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›› Politique intérieure

La réunion annuelle des deux assemblées et la guerre en Ukraine. Décryptage

Alors que Xi Jinping a proposé sa médiation dans le conflit ukrainien en même temps que celles de la Turquie, de l’Allemagne, de la France et d’Israël [1], Pékin a, du 4 au 11 mars, tenu la réunion annuelle de ses deux assemblées (Lianghui : 两会). Comme en 2021, la durée des sessions a été réduite à une semaine pour tenir à distance le risque d’une résurgence de l’épidémie provoquée par les rassemblements de foule.

Cautions de son affichage de « démocratie interne » mise en scène par le Parti, les sessions annuelles de l’Assemblée Nationale 全国人民代表大会 et celle de la « Conférence Politique Consultative du Peuple Chinois 中国人民政治协商会议 » (CCPC), sont l’affichage annuel détaillé des actions de l’Appareil pour gouverner la Chine.

Débutant par un rapport du Premier ministre sur le bilan de l’année écoulée, essentiellement centré sur l’économie et la politique intérieure, il offre aussi une vue précise des positions de Pékin sur l’ensemble du spectre, par grande région, des relations internationales.

Cette année, au milieu des relations avec l’Inde, l’Asie Pacifique, l’ASEAN, le Pacifique-Sud, l’Amérique Latine, et la péninsule coréenne qui vient d’élire Yoon Suk Yeol un premier ministre conservateur, moins souple avec Pyongyang que son prédécesseur Mon Jae-in, ce qui inquiète Pékin, le cœur du discours du Ministre des Affaires étrangères Wang Yi a porté sur les relations de la Chine avec la Russie et les États-Unis dans le cadre du conflit en Ukraine.

De manière connexe, il a, lors de sa conférence de presse du 7 mars, évoqué sur un mode résolument positif, les relations avec l’UE que Pékin voit comme un contrepoids à Washington.

Il a cependant passé sous silence les tensions de mai 2021 sur la politique chinoise au Xinjiang ayant provoqué la mise en sommeil de la procédure de ratification de l’accord sur les investissements conclu en décembre 2020. Lire : Chine – Europe. Symbole d’un risque de dislocation globale, l’horizon de l’accord sur les investissements s’obscurcit.

Enfin répondant à des questions sur la situation des Nouvelles Routes de la soie dont certaines suggéraient un affaiblissement de l’élan initial, Wang Yi a annoncé le lancement par la Chine, chef d’orchestre des relations internationales sous son égide, l’Initiative de Développement Global (en Anglais GDI et en Chinois 全球发展倡议) que le Parti présente comme une preuve du « multilatéralisme » de la Chine opposé à la tentation hégémonique de Washington.

Dans un article du 24 janvier du site gouvernemental Gov.cn on pouvait lire que le « groupe des amis de l’Initiative mondiale » s’était réuni le 20 janvier à new York, marquant le lancement officiel du projet, en présence de Liu Zhenmin 刘振民, 67 ans, vice ministre des Affaires étrangères, ancien ambassadeur à l’ONU Genève.

Les chefs de plus de 20 agences des Nations Unies, étaient présents ou représentés dont le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les questions africaines, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, l’Administrateur adjoint Programme de développement et la Directrice exécutive adjointe de l’ONU femmes, la Jordanienne Sima Bahous.

Des émissaires de plus de 100 pays, dont plus de 80 ambassadeurs en poste, ont assisté à la réunion. A cours de la réunion Liu Zhenmin a rappelé la vison de Xi Jinping dont le but est d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, « aspiration commune de tous les pays en particulier du grand nombre de pays en développement ».

A cet effet la Chine, qui soigne ainsi ses réseaux d’influence par un nouveau projet vertueux de portée globale, a rappelé que l’objectif de « développement durable » est une tendance historique de tous les pays « qu’aucune force ne peut bloquer ».

L’affichage démocratique. Analyse politique.

L’exercice annuel des deux assemblées, dont le pouvoir de contrôle et même de proposition sont réduits, les décisions annoncées ayant été pour la plupart étudiées au sein des « groupes dirigeants » du Parti et arrêtées à l’avance par le Comité Central et le Bureau Politique, permet à l’appareil d’articuler son discours que le « modèle démocratique chinois » fonctionne mieux que celui de l’Occident.

C’est ce qu’affirmait encore une note du Conseil des Affaires d’État du début décembre 2021. Intitulée « China : la démocratie qui fonctionne – « 中国:行之有效的民主 », elle affirmait « qu’il n’y avait pas de modèle arrêté de démocratie ; et que celle-ci se manifestait sous de nombreuses formes -没有固定的民主模式;并且它以多种形式表现出来. »

Le document passait cependant et logiquement sous silence que le Parti unique règne sur 1,4 millions de Chinois sans tolérer la moindre opposition ; que le secrétaire général Xi Jinping a accédé au pouvoir par un processus politique opaque de cooptation interne sans élections libres ; et que l’appel public à la démocratie représentative et à l’indépendance de la justice est sévèrement puni, souvent par de longues peines de prison.

L’affabulation entretenue par l’appareil qui se targue d’une meilleure efficacité de gouvernance, d’un système méritocratique de sélection des élites plus performant et d’une stabilité socio-politique sans commune mesure avec celle des sociétés occidentales, répond à l’exigence politique essentielle de compenser l’absence d’un concept capable de légitimer une alternance pacifique à la tête du pays.

Retenons cependant que, comme le souligne, Zhang Xunchao dans East-Asia Forum du 27 janvier 2022, que toutes les enquêtes d’opinion attestent que l’opinion accrédite l’idée que le système politique chinois est démocratique. Qu’il sagisse des élites ou du peuple, les critères qu’ils retiennent ne sont ni institutionnels ni électoraux, mais de l’ordre de la performance.

Celle-ci s’exprime soit par les progrès socio-économiques soit renvoie, singulièrement depuis l’avènement de Xi Jinping, au projet d’effacer les humiliations infligées à la Chine au XIXe siècle et à celui de hausser le statut international du pays à niveau de « Grande puissance » comparable aux Etats-Unis.

Zhang rajoute cependant une contradiction dont le Parti s’accommode pour l’instant mais qui à terme pourrait créer des tensions internes, « Bien que la Chine contemporaine soit l’héritière d’une révolution socialiste, au-delà des cercles de gauche nostalgiques, dans l’imaginaire public, le marxisme orthodoxe (NDLR dont se réclame toujours Xi Jinping) ne peut plus être une alternative à la démocratie libérale. ».

Compte tenu de ce qui précède, il est facile de comprendre que ces contradictions internes pourraient survenir en cas de recul des performances ou dans l’hypothèse d’une saturation de l’esprit d’efficacité et de prouesses internationales, moteurs de la légitimité de l’appareil, et thèmes principaux de son discours politique.

Récemment, dans certains segments de la société, notamment chez des artistes, sont apparus quelques signes, encore ténus, mais remarquables, d’un désenchantement pour l’émulation et la concurrence avec l’Occident, cœur de la politique étrangère de Xi Jinping.

Lire à ce sujet notre article de juin 2021, décrivant un phénomène de lassitude et d’inertie, baptisé Tang Ping躺平 (restons couchés) : Le très faible enthousiasme pour la « politique des trois enfants ». Le mouvement a surgi au moment où, ayant pris conscience des effets indésirables de l’ancienne politique de l’enfant unique à l’origine de bien des drames et d’un tassement démographique, l’appareil décida de promouvoir « des familles à trois enfants. ».

Mais à ce jour, comme si elle était lassée des coups de barre intempestifs du régime, la société, ayant basculé dans un mode post-révolutionnaire, préoccupée des dépenses et des lourdes responsabilités d’une progéniture plus nombreuse, n’a pas encore répondu à l’appel officiel pour plus d’enfants.

Note(s) :

[1En se rendant à Moscou, le 5 mars, le premier ministre israélien Naftali Bennet, qui n’avait que peu d’espoirs de tempérer l’agressivité militaire russe, cherchait aussi à dissuader Moscou de faciliter la résurgence de l’accord iranien sur le nucléaire.


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