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Le « Grand Jeu » très encombré de l’Arctique. La difficulté des stratégies chinoises

L’empreinte de Washington au Groenland. Stratégies et ambitions chinoises en Islande.

Dans le même temps, faisant suite à la mise à jour, en 2004, de l’accord de défense vieux d’un demi-siècle, les Etats-Unis alourdissent leur présence au Groenland – qui s’est lui-même retiré de l’UE à la suite du référendum de 1982. Aujourd’hui, il est clair que le Groenland, considéré par le Pentagone comme faisant partie de L’OTAN, et dont l’indépendance stratégique par rapport à Copenhague est sur la table, est plus que jamais, un objectif majeur des projets de sécurité planétaires de Washington face à Pékin et Moscou. La base de Thulé (établie en1951) et ses installations radar sont toujours la colonne vertébrale de la défense anti-missiles face au Moyen Orient, à laquelle est, depuis 2005, associé le complexe militaro-industriel danois.

Tiré à hue et à dia entre ses préoccupations de développement, sa volonté d’indépendance complète vis-à-vis de Copenhague, l’implication croissante des grands acteurs stratégiques et économiques de la planète - dont la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l’UE et le Canada - en compétition féroce pour le ressources et les lignes de communication, sur fond de montée des risques écologiques, le Groenland, comme d’ailleurs toute la zone arctique, est devenu un enjeu à la fois économique et de sécurité.

La Chine, observateur non permanent du Conseil Arctique, n’est pas très bien placée dans cette compétition où les riverains tiennent le haut du pavé. Depuis quelques années pourtant, elle s’emploie à renforcer ses positions. Au point qu’à la faveur des récentes tensions financières entre l’Islande, Londres et Bruxelles, elle gagne du terrain auprès de Reykjavik, alors que l’influence de l’UE dans toute la zone donne des signes de recul.

La présence de Pékin dans la région est directement liée à ses besoins en ressources, à quoi s’ajoutent les contraintes de son commerce et de ses lignes de communication logistiques. Devenue le premier exportateur mondial en 2009, devant l’Allemagne, la Chine dépend en effet lourdement du transport maritime, qui compte pour 46% de son PNB.

Dans ce contexte, la zone arctique riche en ressources, qui, de surcroît, offre des voies d’approvisionnement raccourcies – le parcours arctique entre la Mer Jaune et Rotterdam est plus court de 3000 miles nautiques et permet d’économiser en moyenne deux semaines de navigation et 300 000 $ - est au centre des préoccupations chinoises depuis 1996 -, date à laquelle Pékin a intégré la structure académique non gouvernementale du Comité International Scientifique de l’Arctique.

En 2004, la Chine devenait aussi le 8e pays à installer sur l’archipel norvégien des Svalbard, presqu’à mi-chemin entre Rotterdam et le détroit de Béring, une station de recherche scientifique baptisée « Fleuve Jaune », détachée du Centre de Recherche arctique de Shanghai. Simultanément, le « Dragon des Neiges - 雪龙 – Xue Long » (voir photo en page 1, source Xinhua), le plus gros brise glaces non nucléaire de la planète, effectuait plusieurs expéditions arctiques dont une en Islande en 2011, tandis que l’institut océanique de Pékin 北京海洋研究院 – Beijing Haiyang Yanjiuyuan - et le Centre National de développement maritime de Qingdao 青岛中国海洋发展研究中心 étudient l’ensemble des potentiels et opportunités de la zone.

Les nouvelles ambitions chinoises ont éclaté en mars 2010, quand l’amiral Yin Zhuo, ancien président de l’Institut de Stratégie Navale - 海洋战略研究所 – Haiyang Zhanlue Yanjiusuo - déclara que « la zone arctique appartenait à tous les peuples du monde », et que « la Chine, qui abritait 20% de la population mondiale devait y jouer un rôle essentiel ». Mais quelques mois plus tard, l’amiral Vladimir Vyotsky commandant en Chef de la marine russe réagissait, stigmatisant la virulence multiforme des stratégies obliques, notamment de la Chine, ajoutant que « la Russie n’abandonnerait pas un pouce de ses intérêts dans la zone arctique ».

Bien que Pékin n’ait jamais officiellement défini sa stratégie dans la région arctique, il est clair qu’elle vise à augmenter son influence pour, in fine, peser dans les négociations sur les droits de passage et l’attribution des concessions d’exploration. A cet effet, elle multiplie ses actions de recherche scientifique et met en œuvre une approche systématique des pays riverains que sont le Canada, la Norvège, le Danemark et l’Islande. Ce dernier étant l’objet d’une insistance particulière depuis plusieurs années.

La route chinoise vers le Grand Nord, Copenhague, Oslo et Reykjavik passe par le port nord-coréen de Rajin sur la Mer Jaune – où Pékin investit 10 Mds de $ - ; elle continue par les détroits de Lapérouse (Soya en Japonais), entre les Iles de Sakhaline et Hokkaido, à 2000 nautiques du Détroit de Béring.

Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres. Compte tenu des intérêts en jeu, dans un contexte de fortes rivalités, et en dépit du resserrement des liens de la Chine avec plusieurs pays riverains (Russie, Canada, Islande, Norvège, Danemark) ou avec des observateurs permanents comme l’Allemagne, l’accès de Pékin au statut d’observateur permanent du Conseil Arctique sera difficile, tant les méfiances subsistent.

En Islande, le récent projet d’un homme d’affaire chinois comprenant l’acquisition pour 200 millions de $ de 30 000 hectares destinés à un complexe touristique a été bloqué par le gouvernement, tandis qu’avec la Norvège le contentieux du prix Nobel de la paix n’est toujours pas effacé.

En attendant que se décantent les possibilités chinoises dans le domaine de l’exploitation des ressources, où, on l’a vu, le paysage est déjà très encombré, Pékin prépare l’avenir et place ses pions dans le secteur des transports. Malgré l’opacité des projets en cours, des indications laissent penser que les stratèges chinois réfléchissent à la possibilité d’établir, dans un des fjords qui découpent les côtes islandaises, un pôle logistique pouvant assurer le transbordement et le stockage des cargaisons sur la route du commerce Chine – Europe.

Ces projets sont accompagnés par la visite de Wen Jiabao en avril 2012, à Reykjavic (la dernière visite de haut niveau par le Président Jiang Zemin lui-même avait eu lieu en 2002), suivie deux mois plus tard – du 13 au 15 juin -, par celle du président Hu Jintao à Copenhague, venu tâter le terrain des opportunités au Groenland.

S’il est vrai que les perspectives y sont déjà bien hypothéquées par Washington, il n’en reste pas moins que la puissance financière et l’aptitude des banques chinoises à proposer des prêts préférentiels difficiles à concurrencer pourraient ouvrir une brèche dans le mur des méfiances. La puissance de frappe financière de Pékin pourrait également contribuer à déblayer les réticences qui font obstacle à l’attribution de concessions d’exploration aux « majors » chinoises.


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