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›› Editorial

Meng Wanzhou, symbole de la rivalité globale avec Washington

Colère et hésitations à Pékin

C’est peu dire que dans sérail politique chinois et dans l’opinion, faisant suite aux sanctions déjà infligées le 20 septembre par la justice américaine à Li Shangfu, Directeur du département des équipements de l’APL pour avoir violé l’embargo imposé à la Russie, l’arrestation selon des lois que la Chine rejette, de la fille d’un des PDG les plus emblématiques de la « renaissance » technologique chinoise, à la tête d’une société dont l’empreinte est devenue globale, touche un nerf sensible.

Alors qu’en représailles, Michael Michael Kovrig, ex-diplomate canadien travaillant pour l’International Crisis Group et basé à Hong Kong a été arrêté en Chine, Meng Wanzhou était libérée le 11 décembre contre le versement d’une caution de 10 millions de $. Contrainte de porter un bracelet électronique et de rester sous étroite surveillance en Colombie britannique, elle attend un éventuel jugement d’extradition vers les États-Unis.

Dénonçant le « traitement dégradant, violant ses droits humains élémentaires » subi par l’accusée « menottée et, par moments, entravée aux chevilles », après avoir aussi stigmatisé l’absence de preuves d’un forfait que la Chine nie bec et ongles, – Huawei ayant vendu Skycom en 2009 – un éditorial du Global Times publié avant la libération de Meng s’étonnait que la Chinoise soit la seule à être traitée aussi durement parmi les responsables de sociétés ayant publiquement annoncé leur intention de continuer à commercer avec l’Iran, en dépit des sanctions américaines.

Sans surprise, la conclusion était une menace dirigée contre les intérêts canadiens en Chine : « Si Meng Wanzhou n’était pas libérée sous caution et extradée aux États-Unis, le Canada n’en recueillera qu’une reconnaissance minimum de la part de Washington. Il subira en revanche une riposte maximum de la part de Pékin ».

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A Pékin où chacun est persuadé que l’attaque qui n’a rien à voir avec le droit, est une manœuvre politique initiée par des faucons tel Bolton, utilisant Meng Wanzhou comme otage dans les négociations commerciales, les esprits s’échauffent depuis une semaine autour de l’hypothèse d’une possible contre offensive chinoise.

Wang Xiangwei, ancien directeur de la publication du South China Morning Post, aujourd’hui correspondant et conseiller du journal à Pékin, évoquait déjà il y a quelques jours la possibilité de représailles contre des ressortissants américains ou canadiens. En même temps, il mesurait les risques d’engrenage néfaste relaçant la guerre des taxes, affolant les marchés à peine rassurés par l’accord de Buenos-Aires et réduisant à néant l’espoir déjà fragile d’un accommodement commercial sino-américain.

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Sous la lourde pression de Washington, les plus réalistes soucieux de ramener la relation sur des chemins moins escarpés, font valoir que l’exécutif chinois commence à se donner les moyens de juguler en Chine le viol de la propriété intellectuelle, une des doléances majeures de la Maison Blanche.

Tout en s’appliquant dans ses discours à donner le sentiment de ne pas céder à la surenchère d’intimidations de D. Trump, ayant même censuré l’accès au site de la Maison Blanche qui en faisait l’inventaire, le Conseil des Affaires d’État a, le 4 décembre dernier, rendu publiques les nouvelles règles négociées par 38 administrations, y compris les douanes et la banque centrale, augmentant les sanctions contre le pillage de la propriété intellectuelle.

Les nouvelles mesures vont jusqu’à fermer aux auteurs l’accès aux prêts bancaires et aux financement publics et à leur interdire de voyager en Chine. En même temps, le 5 décembre, le premier ministre Li Keqiang présidait une réunion destinée à modifier la loi chinoise sur les brevets pour la mettre en cohérence avec les pratiques internationales. Pour mesurer le chemin parcouru depuis 2010, lire : L’innovation avec caractéristiques chinoises.

Preuve qu’au-delà des ripostes directes destinées à l’opinion publique chinoise, la Chine reste toujours disposée à apaiser les relations avec Washington, au moment même où elle augmentait le feu des pressions contre Ottawa, le Vice-ministre Liu He, ami d’enfance de Xi Jinping, membre du bureau politique, président de la Commission pour le développement et la stabilité financière s’entretenait au téléphone avec Steven Mnuchin, secrétaire au Trésor et Robert Lighthizer, en charge du commerce dans l’administration Trump.

Sur la table, à 78 jours de la fin de l’armistice décidé à Buenos-Aires, le projet chinois d’envoyer à Washington à une date non encore arrêtée, une délégation de 30 membres pour négocier la suite de réajustements commerciaux dont les contours n’ont pas encore été clairement définis, au milieu des « tweet » du président américain sur le rachat de NXP et la réduction par Pékin des droits de douane sur les exportations automobiles américaines en Chine. Lire : Au G.20, Washington concède à Pékin un armistice de 90 jours.

Tel est l’arrière plan politique, juridique et commercial de l’affaire Huawei concentrant à Vancouver l’attention des médias de la planète, tandis que des groupes de supporters chinois et canadiens-chinois qui accusent le Canada de « faire le sale boulot de Washington », ne cessaient de réclamer l’élargissement immédiat de Meng Wanzhou.

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Enfin, on constatera que les effervescences juridiques de Vancouver autour d’une figure de premier plan de la plus célèbre entreprise de haute technologie chinoise d’envergure mondiale, précisément accusée d’être un canal d’espionnage au profit de la Chine, sont en réalité la rumeur sourde du frottement tectonique entre deux rivaux, se réclamant chacun de leurs caractéristiques propres, pour faire valoir leur prévalence planétaire.

Quand à Washington on se drape dans le droit et la morale, à Pékin on évoque les très longues traces culturelles et historiques du vieil Empire.

Alors que les Américains et les Canadiens- premier ministre Trudeau en tête - répètent que la politique n’a aucune influence sur la justice, une chose est certaine, la conclusion des audiences et débats en cours à Vancouver ayant déjà mis les relations diplomatiques entre Ottawa, Pékin et Washington sous haute tension, aura un effet direct sur la nature des rapports entre les trois.

Simultanément et au-delà des musiques convenues sur l’indépendance de la justice, elle sera la mesure de la puissance d’impact de Washington ou, à l’inverse, de la capacité de résistance de la Chine faisant pression sur le Canada. Si Meng était extradée pour être jugée aux États-Unis, l’impact dans l’opinion publique chinoise serait tel qu’il mettra en péril toute tentative négociée pour sortir de la crise commerciale.

Mise à jour le 14 décembre.

Pour l’heure, les tensions s’exacerbent à un niveau rarement observé. Alors que Meng Wanzhou un bracelet électronique au pied, attend en résidence surveillée que la cour canadienne statue sur son extradition aux États-Unis, le 13 décembre, la Chine annonçait l’arrestation d’un deuxième otage : Michael Spavor.

Également Canadien, écrivain et chef d’entreprises organisant des voyages culturels en Corée du Nord, Spavor était Interrogé par la Sécurité d’État du Liaoning depuis le 10 décembre quand il a été arrêté. Comme Kovrig il est accusé, sans précisions, de crime contre la sécurité nationale, ce qui est une indication formelle et concrète d’un sérieux emballement de la situation.

Prise entre deux feux, Chrystia Freeland, la ministre canadienne des Affaires étrangères a d’abord appelé la Chine à se conformer au Droit puis exhorté la Maison Blanche à cesser de politiser un affaire, qui dit-elle n’était à l’origine que légale, dans laquelle Huawei était accusée de fraude bancaire.

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Après la mise au secret de de Spavor, le New-York Times publiait un article faisant le point des plus récentes arrestations en Chine d’étrangers, ayant des ascendances chinoises ou pas. https://www.nytimes.com/2018/12/12/world/asia/china-foreigners-detained.html?module=inline

Depuis l’automne 2018, la Chine retient en otage l’épouse et les deux enfants de Liu Changming, ancien cadre d’une Banque Publique chinoise accusé de fraudes massives et en fuite depuis 2007.

En janvier 2017, Xiao Jianhua, financier sino-canadien, bien informé de la fortune des grandes familles chinoises était enlevé dans une chaise roulante par des inconnus à l’hôtel Four Saisons à Hong Kong. Il est toujours aux mains des autorités chinoises qui n’ont jamais communiqué sur son cas. Le milieux informés suggèrent qu’il coopère avec les autorités pour débusquer les fraudeurs financiers et les canaux de fuite des capitaux.
https://www.questionchine.net/le-parti-et-ses-milliardaires-histoires-troubles-corruption-et-querelles-politiques?artpage=2-3

Début 2016, Peter Dahlin, citoyen suédois co-fondateur à Pékin d’une ONG d’assistance juridique a été interrogé par la sécurité d’État durant une période de 23 jours, à l’issue de laquelle il a été expulsé, non sans avoir avoir fait des excuses publiques.

De 2013 à 2015, Peter Humphrey, un consultant britannique effectuant des enquêtes de due diligence et son épouse Yu Yingzen, américaine d’origine chinoise tous deux également conseillers du groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline, ont purgé deux années de prison pour, dit la justice chinoise, avoir lésé les intérêts privés chinois en obtenant des informations confidentielles.

En 2014, Kevin et Juila Garrat, missionnaires chrétiens résidant et travaillant en Chine depuis 30 ans furent arrêtés à Dandong à la frontière nord-coréenne sur accusation d’espionnage. Si Julia avait été libérée aussitôt, Kevin avait purgé une peine de prison de 2 ans. A cette époque, il s’agissait déjà de faire pression sur le Canada après l’arrestation à Vancouver d’un entrepreneur aéronautique chinois accusé d’espionnage par Washington.


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