›› Album
Peu après les cérémonies d’ouverture des JO du 26 juillet, après quelques tentatives pour nier l’évidence, un porte-parole admettait que la version très controversée du spectacle de drag-queens était inspirée par l’emblématique fresque murale de Léonard de Vinci, dépeignant la Cène, dernier repas du Christ avec ses apôtres.
En Chine passant outre le sentiment d’outrage ressenti par les Chrétiens du monde, la communauté LGBTQ +, de plus en plus réprimée par le pouvoir qui s’en méfie, a fait l’éloge de l’esprit d’ouverture et de la capacité iconoclaste de la France.
*
En Chine où les minorités sexuelles, lesbiennes, gay et transgenres sont encore l’objet de discriminations dans l’opinion et victimes de la défiance de l’appareil qui les voit comme un outrage moral et un risque politique à son omnipotence, le tableau des « drag-queens » de la cérémonie parisienne d’ouverture des JO du 26 juillet, mimant la peinture du dernier repas du Christ peint par Leonardo de Vinci à la fin du XVe siècle, a touché quelques nerfs sensibles.
Très vite après la cérémonie parisienne, les commentaires ont envahi le réseau social WeiBo.
Certains firent l’éloge de l’ouverture d’esprit des Français. L’un d’entre eux, applaudi par 380 000 abonnés, a écrit « Le vrai sens de cette scène est que, dans une société véritablement diversifiée et inclusive, chacun a le droit d’explorer et d’apprécier librement le sexe sans être limité par les tabous et les préjugés de la société. »
Un autre : « Le seul fait de pouvoir contempler en direct des scènes transmises par une émission sur CCTV qui gênent d’innombrables conservateurs 无数保守派 procure déjà à l’âme un instant de liberté 灵魂自由的时刻 » (…)
« Dans ce monde plein de tensions, il y a encore des Français qui font l’éloge de l’amour et de la liberté. Tel est le talent chaotique et magnifique de la France. 法国混乱而华丽的天才 ».
Mais s’il est vrai que les organisations non gouvernementales militantes ont progressivement réussi à modifier la perception du public à l’égard des minorités sexuelles, il n’en reste pas moins que depuis une dizaine d’années les groupe LGBTQ + sont de plus en plus souvent réprimés.
Les homosexuels dans le collimateur.
Selon un bilan de Human Rights Watch publié en 2024, en mai 2013, l’une des plus anciennes organisations LGBT de Chine, le « Centre LGBT de Pékin, 北京同志中心 » avait annoncé sa fermeture « en raison de force majeure 不可抗力 ». Elle était la première d’une longue série de fermetures forcées de groupes LGBT.
La charge prit une intensité nouvelle en 2020, avec l’annulation sous la pression croissante des autorités locales de la « Shanghai Pride, 上海骄傲节 » plus ancienne célébration LGBT de Chine, tenue pour la première fois en juin 2009.
Le 22 août 2023, lors de la version chinoise de la Saint-Valentin 情人节, ou 七夕 Qixi, plusieurs organisations LGBT, dont TransBrotherhood China, 跨性别兄弟 中国, Beijing Lesbian Centre 北京女同志中心, ainsi que d’autres comptes publics de minorités sexuelles ont découvert que WeChat avait interdit leurs comptes.
La censure faisait suite à la suppression depuis 2021 par WeChat de dizaines de comptes de réseaux sociaux LGBT gérés par des étudiants universitaires. Parmi les critiques des « Drag Queen » de Paris on retrouve aujourd’hui celles qui, approuvant la répression en 2021, accusaient le mouvement LGBTQ + de subir l’influence de l’étranger.
Sur WeiBo un internaute cautionnait la répression « Je soutiens le blocage de leurs comptes… pourquoi devrions-nous conserver ces comptes publics gérés par les forces anti-chinoises dans nos établissements d’enseignement supérieur ? Attendons-nous qu’ils fassent un lavage de cerveau à des étudiants universitaires qui n’ont pas encore formé leurs valeurs ? »
Le 28 juillet, deux jours après la cérémonie d’ouverture un abonné écrivait sur WeiBo « Il est déplorable que la France ait imposé aux téléspectateurs de telles idées qui ne sont pas avancées, mais rétrogrades. 不先进、而是倒退的观念. »
L’ostracisme qui spécule sur une régression, est trompeur.
« La passion de la manche coupée. »
L’homosexualité est documentée en Chine depuis l’Antiquité. Selon une étude de Bret Hinsch, Docteur en histoire et spécialiste des langues d’Extrême Orient, diplômé des Universités de Yale, 1985 et Harvard, 1993, auteur de « Passion of the Cut Sleeve [1] : The Male Homosexual Tradition in China », plusieurs des premiers empereurs Han eurent des relations homosexuelles au milieu des relations avec leurs concubines.
Selon lui, l’opposition à l’homosexualité ne s’est fermement établie en Chine qu’aux XIXe et XXe siècles à la suite des efforts d’occidentalisation de la fin de la dynastie Qing et du début de la République de Chine.
Pour Van Gulik, diplomate néerlandais et sinologue ayant épousé la fille d’un mandarin, les premières traces de répressions contre les homosexuels sont plus anciennes et remontent à la dynastie mongole des Yuan.
Note(s) :
[1] L’expression « 斷袖之癖, duanxiu zhi pi - passion de la manche coupée », désignant traditionnellement les homosexuels, fait référence à un ancien mythe chinois racontant les amours entre l’Empereur Han Aidi - 27 av. J.-C, décédé une année av.J-C – et son favori Dong Xian, dont les sinologues expliquent l’ascension dans l’administration impériale par l’amour que lui portait le jeune empereur de quatre ans son cadet.
Un après-midi, l’empereur Ai se réveillant d’une sieste avec Dong dormant à ses côtés, constata que sa manche était coincée sous la tête de son amant. Plutôt que de le réveiller l’empereur Ai coupa sa manche pour permettre à Dong de continuer à dormir.