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›› Société

Le crédit social. De l’utopie vertueuse à « Big Brother »

Le système chinois du « crédit social » alimente depuis quelques années les commentaires critiques glosant sur l’émergence dans le vieil et vaste Empire d’une utopie « orwellienne » de mise aux normes de la population grâce aux moyens décuplés de l’intelligence artificielle.

En Chine même cependant l’accueil est pour l’instant moins uniformément critique. Une enquête de terrain conduite par le South China Morning Post identifie au moins trois types de réactions.

Dans les campagnes de l’arrière-pays où n’ont pas encore pénétré l’intelligence artificielle et la reconnaissance faciale, c’est une sorte d’émulation de patronage qui domine ; en ville, dans le business privé et parmi les plus anciens c’est l’indifférence, parfois le dénigrement désabusé ; dans l’administration en revanche sévèrement reprise en mains depuis 2012, tout le monde se sent concerné. Soit qu’on adhère avec un empressement réel ou simulé, soit que commence à poindre l’exaspération face à l’ubiquité des contrôles.

Une expérience locale pilote.

A Roncheng, sise dans la préfecture de Weihai, à la pointe Nord-est du Shandong, « petite ville » de plus 600 000 habitants dont le nom date des Qing, mais qui s’enorgueillit d’avoir reçu la visite il y a 25 siècles du Qin, le premier empereur, le Parti expérimente le système de surveillance assorti de bonifications ou d’amendes. Il se nourrit d’enquêtes effectuées par des agents municipaux qui tiennent à jour un répertoire de bonus-malus, dont les critères vastes et variés ont tous à voir avec l’esprit civique et les services rendus à la collectivité.

Ils vont du service militaire du fils au Tibet, au travail bénévole, en passant par le don du sang, le financement d’équipements éducatifs et l’encadrement sportif ou culturel des jeunes. Chaque bonne action répertoriée et consignée sur un registre tenu à jour et collationné par des agents municipaux ouvre droit à des points de crédit social et à des avantages en nature comme plus de riz ou d’huile distribué par le comité municipal.
Quand les points accumulés suffisent à distinguer un impétrant, son nom et sa photo sont affichés et cités en exemple sur un tableau d’honneur de la ville.

En revanche jeter des ordures sur la voie publique, brûler des feux rouges, traverser hors des clous, tricher en affaires ou négliger de prendre soin de ses parents sont passibles de malus.

Une incitation positive au civisme.

A Roncheng qui figure parmi la douzaine de villes pilotes chargées d’expérimenter le système avant qu’il ne soit généralisé à tout le pays en 2020 comme le prévoyait une note interne de 2014, la machine à bonus-malus n’a pas la rigidité impersonnelle de l’IA et des caméras espions.

Articulée à des enquêtes de terrain assorties d’entretiens, compilés, répertoriés et classés, elle y est pour le moment plutôt perçue comme une incitation au civisme. Attribuant des points ou les retirant selon plus de 200 critères, à partir du capital initial de 1000 points, y compris pour les travailleurs migrants, elle classe les résidents en une infinité de niveaux allant de « « AAA » à « DDD » mesurant le respect de la « chose publique » et la conscience politique et morale de chacun.

Les lauréats de la bonne conduite civique obtiennent des étoiles, puis des drapeaux et en sont fiers. Les avantages matériels accordés aux titulaires des « 3 A », au demeurant assez modestes, peuvent aller des visites médicales gratuites aux prêts bancaires préférentiels en passant par des ristournes sur les factures de chauffage. Quant aux « mauvais citoyens », on leur ferme l’accès aux emplois de la fonction publique et aux prêts des banques d’État ; ils n’ont pas non plus le droit de participer aux appels d’offres de l’État.

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et l’utopie vertueuse d’une généralisation sans accrocs politiques du système à toute la Chine paraît aujourd’hui aléatoire.


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