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Mer de Chine du Sud : Le G.7 accuse la Chine qui se cabre

Le récent échange acerbe à propos des mers de Chine du Sud et de l’Est entre Pékin et le G.7 [1], réuni à Taormina en Sicile le 27 mai, donne l’occasion de revenir sur l’évolution de la situation dans le vaste espace grand comme la Méditerranée de la mer de Chine du Sud que Pékin revendique en totalité et où ses ingénieurs et ses militaires installent depuis 2014 des points d’appui sur les groupes d’îlots des Paracel et des Spratly, élargis à un rythme soutenu par des apports de sable et des travaux de bétonnage.

Ce point de situation mesure la dynamique à l’œuvre dans la région, depuis l’arbitrage défavorable à Pékin rendu le 12 juillet 2016 par la Cour de La Haye dans le différend qui oppose la Chine aux Philippines. Lire notre article Arbitrage de la Cour de La Haye. Tensions et perspectives d’apaisement.

Il tient notamment compte de l’arrivée au pouvoir aux États-Unis de Donald Trump dont une des premières décisions fut d’abandonner le Trans Pacific Partnership (T.P.P), un des leviers de l’influence américaine dans la région [2], sans toutefois renoncer à affirmer les droits de navigation libre dans les parages des îlots élargis par la Chine.

L’analyse qui suit considère également le changement radical provoqué aux Philippines par l’élection de Rodrigo Duterte dont le positionnement sur les différends avec la Chine et la relation avec Washington paraissent à l’exact opposé de celui de son prédécesseur à l’origine de la demande d’arbitrage des Philippines en 2013.

Colère chinoise.

Après la déclaration finale du G.7 exprimant la préoccupation de groupe à propos de l’attitude de Pékin autour des Senkaku et en mer de Chine du Sud, exigeant la démilitarisation des îlots contestés [3], le 28 mai, le porte-parole du Waijiaobu a réagi avec vigueur. « La Chine », a dit Lu Kang, « est fortement irritée par la mention de la situation dans les mers de Chine du l’Est et du sud par G.7. »

En substance le porte parole ajouta que, dévouée à la solution pacifique des différends avec tous les riverains, Pékin espérait que les étrangers à la zone respecteront les efforts des pays de la région pour régler leurs différends dans la paix et qu’à l’avenir, ils s’abstiendront de faire « des remarques irresponsables ».

La crispation chinoise suit une récente réaction tout aussi mordante de Pékin après que, le 24 mai dernier, le destroyer lance-missiles Dewey de l’US Navy se soit approché à moins de 12 nautiques du récif de Mischief agrandi par la Chine. Première de cette nature depuis l’élection de Donald Trump, la manœuvre qui comportait un exercice de sauvetage en mer à proximité du récif avait deux objectifs.

Outre l’envoi à Pékin d’un signal sur la liberté de navigation identique à celui de l’administration Obama, elle visait à rassurer les alliés de Washington sur la fermeté du nouveau président, alors que, depuis son élection, Trump semble hésiter à affronter directement la Chine.

Le choix des Mischef pour cette première démonstration de l’US Navy sous le mandat du nouveau président n’est pas anodin puisque le récif est explicitement mentionné dans l’arbitrage en faveur des Philippines du 12 juillet 2016 qui dénonçait les constructions artificielles chinoises sur les Mischief sans l’autorisation de Manille « violant ses droits souverains sur son plateau continental et dans sa zone économique exclusive. »

Il reste que, depuis l’arbitrage de La Haye, le vent a tourné en faveur de Pékin. L’arrivée aux Affaires à Manille de Rodrigo Duterte dont les sentiments à l’égard de Washington qui critique la brutalité de sa campagne anti-drogue, sont pour le moins distants sinon hostiles, a ouvert une brèche dans la cohésion des pays 4 pays de l’ASEAN en litige avec la Chine.

Le vent tourne.

A force de persévérance, exprimant depuis le milieu des années 90 la position inflexible que la question de la mer de Chine doit être réglée par des négociations séparées entre Pékin et chacun des contestataires, à l’exclusion des ingérences de l’ASEAN et des pays n’appartenant pas à la région, le régime chinois est parvenu à ses fins. Au moins avec Manille.

Le 20 octobre, Rodrigo Duterte en visite officielle à Pékin, acceptait de négocier directement avec la Chine sur ses différends à propos desquels les Philippines avaient pourtant obtenu gain de cause à La Haye, tout juste trois mois plus tôt.

Quel que soit l’angle de vue, la bascule de Manille modifiait le rapport des forces dont le glissement en faveur de la Chine est encore accéléré par le repliement domestique de l’Amérique sur ses intérêts directs. A Pékin, le président philippin relativisa le jugement de La Haye qui, a t-il dit, « serait mis de côté », tandis qu’avec Xi Jinping il décidait de mettre sur pied une structure conjointe de garde-côtes en vue d’une coopération.

En même temps, renversant à 180° l’ancienne attitude chinoise d’exclusion par la force des pêcheurs philippins dans les parages des Scarborough, Liu Zhenmin, vice-ministre des Affaires étrangères promettait une assistance aux pêches et une coopération industrielle pour le conditionnement du poisson.

Dans la foulée on parla aussi de coopération militaire et de sécurité, tandis que la Chine promettait des financements pour les infrastructures et la levée des restrictions sur l’importation de fruits. S’alignant sur une des propositions les plus anciennes de Pékin pour tenir à distance les querelles de souveraineté, Duterte évoqua même la possibilité d’exploitation conjointe des ressources, précisant cependant que l’éventualité devait être approuvée par le parlement philippin.

Enfin, concession majeure de la Chine, moins de 10 jours après la visite du président philippin, les garde-côtes chinois abandonnèrent leurs positions autour des Scarborough permettant ainsi le retour des pêcheurs philippins dans une zone d’où ils étaient exclus depuis 2012.

Note(s) :

[1Créé en 1975, le groupe comptait initialement les États-Unis, le Canada (intégré en 1976), le Royaume Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie, et le Japon. En 1998, le groupe s’est élargi à la Russie, cependant suspendue du groupe depuis 2014 et l’affaire de Crimée.

Déjà contestable par l’absence de la Chine, la légitimité de cette assemblée sensée regrouper les premières puissances économiques de la planète, est régulièrement attaquée par des mouvements altermondialistes - « d’autres mondes sont possibles » - ou d’inspiration tiers-mondiste qui l’accusent d’imposer à la planète une trajectoire néo-libérale au profit des pays les plus riches, négligeant une part importante de l’humanité.

[2Finalisé le 4 février 2016, le TPP a pratiquement été tué dans l’œuf par le retrait de Washington 23 janvier 2017. Alors que l’abandon en rase campagne de Washington a mis à l’arrêt les processus de ratification, en Asie, Tokyo tente, avec l’appui du Canada et de l’Australie et des pays asiatiques concernés (sultanat de Brunei, Malaisie, Singapour et Vietnam) de ressusciter l’accord en tirant profit des réunions de l’APEC au Vietnam en 2017.

[3En mars dernier, prenant appui sur des images satellites, le CSIS de Washington, affirmait que le génie maritime chinois avait terminé les travaux d’infrastructures permettant de militariser les îlots de Fiery Cross, Subi et Mischief. Rappelant que des missiles HQ-9 étaient déjà déployés sur l’île de Woody Island (永兴岛- Yongxing Dao) dans les Paracel, le Think Tank ajoutait que 2 douzaines de bâtiments avaient été construits sur les récifs élargis de Subi, Mischief et Fiery Cross pour y accueillir des batteries de missiles sol-air.

En même temps, les pistes d’atterrissage en construction ou déjà terminées sur Yongxing Dao dans les Paracel et les récifs de Fiery Cross, Subi, Mischiefs dans l’archipel des Spratly pourraient, « à tout moment », accueillir des appareils militaires.


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