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La guerre mondiale des semi-conducteurs

Dans la guerre mondiale des micro-processeurs, les groupes américains et Samsung tiennent le haut du pavé. Mais Pékin fait feu de tous bois pour rattraper son retard, notamment en recrutant à grands frais les meilleurs talents mondiaux.


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La note qui suit est la transcription d’une émission du site Xerfi traitant de l’industrie mondiale des semi-conducteurs, par Mounia Van de Casteele.

Elle confirme la puissance des groupes américains, les lacunes chinoises, le caractère ultra compétitif du secteur et les efforts de la Chine pour rattraper son retard.

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XERFI / Mounia Van de Casteele : La trajectoire de l’industrie mondiale des semi-conducteurs soulève des questions économiques et géopolitiques des plus intéressantes. Elle révèle notamment combien le système productif chinois est encore fragile et comment ce pays use de stratégies nouvelles pour combler son retard.

Par nature hyper-compétitive car soumise au rythme incessant des innovations, l’industrie des semi-conducteurs progresse de 8,4% par an depuis 2009. Son chiffre d’affaire a dépassé 396 Md€ en 2018.

Les puces mémoires représentent encore plus du tiers de la valeur du marché du fait de l’importance des ventes de smartphones, PC et tablettes. Suivent ensuite les circuits intégrés logiques (23%), les microcomposants (14%) et les puces analogiques (12%). Mais l’offre des industriels s’ajuste.

La demande se tourne en effet vers des puces plus complexes et plus rapides avec l’avènement des réseaux 5G, l’essor du « machine learning » et du « cloud computing », tandis que la connectivité croissante des objets tire le potentiel du marché vers le haut. L’automobile, l’énergie, l’industrie, la santé et les « data centers » s’imposent comme de nouveaux relais de croissance.

C’est dans ce contexte que deux modèles économiques s’affrontent. D’un côté les acteurs verticalement intégrés, comme le sud-coréen Samsung et l’américain Intel, respectivement n°1 et n°2 mondial. L’autre modèle d’affaires c’est celui des américains Qualcomm, Broadcom ou Western Digital [1].

Traitant environ un quart des ventes mondiales, leur modèle est dit « fabless », sans usine, ces acteurs se focalisant sur la R&D et le marketing. Leurs revenus proviennent de la commercialisation des produits ou de licences d’utilisation.

Et bien que ce modèle ne soit pas plus efficient que le premier, il fait des émules : les groupes intégrés restructurent leurs portefeuilles d’actifs par des délocalisations d’usines ou l’externalisation de certaines activités.

Puissance des groupes américains.

A côté des 2 Coréens (Samsung, n°1 mondial et SK Hynix, n°4), du Taïwanais TSMC, n°3, du Japonais Toshiba, n°9, 6 groupes américains figurent dans les 10 premiers mondiaux des fabricants de micro-processeurs (Intel, n°2, Micron, n°5, Broadcom, n°6, Qualcomm, n°7, TI, n°8 et NVDIA, n°10).


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Les économies d’échelle et les effets d’expérience se révèlent aussi déterminants dans ce secteur et poussent à la concentration.

D’abord d’un point de vue capitalistique. Les 10 premiers acteurs totalisent 59% du chiffre d’affaires de l’industrie mondiale, une part en progression d’environ 13 points depuis 2006.

Ensuite au niveau géographique. Les trois quarts des capacités de production se localisent dans 4 pays d’Asie : Taiwan, Corée du sud, Japon et Chine.

Enfin, trois nationalités dominent ce top 10. Les firmes américaines sont surreprésentées. Deux groupes sud-coréens se positionnent en haut du classement. Les acteurs européens, eux, sont de plus petite taille du fait d’une focalisation sur des segments de marché spécifiques.

Et, fait rare dans un secteur industriel : les groupes chinois manquent à l’appel.

Efforts chinois de rattrapage.

La Chine fait feu de tous bois pour rattraper son retard. Alors que le pays est le 2e marché mondial des semi-conducteurs, les entreprises chinoises sont absentes du secteur. À l’heure actuelle, la Chine importe 84% de ses besoins en semi-conducteurs. 16% de ses semi-conducteurs sont produits localement, dont seulement la moitié sont fabriqués par des sociétés chinoises. « Made in China 2025 » vise, entre autres, à produire localement 40% des besoins en semi-conducteurs d’ici 2020 et 70% d’ici 2025. L’affaire Huawei encourage la Chine à accélérer le développement de son industrie nationale des semi-conducteurs. Les sociétés nationales de semi-conducteurs et les développeurs de logiciels sont en partie exemptés de taxes. En même temps Pékin recrute à grands frais des talents étrangers.


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La Chine s’est pourtant fixé des objectifs ambitieux dans ce domaine hautement stratégique pour atteindre le leadership dans l’intelligence artificielle et les technologies du futur. Il en va également de sa dépendance économique vis-à-vis de l’étranger.

Pour ce faire, la Chine investit dans de nouvelles usines. Elle structure aussi son industrie par des acquisitions d’acteurs locaux ou étrangers, sous l’égide du groupe public Tsinghua Unigroup.

Mais américains et européens se cabrent désormais sur la question de l’internationalisation des groupes chinois. L’affaire Huawei est là pour nous le rappeler. Pékin a malgré tout d’autres cordes à son arc. C’est le cas avec le plan « Mille talents » visant à faire venir ingénieurs, scientifiques et entrepreneurs, chinois ou non-chinois, grâce à de très grosses incitations financières... La guerre des talents est bel et bien déclarée !

Lire aussi :
- Coup d’œil sur le « high-tech » en 2016.
- L’impitoyable guerre des microprocesseurs. (Suite).

Note(s) :

[1Une mention particulière doit être faite pour Le concepteur américain de puces mobiles Qualcomm.

Dans le but de renforcer sa gamme de produits pour les smartphones 5G, ce dernier a en effet acquis pour 3,1 milliards de dollars (1,15 Mds de $ pour le prix des parts + 1,95 Mds de $ de paiements afférents) les parts (49%) de son partenaire japonais TDK dans leur entreprise commune RF360 Holdings Singapore,spécialisée dans la fabrication de pièces pour équipements de télécommunication qui gèrent les filtres de fréquence pour les équipements sans fil de quatrième et cinquième générations.

Notons enfin qu’en 2018, la Maison Blanche avait bloqué le rachat de Qualcomm par Broadcom au prix de 117 Mds de $. Raison invoquée : la nationalité malaisienne du PDG de Broadcom Tan Hock Eng soupçonné d’être trop proche des Chinois. « Il existe des preuves crédibles qui me portent à croire que Broadcom Ltd. pourrait prendre des mesures qui menacent de compromettre la sécurité nationale des États-Unis » avait déclaré D. Trump. Avec un salaire annuel de 103 millions de $, Tan est aussi le PDG le mieux payé aux États-Unis.


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