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›› Politique intérieure

Le Parti revisite son histoire : son regard édulcoré éclaire le présent

Liu Shaoqi le pragmatique, ennemi des égarements idéologiques.

Liu Shaoqi à droite pendant la révolution culturelle avant sa chute. Mao félicite un garde rouge. En arrière plan à gauche Lin Piao Zhou et Enlai.

La révision du passé plonge plus loin dans l’histoire, puisque cette semaine la télévision officielle a commencé la diffusion d’un documentaire sur la vie de Liu Shaoqi qui, selon le journal de la jeunesse, mettra l’accent sur la partie militaire de la carrière de celui qui fut à la fois proche de Mao, puis un de ses plus virulents détracteurs après l’échec du grand bond en avant. (South China Morning Post du 20 août 2014).

Cette contestation politique à quoi s’ajouta probablement la haine que l’égérie de Mao, Jiang Qing, éprouvait à l’égard de Wang Guangmei, l’épouse de Liu, Docteur en physique nucléaire et présidente de l’Université Qinghua, lui valut de tomber en disgrâce en 1966 alors même qu’il était Président de la République. Mort dans un cul de basse fosse en 1969, il fut réhabilité par Deng Xiaoping en 1980.

Alors que le Parti rejette la vérité historique et la mise à jour des aberrations maoïstes, tout en édulcorant la complexité de la trajectoire de Deng Xiaoping le réformateur qui tua dans l’œuf l’ouverture politique du pays en 1989, on peut s’interroger sur le sens politique de retours en arrière aussi sensibles. Comme l’indiquent la série sur Deng et le point de vue strictement militaire, donc annexe, par lequel le documentaire abordera la vie de Liu Shaoqi, le but n’est assurément pas la transparence et l’exhaustivité historiques.

Lancées par le département de la propagande, ces initiatives télévisuelles semblent plutôt destinées à renforcer l’image du Parti autour des exigences du réalisme et du renforcement national qui furent les leitmotivs politiques de Liu et de Deng, tous les deux ennemis des expériences idéologiques hasardeuses.

Le général Liu Yuan, le fils inflexible de Liu Shaoqi…

La référence à Liu Shaoqi avec comme arrière plan le renforcement national ou la renaissance « Fuxing 复兴 », un élément essentiel du « rêve chinois », prend un sens tout particulier si on prête attention au bruit qui court à Pékin selon lequel le fils de Liu Shaoqi, le Général Liu Yuan, actuellement commissaire politique du département logistique de l’APL, allié politique et proche de Xi Jinping, pourrait être promu à l’un des postes clés de la Commission Militaire Centrale lors du plenum d’octobre prochain.

Liu Yuan n’est ni un réformiste politique à l’occidentale ni un partisan du compromis de puissance avec les États-Unis qu’il critique assez vertement. Sa pensée est au contraire assez radicalement imprégnée de nationalisme, parfois d’agressivité anti occidentale et fermement articulée autour de la défense coûte que coûte du magistère du Parti.

…ami d’enfance de Xi Jinping.

De la vie de cet ami d’enfance de Xi Jinping âgé de 63 ans – leurs pères ont tous deux été harcelés par Mao et réhabilités par Deng ; ils ont tous deux fréquenté l’école de l’APL « Ba Yi » n°25 à Pékin de 1960 à 1969 (voir Cheng Li, China Leadership Monitor n°44 « Xi Jinping’s Inner Circle Part 2. Friends from Xi’s Formative Years ») - il faut retenir deux épisodes importants qui éclairent ses idées à la fois réformistes et très nationalistes, articulés sans concession autour de la défense du Parti et du rejet des influences politiques occidentales.

Constat réaliste et sens de l’urgence.

Le général Liu Yuan, fils de Liu Shaoqi, ami proche du président Xi Jinping fut à l’origne de la chute de Xu Caihou, ancien commissaire politique de l’APL.

Le premier épisode eut lieu en 2011 quand Liu Yuan apporta son soutien au livre de Zhang Musheng 改造 我们的文化历史观 gaizao women de wenhua lishi guan - Modifier notre approche culturelle de l’histoire -. Expert en développement rural et protégé du réformateur Chen Yizi, conseiller politique de Zhao Ziyang qui quitta la Chine après Tian An Men pour les Etats-Unis où il fonda le Centre d’Etudes sur la Chine moderne à Princeton, Zhang développait l’idée que seule une « Nouvelle démocratie » pouvait sauver le Parti.

Le constat : « Aujourd’hui il n’y a pas seulement un collusion entre des bureaucrates corrompus, le capital et des intermédiaires parasites, il y a aussi les dirigeants qui se vendent et la capitalisation du pouvoir politique corrompu par des réseaux criminels ».

Zhang Musheng ajoutait que de nos jours les Chinois des campagnes et des villes ne pouvaient plus être manipulés par des slogans. « Aujourd’hui alors que la scolarité des fermiers et des ouvriers dure plus de 13 ans, ce qui à l’époque de Mao les auraient classés dans la catégorie des intellectuels, on compte 800 millions de téléphones portables qui diffusent des SMS partout en Chine ». Le discours signifiait que l’ère des slogans, des banderoles rouges et des gros caractères est terminée.

Le soutien du peuple par une« vraie » démocratie intra-Parti…

Le remède selon le livre de Zhang dont Liu Yuan avait écrit la préface, vise à établir une « démocratie intra-parti », appuyée par des institutions solides et des contre pouvoirs internes, qui permettent l’expression publique et l’élimination de la corruption. Il s’agit, sous peine de grave accident politique, dit Zhang Musheng, de retrouver l’audience et le soutien des ouvriers et des agriculteurs en multipliant les organisations rurales et syndicales capables de mettre en question les politiques publiques et de dénoncer les dérapages éthiques ainsi que les détournements.

Les exemples à suivre étaient, selon lui, les systèmes politiques en vigueur à Hong Kong et à Singapour à la fois démarqués de la démocratie à l’occidentale et débarrassés des dangereuses scories de la corruption.

…Et la lutte inflexible contre la corruption.

De cette période surnageaient un sens de l’urgence politique et la nécessité de refonder moralement le Parti avec le rappel obsessionnel du grave risque posé par la corruption massive de l’appareil.

Ses convictions nationalistes, idéologiques et éthiques révélés par son appui à Zhang Musheng éclairent la suite de la trajectoire de Liu Yuan et la deuxième circonstance de sa carrière récente caractéristique de son credo politique en phase avec celui de Xi Jinping. C’est en effet lui qui, par ses dénonciations inflexibles, fut à l’origine de la chute de Xu Caihou, l’ancien commissaire politique de l’APL à la retraite.
Lire notre article Coup de balai à la tête de l’APL.

Moderniser la Chine, éradiquer la corruption et protéger le Parti.

La séquence des séries TV historiques revues et corrigées par la propagande qui édulcore les ombres de la vie de Deng Xiaoping et de Liu Shaoqi commentées sur un mode critique par l’ancien rédacteur en chef adjoint de la revue d’études idéologiques de l’École Centrale du Parti renvoient en miroir aux controverses politiques en cours en Chine, où les voix réclamant le respect de la constitution et l’évolution vers une démocratie représentative se sont affaiblies depuis 2012.

Décidé coûte que coûte à protéger son magistère, tenant à distance les influences politiques occidentales, s’appliquant au pragmatisme, au réalisme politique et au nationalisme chers à Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, le Parti, concentre toutes ses forces à la restructuration de l’économie. S’efforçant de sortir du piège des excès d’investissements publics et secouant les pesantes influences conservatrices des grands groupes publics et des Banques d’État, il a placé sans ambiguïté la lutte contre la corruption massive des cadres, talon d’Achille du régime, en tête absolue de ses priorités politiques.


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