Your browser does not support JavaScript!

Repérer l'essentiel de l'information • Chercher le sens de l'événement • Comprendre l'évolution de la Chine

›› Société

La révolte de Linshui et les fantômes de l’histoire

Les 16 et 17 mai la population de Linshui manifeste pour réclamer le passage de la ligne de TGV dont le trajet a été détourné vers Guag’an.

Il y a 15 jours, la localité de Linshui située à 280 km à l’est de Chengdu dans le Sichuan, à 30 km de Guang’an, lieu de naissance de Deng Xiaoping, a été le théâtre d’un affrontement violent entre la police et plusieurs dizaines de milliers de manifestants (100 000 selon des sources locales) qui protestaient contre la modification du trajet de TGV reliant Dazhou à Chongqing devant initialement desservir Linshui, mais qui finalement, au prix d’un crochet d’au moins 100 km passera par la ville de Guang’an, chef lieu du district et rivale de Linshui dont les habitants s’estiment floués.

Alors qu’initialement les autorités de Linshui aussi énervées que la population, avaient laissé la manifestation prendre de l’ampleur, 100 personnes ont été blessées et des rapports non confirmés ont fait état de 4 morts. L’information sur les décès a cependant été catégoriquement démentie par les autorités qui rejettent la responsabilité des émeutes sur une quarantaine de fauteurs de troubles aujourd’hui en prison.

Les pouvoirs publics contestent également l’authenticité des vidéos aujourd’hui effacées ayant circulé sur les réseaux sociaux, montrant l’incendie d’un bus, une ambulance renversée et des manifestants maculés de sang molestés à coups de battons, tandis que d’autres jetaient des pierres contre les policiers.

Toutefois, selon des résidents dont les témoignages ont été recueillis par la radio américaine Radio Free Asia, le déclenchement des violences a été le résultat d’un engrenage néfaste attisé par la brutalité des forces de l’ordre et l’engagement de la Police Armée Populaire par le district de Guang’an contre des manifestants qui – selon les témoins furent à l’origine pacifiques – « nous nos sommes fâchés parce que la police a été brutale et a frappé des manifestants à la tête ; il y a une quantité de photos qui le prouvent, mais il est devenu impossible de les mettre en ligne ».

La brutalité de la répression fut, avec les frustrations de l’histoire, une des causes de la fureur populaire.

*

On peut évidemment expliquer l’incident par la déception du retard de développement et le sentiment d’injustice causé par la décision intempestive des autorités de modifier le trajet du TGV. Mais la violence de l’explosion sociale que le pouvoir tente de cacher, intrigue. Il y a certes dans toute la Chine centrale et occidentale un fond commun lié aux attentes de développement du grand Ouest 西部大开发 et au « désir de TGV ».

Des manifestations sur ce thème du développement ont déjà eu lieu à l’Est dans les régions de Dengzhou (Henan) et Xinye (Zhejiang) ; ou dans les districts Shaoyang et Loudi au Hunan. Et il est vrai que les attentes sont encore attisées par la publicité du régime autour des « nouvelles routes de la soie », articulées autour des autoroutes et des voies ferrées. Mais jusqu’à présent, rares furent les explosions de violence nourries par ce type de frustrations.

En examinant de plus près l’histoire de la région, patrie de Deng Xiaoping que Zhou Yongkang avait infestée de ses réseaux et dont le paysage administratif fut profondément modifié par la création en 1997 de la puissante municipalité autonome de Chongqing, ancienne capitale de Tchang Kai-chek, fief du très sulfureux Bo Xilai tombé en mars 2012, on est soudain en présence d’une radiographie de l’intérieur de la Chine, de ses réseaux, des rivalités impitoyables entre localités, clans et personnalités qui jette une lumière crue sur les arcanes de l’intérieur chinois que le pouvoir central a parfois du mal à maîtriser.

L’angle de vue qui tente de lier un incident local à l’histoire profonde d’une région a été exploré par Adam Cathart, maître de conférence à l’Université de Leeds et Li Wankun doctorant à Leeds et titulaire d’un licence de recherche obtenue à l’université Jiaotong de Shanghai.

Le travail met en évidence l’importance des infrastructures dans l’imaginaire administratif chinois « 要想富,先修路 – Yao xiang fu, xian xiu lu – qui veut la richesse commence par construire des routes ». Il fait surtout écho à la vieille formule de Mao, « 星星之火可以 燎源 xingxing zhi huo keyi liaoyuan - une petite étincelle peut enflammer la plaine », et propose une explication historique et politique à l’origine de l’étincelle.


• Commenter cet article

Modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

• À lire dans la même rubrique

Orage nationaliste sur les réseaux sociaux

Réseaux sociaux : La classe moyenne, l’appareil, les secousses boursières et la défiance

L’obsession des jeux d’argent et les proverbes chinois

Les tribulations immobilières de Liang Liang et Li Jun

Au fil des réseaux sociaux, les faces cachées des funérailles de Li Keqiang