Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Chine - monde

La crise iranienne, une aubaine pour la Chine ? Et l’Europe ?

Une vision globale de long terme.

Le 16 mai, la chaîne américaine CNBC rendait compte de l’augmentation significative des contrats pétroliers à terme libellés en Yuan chinois sur le marché de Shanghai créé le 26 mars dernier. Au milieu des doutes sur l’efficacité d’un marché politiquement contrôlé par l’État chinois comparé à la souplesse des instruments du marché pétrolier réglé de de manière indépendante depuis des décennies par West Texas Instrument (WTI) et Brent Futures, la brutale manœuvre de Trump a provoqué un doublement des contrats à terme de Shangaï.

Même si le brut iranien n’est pas coté à Shanghai et en dépit des craintes générées par le contrôle du régime chinois exercé sur le marché, le choc psychologique des restrictions américaines sur le Dollar a entraîné un engouement inattendu pour la nouvelle référence commerciale chinoise des marchés pétroliers dont la Chine est le 2e plus gros client. Dans le même temps, des paiements chinois du brut iranien en RMB s’effectuent déjà de manière oblique par le relais des banques russes.

Enfin, symbole de l’affirmation chinoise à contre courant des menaces américaines, signifiant l’intention de la Chine de passer outre les injonctions de Washington en Iran, le 10 mai, 48 heures après la volte-face américaine, Xinhua annonçait le départ d’un train de marchandises transportant 1150 tonnes de graines de tournesol de Bayannur en Mongolie vers Téhéran, soit un périple de 8352 km par le Kazakhstan et le Turkménistan.

La péripétie ferroviaire dont l’importance commerciale est toute relative, véhicule cependant un message concret lourd de sens accompagnant les promesses chinoises de porter la valeur des relations commerciales à 50 Mds de $ dès 2018.

*

A côté de la prolifération nucléaire iranienne et des interrogations sur la validité de la stratégie américaine de pressions tous azimuts contre l’Iran et ses propres alliés, les actuelles controverses isolant Washington posent aussi la question de la suprématie du Dollar devenu grâce aux lois extraterritoriales américaines le formidable outil d’une politique étrangère brutale et unilatérale tournant le dos à la persuasion et au dialogue.

La remarque relance l’hypothèse d’une monnaie concurrente du Dollar capable de couvrir les opérations commerciales avec l’Iran que Washington veut interdire au nom de l’extraterritorialité de ses lois.

Elle renvoie aussi aux interrogations sur la capacité de l’Europe de s’affirmer en contrepoids stratégique à l’Amérique alors qu’à ce jour, alliée de circonstance à une dictature théocratique et à la Russie de V. Poutine, tous deux recherchant comme Pékin un retour de puissance articulé à leur histoire, la Chine, s’éloignant des préceptes de gouvernance occidentaux et, dans certains cas comme en Mer de Chine du sud, de ceux du droit international, s’affirme, à sa manière, comme la seule force de compensation aux stratégies univoques de l’Amérique.

Et l’Europe ?

En corrélation à ces réflexions, la question se pose de savoir si l’Union Européenne serait suffisamment solidaire et efficace pour protéger ses entreprises engagées en Iran et menacées par les représailles de D.Trump.

Considérant la puissance des investissements américains et l’implication des banques américaines dans les seules sociétés françaises Total [3] et Engie, (ex-GDF-Suez), la réponse est dans la question.

Quant au remplacement du $ comme monnaie de réserve, le RMB n’en est qu’à sa phase balbutiante (lire : Le Renminbi accède au cercle fermé des monnaies de référence du FMI.) et l’Euro encore très à la traîne.

La réalité est que « l’Amérique désinhibée, outrancière et égocentrée de Trump, souligne surtout l’impuissance de l’Euro, 20 années après les espoirs de ses promoteurs. La monnaie unique est bien loin d’avoir placé sur un pied d’égalité économique, financière et diplomatique l’Europe et les États-Unis… »
« …L’euro n’a jamais remonté son handicap, ni comme unité de transaction, ni comme unité de compte ou de réserve. Sur le marché des changes les opérations $ demeurent 2 fois supérieures à celles en € ; les réserves sont au ¾ en $ et ce dernier supplante très largement l’€ dans le volume des prêts internationaux. L’hégémonie du $ demeure et reste source de privilèges exorbitants non partagées par l’Euro… ».

« L’Amérique de Trump joue sa partition en solo, au mépris total du nain diplomatique européen. Gendarme, gardien de l’ordre mondial, et toujours en proue pour mener les politiques d’endiguement des pays déviants ou menaçant son hégémonie, les États-Unis se sont dotés pragmatiquement d’un arsenal juridique coercitif. La justice américaine jouit d’une véritable extraterritorialité de ses mesures de sanctions contre laquelle les autorités européennes s’insurgent verbalement, sans jamais rien faire pour y remédier. (…)

« Pendant que l’Europe fait de ses excédents l’alpha et l’oméga de sa politique commune, qu’elle tente d’asseoir sa puissance sur ses créances, l’Amérique investit les excédents du monde pour consolider son ascendant énergétique, technologique et militaire. Ses dettes, autrement dit les excédents des autres font les socle de sa puissance. Une leçon que l’Europe n’a toujours pas assimilée ».

Voir : Olivier Passet, Directeur des synthèses de Xerfi (Le fiasco de l’euro face aux oukases de Trump.)

Note(s) :

[330% des actionnaires de Total sont Américains, tandis que les projets du groupe en Iran sont financés à 90% par les banques américaines. Ce qui réduit les chances du n°1 français du pétrole d’obtenir une dérogation pour échapper aux sanctions de Washington.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Au-delà de la reprise des contacts militaires, la lourde rivalité sino-américaine en Asie-Pacifique

Au Pakistan, des Chinois à nouveau victimes des terroristes

Munich : Misère de l’Europe-puissance et stratégie sino-russe du chaos

Au Myanmar le pragmatisme de Pékin aux prises avec le chaos d’une guerre civile

Nouvelles routes de la soie. Fragilités et ajustements