pour récupérer le Donbass, mais ferait pression sur Kiev pour que le statut de la Crimée annexée illégalement par Moscou en 2014, fasse l’objet de négociations.

Moins d’une semaine plus tard, le 28 mars, quatre jours après la publication par Pékin de ses « douze propositions pour le règlement de la crise ukranienne  » et un mois avant l’échange téléphonique, entre Xi Jinping et V.Zelinsky, le département d’État durcissait le ton.

Dans un forum virtuel, Antony Blinken et son homologue ukrainien Dmytro Kuleba mettaient en garde contre les illusions d’un cessez-le-feu qui n’exigerait pas le retrait des troupes russes.

« Nous devons tous être très conscients et méfiants de ce qui peut sembler être un effort bien intentionné, par exemple, pour appeler à un cessez-le-feu, aurait potentiellement pour effet de geler sur place le conflit, permettant à la Russie de consolider les gains qu’il a réalisés, et d’utiliser les délais pour reconstituer ses forces et reprendre l’offensive  ».

Et donc ? « Ce qui semble attrayant en surface – qui ne veut pas la paix ? – pourrait aussi être un piège très cynique face auquel nous devons être très prudents ».

Et l’Europe ?

A Paris, dans les cercles conservateurs qui se réclament de la grandeur gaullienne, a surgi la nostalgie de la puissance française capable d’emmener le « Vieux Continent » sur une « troisième voie  » démarquée de l’Amérique.

Dénonçant l’intrusion insistante de l’OTAN sur les marches de la Russie, véritable cause du conflit, ils se désolent que la paix européenne soit aujourd’hui à la merci de la rivalité entre Moscou et Washington, au milieu d’analyses sans nuances de commentateurs oubliant que l’Ukraine est un pays composite dont la culture et la mémoire plongent dans les influences rivales catholiques et occidentales à l’ouest, orthodoxes et slaves à l’est dont les ancêtres ont chassé l’empire turc après le milieu du XVIIe siècle.

Assez souvent cependant ces réminiscences historiques d’appartenance culturelle, passent sous silence les souvenirs des deux grands totalitarismes du vingtième siècle dont le premier effet, fut à la chute de l’URSS et par instinct de survie, la tentation ukrainienne de la « sécurité occidentale », très mal acceptée par le Kremlin.

*

Dans une note récente du « Cf2R », le « Centre Français de Recherche sur le Renseignement », Michel Pinton, polytechnicien, ancien collaborateur de Valéry Giscard d’Estaing au ministère des finances et ancien député européen, analyse l’impotence européenne au moment où, dit-il, le sort de la paix est abandonné à une « puissance lointaine et équivoque : la Chine ».

L’Europe qui aurait dû s’imposer comme « faiseur de paix » chez elle, en est incapable. Unie en apparence face à l’agression de Moscou, elle est en réalité divisée et privée de liberté de manœuvre par l’allégeance à Washington prônée par Bruxelles et les pays d’Europe Centrale et Orientale, toujours hantés par la menace russe.

Surtout, prenant le contrepied de la charte des nations-unies dont se réclament tous les acteurs, y compris la Chine, M. Pinton cautionne l’agression russe en rappelant les disputes entre les aspirations populaires divergentes ayant, en 2014, dégénéré en guerre civile, à l’origine, huit ans plus tard, de l’opération spéciale de Vladimir Poutine.

Pour lui, l’attelage entre Bruxelles et Washington se référant à une intégrité territoriale flottante, ne fait que cautionner un camp contre l’autre. Au lieu d’apaiser le conflit, il le nourrit en arc-boutant la stratégie à un impératif de souveraineté territorial mal assuré. Dans cet imbroglio de nationalismes sourcilleux qui prolonge le conflit, on cherche un arbitre.

En désespoir de cause, tandis que l’ONU est paralysée et qu’à la suite de Washington partie prenante, l’Europe est impotente, la nature ayant horreur du vide, la solution chinoise semble s’imposer comme un succédané.

Affichant l’ambition de promouvoir la paix et le développement planétaires, ralliant le sud global hostile à l’Occident, Xi Jinping et son conseiller stratégique Wang Huning, promu n°4 du Comité Permanent (voir sa bio : Membres du 20e Bureau politique), tentent, sur les plates-bandes stratégiques de Washington, de replacer la Chine au centre du jeu mondial.


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